Il n’est pas peu dire que ces réformes ont eu lieu sous les applaudissements de nombreux associations d’employeurs, notamment la Federation of Small Businesses. Alors que la saisine d’un Employment Tribunal était totalement gratuite depuis leur création en 1960, la procédure prud’homale sera désormais soumise à des frais particulièrement dissuasifs.
Tout d’abord, selon le type de demandes (rappel de salaire, licenciement abusif, discrimination etc.), la saisine du Tribunal est sujet à un frais immédiat variant de £160 à £250 (de €187 à 291€) depuis le 29 juillet 2013. Ensuite, si la procédure est poursuivie jusqu’à l’audience, le salarié anglais devra payer un complément de £230 à £950 (de €268 à €1.107), et ce, sous l’ombre menaçante du rejet immédiat de la requête en cas de défaut de paiement.
Ces frais nouveaux et inédits s’abattant sur les salariés travaillant en Angleterre apparaissent peu justifiés lorsque l’on sait que sur 230.000 saisines annuelles de l’Employment Tribunal, à peine 27% c’est à dire 62.000 requêtes parvient à l’audience (source : Employment Tribunals statistics 2011/2012).
33 % des requêtes est conciliée devant l’ACAS (équivalent du Bureau de conciliation)
27 % est retirée
13 % est rejetée par le Tribunal dès le début de la procédure sous des prétextes divers.
Par ailleurs, la moyenne des condamnations prononcées par les conseils de prud’hommes anglais est particulièrement modeste. Par exemple, en matière de licenciement abusif, le montant moyen des dommages intérêts avoisinait £4.560 en 2011/2012, c’est à dire €5.300. Au surplus, le taux d’échec à l’audience dépasse les 55 %.
On ne peut donc pas soutenir que la justice prud’homale anglaise menaçait la pérennité des entreprises. A titre de comparaison avec les conseils de prud’hommes français, sur 205.000 saisines annuelles, 51 % parvient à l’audience (104.000 affaires) avec un taux de condamnation de l’employeur de 75 % (source : statistiques annuelles de la justice 2011/2012). Le montant moyen des condamnations est indisponible mais tout praticien du droit du travail n’a aucun doute qu’il ne s’agit pas de €5.000 comme chez nos voisins britanniques (sinon nous ne serions plus en France).
En revanche, afin d’améliorer le fonctionnement de l’Employment Tribunal, les britanniques viennent de prendre exemple sur les français car le préalable de la conciliation qui était facultatif devient obligatoire à compter du 6 avril 2014 grâce à l’adoption de l’Enterprise and Regulatory Reform Act du 25 juin 2013.
C’est très dommage pour les salariés anglais qui pouvaient compter sur une procédure rapide aboutissant à une décision judiciaire sous 4 à 5 mois. L’objectif également affichée de ce préalable obligatoire de conciliation est de tenter de ralentir la procédure (et très accessoirement d’inciter les parties à règlement amiable).
Certes, l’Employment Tribunal britannique n’en est pas encore au délai moyen de 12 mois du contentieux prud’homal français mais avec un peu d’effort, un progrès finira par être possible suivant l’exemple français.