Les dispositions de la cession de créance à titre de garantie sont insérées aux articles L313-23 de Code monétaire et financier. Le mécanisme de la cession Dailly est un moyen pour une entreprise d’obtenir du crédit en transférant ses créances. Toutefois les créances sont nécessairement professionnelles et le cessionnaire ne peut être qu’un établissement de crédit. Les créances sont ainsi transmises pour garantir le remboursement d’un prêt ou crédit quelconque consenti auparavant au cédant par le cessionnaire.
Si la fiducie de 2007 soumettait la fiducie à un régime unique, sans distinction entre fiducie-sûreté et fiducie-gestion, partant d’une très large définition de la notion donnée à l’article 2011 du Code civil, la fiducie de 2009 comporte une réglementation spécifique pour chaque variante, mais conserve un tronc commun pour certaines règles (notamment concernant les effets du contrat à l’égard des parties et des créanciers).
Par analogie à la définition générale donnée par le Code civil, la fiducie-sûreté peut se définir comme l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des sûretés, ou un ensemble de sûretés, présentes ou futures, à un ou plusieurs fiduciaires qui les tiennent séparés de leur patrimoine propre, en vue de garantir l’engagement pris par le ou les constituants à l’égard d’un ou plusieurs bénéficiaires. La fiducie sûreté consiste donc à se faire attribuer des biens en garantie d’une créance jusqu’au paiement de celle-ci. Le fiduciaire devra retourner le bien au fiduciant lorsque la garantie n’a plus lieu de jouer.
1. Les intervenants au contrat de fiducie-sûreté
1.1 Le fiduciant
Depuis la loi LME du 4 août 2008, la loi ne fixe plus de limites quant à la qualité du constituant de la fiducie [1]. Le fiduciant peut aussi bien être une personne physique que morale.
1.2 Le fiduciaire
Seuls peuvent être fiduciaires les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance ainsi que les avocats.
1.3 Le bénéficiaire
Le bénéficiaire quant à lui peut être une personne physique ou morale, voire le constituant ou le fiduciaire eux-mêmes conformément à l’article 2016 du Code civil à condition toutefois que leur désignation intervienne au plus tard avant l’expiration du terme de la fiducie.
2. La formation du contrat de fiducie-sûreté
2.1 Les conditions de fond
L’article 2012 dispose que la fiducie est établie par la loi ou par contrat. Elle ne peut se présumer.
Le contrat de fiducie-sureté, la propriété cédée à titre de garantie d’une obligation peut porte sur un bien meuble ou immeuble (depuis l’ordonnance de 2009, articles 2372-1 et 2488-1 du Code civil).
2.2 Les conditions de forme
Article 2372-1 du Code civil : en matière de fiducie-sûreté, « le contrat mentionne à peine de nullité, outre les dispositions prévues à l’article 2018 , la dette garantie et la valeur estimée du bien ou du droit transféré dans le patrimoine fiduciaire » [2].
L’écrit est obligatoire. L’acte authentique s’impose aux époux mariés sous un régime de communauté qui veulent constituer une fiducie sur des biens communs meubles ou immeubles ainsi qu’aux indivisaires qui souhaitent constituer une fiducie sur leurs biens indivis.
De plus à peine de nullité le contrat de fiducie et ses avenants doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non résidents si le fiduciaire n’est pas domicilié en France.
3. Les effets du contrat de fiducie-sûreté
Le contrat de fiducie est un contrat synallagmatique qui suppose un transfert de propriété au bénéfice du fiduciaire. Dès lors il génère des obligations à la charge des deux parties ce qui aura un effet sur le droit des tiers en l’occurrence les créanciers de l’un et l’autre
3.1 A l’égard des parties
3.1.1 Le constituant
La situation matérielle du constituant n’est pas nécessairement affectée concrètement par la fiducie. En effet, le contrat peut prévoir qu’il conservera l’usage ou la jouissance des biens concernés, ce qui est permis implicitement par l’article 2018-1 du Code civil, issu de la loi du 4 août 2008.
En tout état de cause, le constituant est tenu de transférer les droits et les biens convenus au fiduciaire, sur lesquels il perd tout pouvoir d’administration et de disposition et ne conserve que des droits personnels et non réels. En effet, la propriété étant transférée d’un point de vue juridique, il ne jouit plus que des utilités expressément conservées au titre du contrat.
En principe, le constituant perçoit les fruits de la propriété transférée mais il vaut mieux le préciser au contrat.
3.1.2 Le fiduciaire
En raison de la nature de l’institution, il est lié par une obligation principale, qui consiste à réaliser l’objet de la fiducie, assortie d’obligations de diligence et de loyauté. La valeur économique du patrimoine fiduciaire n’appartient pas au fiduciaire, qui est seulement chargé de le conserver et, éventuellement, de le faire fructifier.
Dans ses rapports avec les tiers, il est réputé disposer des pouvoirs les plus étendus sur le patrimoine fiduciaire, à moins qu’il ne soit démontré que les tiers avaient connaissance de la limitation de ses pouvoirs (art. 2023 du Code civil). Il doit agir es qualité et rendre compte de sa mission au constituant
Propriétaire temporaire par l’effet du contrat, le fiduciaire percevra le plus souvent, au moins en matière de fiducie-gestion, une rémunération prévue par la convention, soit par versement périodique d’une somme forfaitaire, soit par prélèvement direct et prédéfini d’une quote-part du patrimoine géré. En revanche, sauf stipulation contraire, il ne peut prélever les fruits pour son patrimoine personnel.
En contrepartie de ces pouvoirs il pourra être contrôlé par un tiers comme le prévoit l’article 2017 du Code civil et est responsable sur son patrimoine propre des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission (art. 2026 du Code civil).
3.1.3 Le bénéficiaire
Il n’est pas concerné immédiatement par la fiducie. Il ne dispose que d’une vocation future à la propriété pleine et entière des biens affectés, conditionnée à son acceptation. Elle s’analyse en un droit personnel ou de créance, non échu. Ce explique qu’il n’ait, sauf stipulation particulière, qu’une action lui permettant d’intervenir pour faire dessaisir le fiduciaire, ainsi que la possibilité de refuser de donner son accord à la révocation ou la modification du contrat.
3.2 A l’égard des créanciers
Le transfert de propriété inhérent au contrat de fiducie a des incidences à l’égard des créanciers du constituant qui ne pourront plus saisir les biens transférés puisqu’ils ne font plus partie de leur droit de gage général
La loi organise une insaisissabilité du patrimoine fiduciaire au détriment des créanciers personnels du fiduciaire ; ces derniers ne pourront saisir les biens transférés restant séparés du patrimoine propre du fiduciaire.
Toutefois si le fiduciaire fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire la fiducie prend fin les droits ou les biens étant transmis au bénéficiaire ou a défaut au constituant (art. 2029 du Code civil).
Le patrimoine fiduciaire est donc à l’abri des poursuites mais il peut être saisi par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine.
En cas d’insuffisance du patrimoine fiduciaire le patrimoine du constituant constitue à moins d’une clause contraire mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire, le gage commun des créanciers.
3.3 L’opposabilité aux tiers
Le principe est que s’appliquent le droit commun et les règles de publicité afférentes aux biens ou droits concernés (immeubles, fonds de commerce...). Cependant, pour les transferts de créances, la loi (article 2018-2 du Code civil) fixe l’opposabilité aux tiers à la date du contrat de fiducie et, s’agissant du débiteur cédé, à la date de notification à ce dernier du transfert. Mais, dans les autres cas, de sérieux conflits risquent de survenir en matière mobilière avec les ayants cause du constituant ayant la possession des biens.
4. La réalisation de la fiducie-sûreté
L’ordonnance du 30 janvier 2009 [3] introduit des dispositions relatives à la réalisation des fiducies-sûretés constituées par des personnes physiques. En cas de non-paiement, le fiduciaire créancier acquiert « la libre disposition du bien ou du droit cédé », c’est-à-dire sa propriété pleine et entière. Le contrat peut cependant en disposer autrement. Le créancier non fiduciaire bénéficie d’un droit personnel contre le fiduciaire, lui permettant d’exiger la remise des biens en pleine propriété ou, si le contrat le prévoit, la vente de ceux-ci et la remise de tout ou partie du prix. Une procédure d’évaluation par expert est prévue, sauf lorsqu’il existe une cotation officielle ou si le bien est une somme d’argent. Si le montant de la dette est inférieur au produit de la vente, le bénéficiaire ou le fiduciaire qui procède à la vente reverse la différence au constituant. Avec la loi du 12 mai 2009, ces dispositions sont applicables aux personnes morales.
5. Les causes d’extinction de la fiducie-sûreté
Aux termes de l’article 2029 du Code civil, « le contrat de fiducie prend fin par le décès du constituant personne physique, par la survenance du terme ou par la réalisation du but poursuivi quand celle-ci a lieu avant le terme (extinction par paiement des créances garanties) ».
Par exception, l’article 2072-1 du Code civil prévoit le décès du constituant personne physique ne met pas fin au contrat de fiducie-sûreté.
6. La révocation de la fiducie-sûreté
En vertu de l’article 2028 du Code civil, le constituant peut révoquer la fiducie tant qu’elle n’a pas été acceptée par le bénéficiaire. Cela lui permet de récupérer le patrimoine fiduciaire, par exemple en cas de besoin financier. Une telle faculté apparaît anormale en matière de fiducie-sûreté. Il est cependant relativement aisé de se prémunir contre ses inconvénients dans la mesure où la fiducie devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire [4] .
7. La fiducie-sûreté rechargeable
Le rechargement de la fiducie sûreté consiste à affecter la propriété fiduciaire cédée à la garantie de dettes autres que celles mentionnées par l’acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément (article 2372-5).
Le rechargement, antérieurement possible contractuellement, est désormais organisé selon le mode prévu pour l’hypothèque rechargeable. Une différence a toutefois suscité quelques craintes. Alors que l’hypothèque ne peut être rechargée que dans la limite du montant garanti stipulé dans le contrat d’origine, la fiducie peut être rechargée, s’agissant des constituants personnes physiques, dans la limite de la valeur du patrimoine fiduciaire au jour de la recharge, ce qui laisse alors la possibilité d’augmenter le montant du crédit en garantie duquel la fiducie-sûreté a été constituée à proportion de l’augmentation de valeur du bien donné en garantie et ce pour un faible coût fiscal. Depuis l’ordonnance du 30 janvier 2009, cette règle ne s’applique plus qu’aux personnes physiques. S’agissant d’une fiducie-sûreté constituée par une personne morale, la revalorisation du crédit en garantie duquel la fiducie-sûreté a été constituée ne connaît plus aucune limite et ne doit plus correspondre à la valeur du bien laissé en garantie.
8. Fiducie-sûreté et procédures collectives
Le principe général est que lorsque la fiducie-sûreté est susceptible de compromettre le redressement de l’entreprise dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, elle doit plier devant les exigences du redressement qui supposent la poursuite de l’activité. Concrètement, ceci signifie que, lorsque les biens ou droits mis en fiducie ont été laissés par convention à la disposition du débiteur constituant, la réalisation de la fiducie est paralysée pendant la période d’observation et d’exécution du plan. En dehors de ces cas, c’est-à-dire lorsque le bien ou le droit n’a pas été laissé à la disposition du débiteur constituant ou qu’il n’y a aucune chance de redressement de l’entreprise, la procédure collective n’a aucun effet sur les droits du créancier bénéficiaire.
9. Les règles fiscales applicables
Fiscalement, le texte de loi prévoit un véritable régime de transparence fiscale qui ignore le transfert juridique des biens. Cette neutralité fiscale se concrétise par le fait que le transfert de biens au fiduciaire n’entraine pas de droits de mutation et que le constituant demeure redevable des impôts éventuellement dus (ISG, droits d’enregistrement, IR, IS s’il s’agit d’une personne morale).
10. Les applications concrètes de la fiducie-sûreté
Le cadre juridique de la fiducie-sûreté vient juste d’être stabilisé, en dernier lieu par la loi dite de simplification et de clarification du droit du 12 mai 2009. Ceci va permettre d’analyser concrètement les possibilités d’utilisation de ce nouvel instrument juridique. Au moins deux choses apparaissent certaines dans l’immédiat. La fiducie-sûreté ne va pas se substituer à des propriétés-sûretés qui donnent toute satisfaction comme la cession Dailly ou le « gage-espèces ». Un régime protecteur favorisant les financements bancaires à court terme pour l’une, la simplicité et l’efficacité pour l’autre en font des instruments irremplaçables. La seconde certitude est que cette sûreté ne sera pas utilisée « industriellement » dans l’activité de banque de détail, c’est-à-dire vis-à-vis des particuliers. Son montage est trop complexe pour des petits crédits, tels les crédits à la consommation.