Elles tentent de parvenir à cet objectif en faisant signer par le salarié lors de son embauche, une clause de non-concurrence couplée avec une clause de non sollicitation de la clientèle et de non débauchage des ex-collègues. La clause de non-concurrence, mise en œuvre lors de la rupture du contrat de travail, interdit ainsi au salarié de travailler chez un concurrent et de lui apporter son savoir-faire. Depuis longtemps, la jurisprudence a règlementé les clauses de non-concurrence en posant des conditions de validité afin de protéger le salarié et limiter l’abus de droit. La clause n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et qu’elle est limitée dans le temps et l’espace. Récemment, la Cour de Cassation a ajouté une condition complémentaire tenant au versement d’une contrepartie financière à l’ex-salarié. Cette dernière condition venue tardivement, dont le taux varie selon les secteurs et les conventions collectives, est tout à fait juste et équitable dans la mesure où le salarié quittant l’entreprise est empêché de gagner les moyens de sa survie !
Mais quid de la pratique des clauses de non-concurrence ? Sauf à ce que nous ayons affaire à un petit milieu où tout le monde se connait, comment l’employeur peut-il être sûr que l’ex-salarié respecte la clause de non-concurrence ? Sauf à engager un détective privé, comment l’employeur installé à Paris peut-il savoir que son ex-collaborateur ne travaille pas chez un concurrent installé dans le sud de la France ? Quelle efficacité ces clauses de non-concurrence garderont à l’avenir dans un monde de plus en plus dématérialisé où le concurrent peut même ne pas être présent physiquement sur le territoire national ?
Certains d’entre vous connaissent déjà mon appétence pour le droit du travail anglais. Les Britanniques recourent souvent aux clauses dites de « garden leave » que l’on pourrait interpréter par « bande de sécurité en cas de départ ». Il s’agit ni plus ni moins que d’un super préavis allongé : le contrat de travail prévoit un préavis de rupture d’une année ou plus. A la guise de l’employeur, ce préavis pourra être travaillé ou non. Cette technique est certes onéreuse car le salarié reçoit son plein salaire pendant toute cette période de super-préavis ; toutefois, elle garantit efficacement la fidélité du salarié en cas de départ, lequel est donc neutralisé.
Cette méthode est-elle transposable en droit du travail français ? Certaines entreprises françaises recourent déjà (rarement) à cette technique, surtout pour les dirigeants salariés. Toutefois, la légalité de ce préavis allongé n’est pas évidente (comme toujours en droit social…). Il convient de distinguer le préavis de démission et le préavis de licenciement :
En cas de démission, il existe ou bien une durée légale de préavis (pour certaines catégories : assistante maternelle ou journaliste) ou bien une durée conventionnelle. Une ancienne jurisprudence avait censuré un délai contractuel de préavis plus long que la durée conventionnelle.
En cas de licenciement, à défaut de dispositions d’une convention collective, les articles L. 1234-1 et L. 1234-2 fixent une durée minimale de préavis de 1 à 2 mois fonction de l’ancienneté du salarié.
En conclusion, il convient de se reporter aux dispositions conventionnelles pour savoir si les parties au contrat de travail peuvent conclure une durée de préavis plus longue. Afin d’éviter toute discussion ou interprétation artistique, une solution pratique serait de négocier préalablement un accord d’entreprise (qui le cas échéant dérogerait à la convention collective) et qui prévoirait expressément des durées minimales de préavis en cas de rupture du contrat de travail.
Alain MONKAM
Avocat au Barreau de Paris et de Londres
Certificat de spécialité en droit social - LL.M. in employment law
amonkam chez aol.com