En l’espèce, un rugbyman a conclu avec l’association Marseille Provence XV, pour la saison 2006/2007, une convention prévoyant sa participation aux entraînements et aux rencontres sportives ainsi que le versement, outre une indemnité de frais de logement mensuel de 1 000 euros et des primes de matches, d’un défraiement annuel de 18 000 euros. Le joueur saisit la juridiction prud’homale pour faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail.
Dans un arrêt du 14 janvier 2010, la cour d’appel d’Aix-en-Provence retient que les consignes auxquelles le joueur était soumis étaient « inhérentes à la pratique du rugby et entr[aient] uniquement dans le cadre d’un simple rapport d’autorité sportif, indispensable à la poursuite d’un sport collectif et à l’organisation des matches et entraînements ». De plus, le joueur « exerçait à temps plein et à titre salarié une activité » professionnelle, « ce qui constitue un indice de l’absence de lien salarié avec le club sportif ». Enfin, il avait été convenu que le joueur « serait défrayé en contrepartie de sa participation aux entraînements et aux matches, compte tenu de l’implication horaire demandée » et le club avait « consenti à participer à ses frais de logement, s’agissant d’un joueur étranger ». Dès lors, selon la cour d’appel, il n’existait entre le joueur et l’association qu’une convention de défraiement et non un contrat de travail.
La Cour de cassation censure la décision d’appel dans un arrêt du 21 avril 2011. Elle rappelle dans un premier temps le principe d’indisponibilité de la relation de travail, posé par un arrêt d’assemblée plénière du 4 mars 1983, selon lequel « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ». Dans un second temps, la Cour régulatrice rappelle la définition du lien de subordination. Critère central de la qualification de contrat de travail, il est caractérisé depuis un arrêt de la chambre sociale du 13 novembre 1996 « par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ». La Cour de cassation s’attache ensuite à l’étude des circonstances de fait pour déterminer l’existence d’une relation de travail entre le joueur et l’association. Est ainsi indifférent l’exercice d’une activité professionnelle parallèle. En l’espèce, le joueur était soumis à des consignes sportives, devait suivre les prescriptions d’un règlement et pouvait être sanctionné en cas de manquement, rendant évidente l’existence d’un lien de subordination. S’agissant de la rémunération, la Cour de cassation retient que la qualification de défraiement ne pouvait être admise. En effet, au regard de leur nature et leur montant, ces sommes ne peuvent être assimilées à des frais professionnels, dont le montant doit correspondre exactement à la dépense effectivement engagée par le joueur. Ainsi, la Cour de cassation retient que « le joueur percevait des sommes en contrepartie du temps passé dans les entraînements et les matches, ce dont il résultait que, nonobstant la qualification conventionnelle de défraiement, elles constituaient la rémunération d’une prestation de travail ».
Si la solution est d’un classicisme certain, elle ne doit pas effrayer les clubs sportifs plus que de raison. En effet, dans la mesure où le lien de subordination peut aisément être qualifié de lien « d’autorité sportif » comme l’a indiqué la cour d’appel, l’élément déterminant dans la décision de la Cour de cassation fut, très vraisemblablement, le caractère excessif des sommes versées au joueur, notamment la participation aux frais de loyer. Ce caractère excessif a transformé le défraiement en rémunération. Dès lors que les sommes versées correspondent bien à des défraiements, le risque de requalification s’éloigne.
Nicolas Guerrero