Il me semblait intéressant de faire un point sur la question de l’inaptitude du salarié dans la mesure où la Cour de Cassation a, très récemment, rendu plusieurs arrêts sur ce sujet.
Elle rappelle le rôle central du médecin du travail et les obligations de l’employeur en la matière.
A l’issue d’un arrêt de travail pour maladie (21 jours d’arrêt) ou pour accident du travail (8 jours d’arrêt) ou pour maladie professionnelle ou pour congé maternité, l’employeur a l’obligation de faire passer à son salarié une visite médicale de reprise et cela dans les 8 jours qui suivent son retour dans l’entreprise.
En cas de non-respect de cette obligation, l’employeur commet une faute qui cause nécessairement un préjudice au salarié.
Si l’employeur ne déclenche pas la visite de reprise, le salarié peut soit réclamer cet examen médical auprès du médecin du travail après avoir informé son employeur de sa démarche, soit demander à son employeur de faire procéder à la visite. Le refus de l’employeur dans ce cas est considéré comme un licenciement.
C’est le médecin du travail qui est habilité à faire passer cette visite qui a pour objet d’apprécier l’aptitude du salarié à reprendre son ancien poste, de la nécessité d’une adaptation de ses conditions de travail ou d’une réadaptation.
La visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail.
Les préconisations du médecin du travail
Le médecin du travail est habilité à proposer des « mesures individuelles telles que mutations ou transformations de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs ».
Le médecin du travail peut faire des recommandations sur le poste occupé que l’employeur est tenu de prendre en compte.
La Cour de Cassation est venue dire très récemment dans un arrêt du 6 février 2008 que si le salarié contestait la compatibilité du poste auquel il était affecté avec les recommandations du médecin du travail, l’employeur était contraint de solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail.
En effet, l’employeur ne peut laisser un salarié travailler sur un poste qui n’est pas adapté au risque de mettre sa santé en danger.
Cet arrêt illustre une fois de plus l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur envers ses salariés.
L’inaptitude
Qui décide de l’inaptitude ?
Seul le médecin du travail est habilité à décider de l’inaptitude d’un salarié.
Sauf si le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité, ou pour celles de tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail qu’après une procédure bien spécifique.
Il doit étudier le poste du salarié (il a libre accès aux lieux de travail) et vérifier les conditions de travail dans l’entreprise.
Le médecin du travail ne peut prononcer l’inaptitude qu’à l’issue de deux examens médicaux espacés de deux semaines. Il doit se prononcer sur les possibilités de reclassement du salarié dans l’entreprise.
Attention le licenciement prononcé pour inaptitude après un seul examen (hors le cas du danger immédiat) ou après deux examens ne respectant par le délai de semaines peut être déclaré nul.
Dans un arrêt du 12 mars 2008, la Cour de Cassation a condamné un employeur à verser à sa salariée des dommages et intérêts parce qu’il l’avait licenciée pour inaptitude alors qu’il n’avait pas le droit de le faire dans le cas présent.
Dans cette affaire, une salariée vendeuse a été victime d’un accident du travail puis a été placée en invalidité de 2ème catégorie.
Le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste de vendeuse mais à l’issue d’une seule visite au lieu de deux comme le prévoit la loi quand le salarié n’est pas exposé à un danger immédiat.
La Cour de Cassation indique que dans ce cas, si l’employeur ne fait pas procéder à la 2ème visite, il commet une faute occasionnant un préjudice pour la salariée dont il doit réparation.
La Cour de Cassation énonce que « s’agissant d’un dommage qu’il convenait de réparer, il appartenait à la Cour d’appel d’allouer à la salariée non pas le paiement des salaires mais une indemnisation du préjudice réellement subi ».
En effet, la 2ème visite n’ayant pas eu lieu, l’obligation pour l’employeur de verser les salaires dans le délai d’un mois qui suit cette 2ème visite ne pouvait s’appliquer.
Quels sont les effets de l’inaptitude ?
L’employeur a une obligation de reclassement du salarié inapte. Cela signifie qu’il doit lui proposer « un autre emploi approprié à ses capacités en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».
L’employeur dispose alors d’un mois à compter de l’avis du médecin du travail pour reclasser ou si le reclassement est impossible licencier le salarié.
Le salarié peut refuser le poste proposé par l’employeur. S’il conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, l’employeur est contraint de solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail. (Cass.soc. 6 février 2008). La nouveauté de cet arrêt réside dans le fait qu’auparavant dans cette hypothèse, l’employeur pouvait licencier le salarié pour impossibilité de reclassement.
Sur le même thème, la Cour de Cassatin a rendu un autre arrêt le 20 février 2008, dans lequel elle a considéré qu’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail et qui refuse, sans motif légitime, plusieurs postes de reclassement proposés par son employeur conformes aux préconisations du médecin du travail, peut valablement être licencié en raison du caractère abusif de ce refus.
Pendant le délai d’un mois, le salarié, qui ne peut plus travailler car déclaré inapte, ne perçoit aucune rémunération.
A l’issue du délai d’un mois, si le salarié qui n’a pas été reclassé ou licencié, l’employeur a l’obligation de verser à l’intéressé le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Cette obligation a été rappelée récemment par la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mars 2008.
Et elle s’applique que l’inaptitude ait été déclarée à l’issue de la procédure du double examen ou à l’issue d’un examen unique (cas du danger immédiat) ainsi que l’a décidé la Cour de Cassation dans un arrêt du 6 février 2008.
Que faire en cas de désaccord avec l’avis du médecin du travail ?
En cas de difficulté ou de désaccord, la décision d’aptitude ou d’inaptitude est prise par l’inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail.
Cette saisine de l’inspecteur du travail peut être faite par le salarié ou par l’employeur.
La décision de l’inspecteur du travail doit être motivée sans pour autant trahir le secret médical. Elle peut elle-même faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.
Attention le juge judiciaire n’est pas compétent. La Cour de Cassation l’a encore récemment rappelé dans un arrêt du 19 décembre 2007 : « il n’appartenait pas au juge judiciaire, saisi d’une contestation afférente à la licéité du licenciement d’un salarié inapte à son poste de travail, de se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son obligation de procéder à une étude de poste et des conditions de travail dans l’entreprise. »
Caroline LEGAL
Avocat
Certificat de spécialisation champ de compétence droit de la sécurité sociale.