L’intention de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon, relative à l’emploi de la langue française, était louable.
Face à l’envahissement des néologismes anglo-saxons dans les écrits, les conversations, les médias ou le commerce, il s’agissait de réaffirmer notre langue comme un élément fondamental de la personnalité de la France.
Il s’agissait de rappeler que, sur le territoire de la République, le français est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics.
Loi d’ordre public, à laquelle donc le contrat ne peut déroger, la loi Toubon a rendu obligatoire l’emploi du français dans tous les documents relatifs à la désignation, le mode d’emploi ou la description d’un bien, d’un produit ou d’un service.
Les sanctions sont sévères puisqu’une amende contraventionnelle de la 4ème classe réprime toute infraction.
C’est donc l’histoire d’un infortuné concessionnaire automobile parisien, qui, ayant vendu un vieux véhicule de marque allemande à un de ses clients, lui remettait un livret technique en langue allemande, n’étant pas en possession de la traduction en français.
Le client se montrait indélicat et saisissait la Répression des fraudes qui lançait une enquête.
Notre vendeur, qualifié de prévenu, fût déféré devant un tribunal et eu l’honneur d’avoir contre lui, outre son client procédurier, deux parties civiles prestigieuses à savoir les associations Avenir de la Langue Française (fondée par les intellectuels Dominique Noguez, Albert Salon et Régis Debray) et Défense de la Langue Française (fondée par Jean Dutourd).
Pour avoir remis à son client ce petit livret en langue allemande, le malheureux vendeur, coupable de forfaiture, fût condamné, outre à une amende contraventionnelle, à quelques milliers d’euros de dommages-intérêts et moult frais de procédure pour avoir causé un préjudice matériel et moral aux associations de nos éminents intellectuels et académiciens.
Le préjudice matériel sollicité était notamment justifié par de nécessaires frais de représentation et de voyage pour assurer le rayonnement de la langue française dans le monde.
Le préjudice moral était justifié par le grave discrédit porté à « l’engagement militant » des adhérents.
Bigre !
S’agissant de gens de lettres et d’esprit, le justiciable aurait mieux compris, puisque la condamnation était inévitable, une demande équivalente à l’euro symbolique (ou au franc symbolique…), la peine d’amende étant déjà suffisante…
Mais, manifestement, il ne fallait pas plaisanter avec la langue française, qui fait vivre tant de monde…
Le commerçant eût été mieux avisé de ne rien remettre du tout à son client puisque si la loi Toubon réprime le non usage du français dans un écrit, elle ne réprime pas le silence...
Discussion en cours :
Merci pour cet article. Je ne pense pas que condamner ce commerçant honnête s’inscrit dans l’esprit de la loi Toubon