Accident aérien : que dit le droit ? Par Bertrand Baheu-Derras, Elève-avocat

Accident aérien : que dit le droit ?

Par Bertrand Baheu-Derras, Elève-avocat

26767 lectures 1re Parution: Modifié: 4.88  /5

Explorer : # accident aérien # enquête technique # indemnisation des victimes # responsabilité pénale

-

Le droit a vocation à régir les événements de la vie et de la société. Il a vocation à régir les événements heureux, ainsi de la naissance, du mariage, de l’embauche, de l’acquisition du logement, de l’achat d’un voyage. Mais il a également vocation à régir des événements tragiques, comme un accident aérien.

L’accident aérien fait effectivement l’objet de règles juridiques prévues tant par les droits nationaux des différents Etats dans le monde que par le droit international. Au plan international, il fait l’objet de règles issues de la Convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944[1] (la «  Convention de Chicago  »), de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (la «  Convention de Varsovie  ») et de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Montréal le 28 mai 1999 (la «  Convention de Montréal  »). Au plan communautaire, il est régi par les dispositions de la directive 94/56/CE du Conseil du 21 novembre 1994 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile (la «  Directive  ») et du règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages (le «  Règlement  »), modifié par le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 (le «  Règlement modificatif  »). Au plan national, il est régi en France par certaines dispositions du Code de l’aviation civile (le «  Code  »).

D’après ces textes, l’accident aérien est défini comme l’événement rencontré par un aéronef qui entraîne soit des blessures graves ou la mort de personnes se trouvant à bord de l’aéronef ou en surface et en contact avec celui-ci, soit des dommages ou une rupture structurelle de l’aéronef, soit la disparition de ce dernier. Il se distingue en cela de l’incident et de l’incident grave qui ne se traduisent pas par des dommages et correspond, dans le langage courant, à la catastrophe aérienne ou au crash aérien. Pour donner un ordre de grandeur, chaque année, une vingtaine ou trentaine d’accidents aériens est enregistrée dans le secteur de l’aviation civile commerciale, causant la mort de 650 personnes en moyenne.

Que se passe-t-il juridiquement en cas d’accident aérien ? Lorsque survient un accident aérien, sont tout d’abord mises en œuvre des opérations de recherches et de sauvetage (I). Une enquête technique (II) et une procédure pénale (III) sont ensuite ouvertes. Enfin, intervient une procédure d’indemnisation des victimes (IV).

I- Les opérations de recherches et de sauvetage

La survenance d’un accident aérien donne lieu à des opérations de recherches lorsque l’aéronef et le lieu de l’accident ne sont pas localisés. Tel peut être le cas d’un accident aérien survenu en mer ou dans un territoire reculé. Lorsque le lieu de l’accident est connu ou localisé, les opérations de sauvetage permettent de porter secours aux survivants éventuels.

A) Régime juridique international

La Convention de Chicago prévoit l’obligation pour tout Etat de porter assistance aux aéronefs en détresse sur son territoire. L’Annexe 12 Recherches et sauvetage de la Convention de Chicago rassemble les normes et pratiques recommandées élaborées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (l’ «  OACI  ») applicables en la matière et est complétée par un Manuel international de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes commun avec l’Organisation maritime internationale. Le sigle anglais SAR qui signifie « Search And Rescue » est couramment employé pour désigner ce dispositif.

Cette Annexe oblige chaque Etat à assurer des services de recherches et de sauvetage sur son territoire et dans les zones de haute mer qui lui sont imparties par accord régional de navigation aérienne approuvé par le Conseil de l’OACI (SAR regions ou SRR). Chaque SRR est placée sous le contrôle d’un centre de coordination de sauvetage (RCC pour Rescue Coordination Center) qui coordonne la conduite des opérations menées par les unités de recherches et de sauvetage sur le terrain au moyen d’un plan d’intervention préétabli. Tous les Etats dont les SRR sont voisines doivent coordonner leurs services SAR et les unités SAR d’un Etat peuvent demander à entrer sur le territoire d’un autre Etat ou être sollicitées par celui-ci afin de collaborer aux opérations.

C’était récemment le cas dans le cadre de l’accident de l’Airbus A330 d’Air France au large du Brésil le 1er juin 2009 (l’ «  accident au large du Brésil  »). L’Escadron aéroterrestre de secours de l’Armée de l’air brésilienne, avant de décider leur arrêt le 26 juin 2009, coordonnait les opérations de recherches et de sauvetage dans la mesure où la zone de haute mer dans laquelle s’est abîmé l’aéronef est placée sous sa responsabilité. Néanmoins, le Brésil a pu compter sur la collaboration de la France qui avait notamment sollicité et obtenu celle des Etats-Unis.

Lorsque l’accident survient en mer, l’organisation diffère légèrement dans la mesure où elle est rattachée à celle prévue plus généralement pour les accidents maritimes. Les opérations sont organisées par la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes signée à Hambourg le 27 avril 1979 sur laquelle se repose grandement le dispositif SAR pour les accidents d’aéronefs en mer.

B) Régime juridique français

En France, les opérations de recherches et de sauvetage sont organisées par le décret n° 84-26 du 11 janvier 1984 portant organisation des recherches et du sauvetage des aéronefs en détresse en temps de paix et son instruction d’application du 23 février 1987 portant organisation et fonctionnement des services de recherches et de sauvetage des aéronefs en détresse en temps de paix. Le déclenchement et l’arrêt des opérations de recherches et de sauvetage ainsi que la détermination des zones de recherches appartiennent soit à l’Armée de l’air en métropole, soit à l’administration de l’aviation civile en Outre-mer qui dépend de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et ce, par l’intermédiaire des RCC Air : ils ont la responsabilité générale des opérations de recherches et de sauvetage, ce qui inclut la conduite des moyens aériens et la coordination générale. Quant à la conduite des opérations de secours terrestres, elle incombe au préfet qui pour ce faire, déclenche le plan de secours spécialisé de sauvetage aéro-terrestre (plan SATER) établi par l’instruction interministérielle n° 97-508 du 14 novembre 1997.

Quant aux opérations de recherches et de sauvetage en cas d’accident d’aéronef survenu en mer, elles sont régies par le décret n° 88-531 du 2 mai 1988 portant organisation du secours, de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer. Comme sur terre, l’Armée de l’air, en métropole, et l’administration de l’aviation civile, en Outre-mer, ont toujours la charge du déclenchement et de l’arrêt des opérations de recherches et de sauvetage ainsi que de la détermination des zones de recherches et ce, par l’intermédiaire des RCC Mer que sont les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). La responsabilité générale des opérations de recherches et de sauvetage en mer, quant à elle, incombe soit au préfet maritime en métropole, soit au préfet en Outre-mer assisté du commandant de la zone maritime qui pour ce faire, déclenchent le plan de secours spécialisé de sauvetage aéro-maritime (plan SAMAR).

Depuis la loi n° 2004-811 du 13 août 2004, le plan SATER et le plan SAMAR sont des déclinaisons particulières du plan ORSEC régi par le décret n° 2005-1157 du 13 septembre 2005. Existe également dans chaque aérodrome un plan de secours mis en œuvre spécifiquement lors d’un accident aérien survenant en zone d’aérodrome. Sur terre ou en mer, les opérations de recherches et de sauvetage des aéronefs accidentés sont gratuites : les dépenses sont supportées par les entités publiques qui concourent à leur réalisation. En France, le budget annuel s’élève à un peu plus de trois millions d’euros.

II- L’enquête technique

L’enquête technique est prévue au plan international par l’article 26 de la Convention de Chicago et détaillée dans l’Annexe 13 Enquête sur les accidents et incidents d’aviation civile. Le Conseil de l’Union européenne a adopté au plan communautaire la Directive. Elle a été transposée en droit français par la loi n° 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile, codifiée aux articles L. 711-1 et suivants du Code, et son décret n° 2001-1043 du 8 novembre 2001 relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile, codifié aux articles R. 711-1 et suivants du Code.

A) Objet de l’enquête technique

L’aviation civile a très tôt compris que les accidents aériens étaient porteurs de leçons et qu’elle devait en tenir compte pour prévenir leur réalisation. L’enquête technique vise ainsi, dans le but d’accroître la sécurité aérienne, à déterminer les causes et circonstances de l’accident aérien et émettre des recommandations de sécurité. Elle n’a donc pas pour but de déterminer, ni préjuger les éventuelles responsabilités pénales ou civiles.

B) Organisme permanent spécialisé chargé de l’enquête technique

Dans chaque Etat, un organisme permanent spécialisé est chargé de procéder à ces enquêtes techniques. En France, il s’agit du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (le «  BEA  »). Service à compétence nationale situé au Bourget, il est placé auprès du vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable, anciennement Conseil général des ponts et chaussées, son président étant le ministre chargé des transports, et dispose d’un personnel de 120 personnes dont plus de la moitié est constituée par les enquêteurs.

Quel que soit l’Etat dans lequel est immatriculé l’avion, est situé le siège de la compagnie aérienne ou du constructeur, a été conçu et/ou construit l’aéronef ou dont les passagers, membres d’équipage et toutes autres victimes sont ressortissants, l’enquête technique est de la compétence de l’Etat sur le territoire duquel ou dans l’espace aérien duquel est survenu l’accident aérien, appelé « Etat d’occurrence ». Tel a été le cas de la France et du BEA dans le cadre de l’accident du Concorde d’Air France à Gonesse le 25 juillet 2000 (l’ «  accident du Concorde  »).

Lorsque l’accident aérien est survenu en dehors du territoire ou de l’espace aérien d’un Etat, dans les eaux internationales encore appelées « haute mer » par exemple, l’enquête technique est de la compétence de l’Etat dans lequel l’avion est immatriculé, appelé « Etat d’immatriculation ». C’est actuellement le cas de la France et du BEA dans le cadre de l’accident au large du Brésil. Lorsque l’Etat d’occurrence n’entend pas ouvrir l’enquête technique, il appartient à l’Etat d’immatriculation ou, à défaut, à l’Etat dans lequel est situé le siège de la compagnie aérienne, appelé « Etat de l’exploitant », d’y procéder.

L’Etat d’immatriculation, l’Etat de l’exploitant, l’Etat de conception et l’Etat de construction peuvent néanmoins désigner chacun un représentant accrédité, aidé d’un ou plusieurs conseillers, pour participer à l’enquête technique ouverte dans l’Etat d’occurrence. C’est notamment le cas, dans le cadre de l’accident aérien de l’Airbus A340 d’Air France à Toronto le 2 août 2005 (l’ «  accident de Toronto  »), entre le BEA et son homologue canadien, le Bureau de la sécurité des transports.

L’Etat dont des ressortissants sont au nombre des morts ou des blessés graves, quant à lui, peut désigner un expert dont les facultés sont cependant moindres que celles accordées aux représentants accrédités et à leurs conseillers, ces derniers participant véritablement à l’enquête technique. C’est notamment le cas, dans le cadre de l’accident aérien du McDonnell Douglas 82 de la West Caribbean Airways au Venezuela le 16 août 2005 (l’ «  accident de la West Caribbean Airways  »), entre le BEA et son homologue vénézuélien, le Comité d’investigation des accidents aériens.

C) Investigations

L’Annexe 13 de la Convention de Chicago prévoit les différentes investigations qui sont menés dans le cadre de l’enquête technique : accès à l’épave, communication des documents de vol, réalisation des autopsies, analyse des enregistreurs de vol.

Les enregistreurs de vol ou « boîtes noires », qui ne sont pas noires mais rouges ou oranges pour faciliter leur récupération, sont les pièces primordiales de l’enquête technique. Rendus obligatoires en France par l’arrêté du 5 novembre 1987 relatif aux conditions d’utilisation des avions exploités par une entreprise de transport aérien, ils sont placés à l’arrière de l’avion dans la mesure où cette partie est la moins touchée lors d’un accident : un pour les conversations dans le cockpit et avec le contrôle aérien, un pour les données de vol telles que l’altitude ou la vitesse.

Ils sont saisis par la Justice qui les place sous scellés par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, lequel les escorte jusqu’aux locaux de l’organisme chargé de l’enquête technique pour que celui-ci en extrait les données et en prenne copie. Elles lui permettront tout particulièrement de reconstituer les derniers instants de l’aéronef jusqu’au moment de l’accident.

Pour mener leurs investigations, les enquêteurs techniques bénéficient de larges pouvoirs et l’Annexe 13 de la Convention de Chicago prévoit d’ailleurs qu’ils disposent d’un accès libre à tous les éléments pertinents, y compris à l’épave de l’aéronef.

En France, les pouvoirs des enquêteurs techniques sont prévus par les articles L. 721-1 et suivants du Code. Ils « peuvent procéder, avec l’accord selon le cas du procureur de la République ou du juge d’instruction, au prélèvement, aux fins d’examen ou d’analyse, de débris, fluides, pièces, organes, ensembles ou mécanismes qu’ils estiment propres à contribuer à la détermination des circonstances et des causes de l’accident ou de l’incident. A défaut d’accord, ils sont informés des opérations d’expertise diligentées par l’autorité judiciaire compétente. Ils ont le droit d’y assister et d’exploiter les constatations faites dans le cadre de ces opérations pour les besoins de l’enquête technique. »

Enfin, ils « peuvent exiger, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, la communication des documents de toute nature relatifs aux personnes, entreprises et matériels en relation avec l’accident ou l’incident et concernant notamment la formation et la qualification des personnes, la construction, la certification, l’entretien, l’exploitation des matériels, la préparation du vol, la conduite, l’information et le contrôle de l’aéronef ou des aéronefs impliqués. Lorsque ces documents sont placés sous scellés par l’autorité judiciaire, il en est établi une copie pour les enquêteurs techniques. »

D) Déroulement et issue de l’enquête technique

Au cours de l’enquête technique, sont rendues publiques toutes informations sur les constatations faites par les enquêteurs techniques, le déroulement de l’enquête technique et éventuellement ses conclusions provisoires. Le responsable de l’organisme qui en est chargé transmet toute information qu’il estime de nature à prévenir un accident ou un incident grave aux autorités administratives chargées de la sécurité aérienne, aux dirigeants des entreprises de construction ou d’entretien des avions ou de leurs équipements, aux exploitants d’avions et aux formateurs des personnels. C’est ainsi qu’en juillet 2000, le directeur du BEA a recommandé la suspension des vols du Concorde, décision que prit finalement le ministre chargé des transports de l’époque.

L’organisme chargé de l’enquête technique peut par ailleurs émettre des recommandations de sécurité, à destination notamment des constructeurs et des compagnies aériennes, s’il estime que leur mise en œuvre dans des délais brefs est de nature à prévenir un accident ou un incident grave. Puis il rend public au terme de l’enquête technique un rapport qui fait état des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l’accident et à la compréhension de ses recommandations de sécurité. Un rapport préliminaire est souvent rendu public dans les quatre à six semaines suivant l’accident, suivi généralement d’un ou plusieurs rapports intermédiaires.

III- La procédure pénale

Un accident aérien peut résulter d’infractions pénales. Au sens du Code pénal français, il peut s’agir de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, de blessures involontaires, d’homicides involontaires voire d’acte de terrorisme. Les statistiques de l’aviation civile montrent cependant que l’erreur humaine est la cause principale des accidents aériens puisqu’elle intervient dans plus de la moitié de ces derniers tandis que les défaillances techniques et les actes de terrorisme se raréfient du fait du progrès de l’aéronautique et du renforcement de la sûreté dans les aéroports. En tout état de cause, il appartient à l’autorité judiciaire de faire la lumière sur les causes de l’accident afin de rechercher d’éventuelles responsabilités pénales.

A) Ouverture de la procédure pénale

Le champ d’application territorial des lois pénales nationales est déterminé par elles-mêmes. De manière générale, elles retiennent leur application lorsque l’infraction a été commise sur le territoire national, lorsque l’auteur est un ressortissant ou lorsque la ou les victimes sont des ressortissantes.

En France, l’application de la loi pénale aux infractions se rapportant à des aéronefs est régie par les articles 113-4 et 113-11 du Code pénal : en cas de crimes ou délits commis à bord ou à l’encontre d’un aéronef, la loi pénale française est applicable lorsque (i) l’aéronef est immatriculé en France, (ii) l’auteur ou la victime est de nationalité française, (iii) l’aéronef atterrit en France ou (iv) il a été loué sans équipage à une personne ayant son siège ou sa résidence permanente en France

Plus généralement, la loi pénale française est applicable notamment lorsque (i) l’infraction a été commise en France, (ii) l’auteur du crime commis à l’étranger a la nationalité française, (iii) l’auteur du délit commis à l’étranger a la nationalité française et les faits sont punis par la loi de l’Etat dans lesquels ils ont commis ou (iv) la victime du crime ou d’un délit puni d’emprisonnement a la nationalité française. Dans ces deux derniers cas, la victime ou ses ayants-droit doivent avoir déposé une plainte ou l’Etat dans lequel les faits ont été commis doit les avoir dénoncés aux autorités françaises. C’est actuellement le cas dans le cadre de l’accident au large du Brésil : des familles de passagers victimes ont porté plainte, ce qui a permis l’ouverture d’une procédure pénale en France. C’est également le cas dans le cadre de l’accident de l’Airbus A310 de Yemenia Airways au large des Comores le 30 juin 2009.

L’article R. 142-4 du Code dispose que « si l’accident ou l’incident entraîne des dommages aux personnes ou aux biens transportés, le procureur de la République est tenu informé ». Sous réserve que la loi pénale française puisse être applicable, le procureur de la République ouvre, dans un premier temps, une enquête de flagrance en vertu des articles 53 et suivants du Code de procédure pénale. Puis dans un second temps, il prend un réquisitoire introductif en vue d’ouvrir une information judiciaire pour l’une de ces infractions, généralement pour homicides et/ou blessures involontaires contre personne non dénommée, qui est confiée à un juge d’instruction.

B) Déroulement de l’information judiciaire

Le juge d’instruction procède à tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité comme dans toute autre affaire : il peut effectuer des auditions, faire réaliser des expertises, délivrer des commissions rogatoires ou des mandats, mettre en examen. Cette phase d’instruction, préparatoire du procès à proprement parler, s’avère dans les faits souvent longue : huit ans dans le cadre de l’accident du Concorde, 14 ans dans le cadre l’accident de l’Airbus A320 d’Air Inter sur le Mont-Sainte-Odile le 20 janvier 1992 (l’ «  accident du Mont-Sainte-Odile  »).

A l’issue de cette instruction, si les faits ne révèlent aucune infraction, si l’auteur reste inconnu ou s’il estime que les charges sont insuffisantes, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu qui met fin à la procédure pénale. Si en revanche il estime que les faits sont constitutifs d’infraction(s), il prend une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en cas de délit(s), ou un acte de mise en accusation devant la cour d’assises, en cas de crime(s).

C) Jugement pénal

A la suite de l’ordonnance de renvoi ou de l’acte de mise en accusation, s’ouvre la phase de jugement devant la juridiction pénale compétente. Tel a été récemment le cas du jugement qui s’est tenu devant le Tribunal correctionnel de Colmar en 2006 puis devant la Cour d’appel de Colmar en 2007/2008[3] dans le cadre de l’accident du Mont-Sainte-Odile. Tel sera prochainement le cas du jugement qui s’ouvrira devant le Tribunal correctionnel de Pontoise le 2 février 2010 dans le cadre de l’accident du Concorde. La juridiction pénale prononce soit la relaxe, ou l’acquittement en cas de crime(s), soit déclare le ou les prévenus ou accusés coupables et les condamne en conséquence.

En cas d’homicide involontaire, c’est-à-dire la mort d’autrui causée « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » au sens de l’article 221-6 du Code pénal, la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Les personnes morales, par exemple la compagnie aérienne ou le constructeur, encourent, quant à elles, une peine de 225 000 euros d’amende.

En cas de blessures involontaires, la peine peut aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, pour les personnes physiques, ou 150 000 euros d’amende, pour les personnes morales.

D) Personnes dont la responsabilité pénale peut être retenue

Plusieurs personnes, physiques ou morales, peuvent être inquiétées en cas d’accident aérien : le pilote ou le copilote lorsqu’ils n’ont pas péri, la compagnie aérienne, le constructeur de l’aéronef, les fabricants des différents éléments de celui-ci, les sous-traitants dans la maintenance et l’entretien de celui-ci, leurs préposés ou dirigeants, l’aéroport, les autorités administratives de l’aviation civile, le contrôle aérien...

Ainsi, dans le cadre de l’accident du Concorde, les six prévenus sont Continental Airlines en tant que personne morale dont un aéronef avait perdu une lamelle métallique supposée être à l’origine de l’éclatement du pneu du Concorde qui avait provoqué l’embrassement de son réservoir, un chaudronnier de celle-ci et son chef d’équipe, le responsable du programme Concorde à la Direction générale de l’aviation civile ainsi que le directeur du programme Concorde et l’ingénieur-en-chef du programme Concorde à l’Aérospatiale, le constructeur du Concorde. Dans le cadre de la collision entre le Tupolev Tu-154 de Bashkirian Airlines et le Boeing 757-200 Cargo de DHL à Überlingen le 1er juillet 2002, ce sont quatre personnels de la société suisse Skyguide, chargée du contrôle aérien dans la zone, dont deux cadres, qui ont été condamnés en 2007 pour homicides par négligence par le Tribunal de district de Bülach.

IV- La procédure d’indemnisation

Un accident aérien provoque des détériorations, des blessures, des décès. Les trois préjudices que recense le droit sont ainsi présents : matériel, corporel et moral. Les victimes sont traditionnellement les passagers, membres d’équipage, éventuelles victimes au sol et leurs proches ainsi que le propriétaire de l’aéronef, qui peut être la compagnie aérienne elle-même ou une autre compagnie bailleresse voire un crédit-bailleur, et les éventuels propriétaires de biens au sol endommagés par l’accident. Les développements ci-après se concentrent sur l’indemnisation du préjudice par suite de mort ou de lésions corporelles.

A) Champ d’application de la Convention de Varsovie et de la Convention de Montréal

L’indemnisation des préjudices en cas de mort ou de lésions corporelles est méticuleusement réglée par la Convention de Varsovie ou, pour les Etats dans lesquels elle est déjà en vigueur, la Convention de Montréal. La Convention de Montréal remplace progressivement la Convention de Varsovie dont les stipulations sont aujourd’hui obsolètes et inadaptées au transport aérien international. Elles régissent toutes deux les relations entre les passagers et la compagnie aérienne dans le cadre d’un transport aérien international. Elles ne régissent donc pas les rapports des victimes avec les autres responsables potentiels tels que le constructeur, le contrôle aérien, l’agence de voyages ou l’aéroport. Pour leur application, est considéré comme international le transport aérien dont le point de départ et le point de destination, qu’il y ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés soit sur le territoire de deux Etats parties différents, soit sur le territoire d’un même Etat partie si une escale est prévue dans un autre Etat partie ou non.

La Convention de Montréal est également rendue applicable, par le Règlement modificatif, à tout vol, même intérieur, effectué par une compagnie aérienne titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par un Etat membre de l’Union européenne. De même, la Convention de Varsovie est rendue applicable à tout vol intérieur en France par les articles L. 321-3 et L. 322-3 du Code dès lors que la Convention de Montréal, par renvoi dudit Règlement modificatif, n’est pas applicable : par exemple, la compagnie aérienne est titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par un Etat non membre de l’Union européenne.

En définitive, la Convention de Varsovie et la Convention de Montréal, qui ont vocation à coexister pendant une période indéterminée et sans doute de façon durable pour certaines liaisons, créent des règles indépendantes des droits nationaux et uniformes quel que soit l’Etat d’occurrence, l’Etat de l’exploitant, l’Etat de conception, l’Etat de construction, l’Etat d’immatriculation ou l’Etat dont les passagers sont respectivement ressortissants.

B) Avances immédiates de premiers secours

Dans un premier temps, le Règlement oblige la compagnie aérienne à verser aux proches des victimes et, le cas échéant, aux passagers victimes eux-mêmes une avance visant à couvrir leurs besoins économiques immédiats tels que les frais d’hospitalisation, de déplacement sur les lieux, d’hébergement, de rapatriement sanitaire ou mortuaire. Son montant ne peut être inférieur au sein des Etats membres de l’Union européenne à 16 000 droits de tirage spéciaux («  DTS  ») en cas de mort. Dans le cadre de l’accident de Toronto, les victimes directes ont ainsi obtenu chacune entre 1 000 et 3 700 dollars canadiens et, dans le cadre de l’accident au large du Brésil, les proches devraient recevoir environ 17 500 euros.

C) Régime de responsabilité de la compagnie aérienne

Dans un second temps, intervient la procédure amiable d’indemnisation. L’économie générale du droit de la responsabilité des compagnies aériennes repose sur une présomption de faute : la faute de la compagnie aérienne est présumée en cas d’accident aérien de sorte que la victime n’a pas à en rapporter la preuve, preuve qui serait au demeurant un fardeau au sens juridique du terme du fait de l’extrême technicité de l’aviation civile. La jurisprudence française emploie à cet égard la notion d’obligation de sécurité de résultat qui couvre aussi bien la phase de transport elle-même que les phases d’embarquement et de débarquement.

La Convention de Varsovie permet à la compagnie aérienne de renverser cette présomption en démontrant que (i) le dommage résulte d’un cas de force majeure ou (ii) d’une faute de la victime ou (iii) d’un tiers ou (iv) qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage. A défaut, la compagnie aérienne bénéficie d’un plafond d’indemnisation faiblement fixé par la Convention de Varsovie à 125 000 francs. Ce montant a été rehaussé ultérieurement par voie de protocoles mais il est toujours resté relativement faible.

Cependant, une compagnie aérienne peut décider de l’élever voire d’y renoncer en le stipulant dans ses contrats et dans les faits, il existe de nombreux accords, souvent élaborés par les compagnies aériennes sous la pression des Etats, qui élèvent ou écartent le plafond d’indemnisation prévu par la Convention de Varsovie. Plusieurs Etats ont en effet imposé à leurs compagnies aériennes de prendre des accords en ce sens. Tel est le cas de l’accord de Montréal du 4 mai 1966 conclu entre les compagnies aériennes membres de l’International Air Transport Association[2] (l’ «  IATA  ») et du Civil Aeronautics Board des Etats-Unis pour les vols au départ, à destination ou comportant une escale aux Etats-Unis : il élève le plafond d’indemnisation à 75 000 dollars américains, honoraires d’avocat et dépens compris, ou 58 000 dollars américains lorsque les honoraires d’avocats et les dépens sont alloués séparément à la réparation des dommages.

Plus généralement, un accord inter-transporteurs relatif à la responsabilité à l’égard des passagers dit « Accord de Kuala-Lumpur » a été adopté le 31 octobre 1995 au sein de l’IATA (IATA Intercarrier on passenger liability agreement) : il emporte renonciation de la part des compagnies aériennes signataires à tout plafond d’indemnisation en cas de mort ou de lésions corporelles. En définitive, il n’existe pas, sous l’empire de la Convention de Varsovie, de plafond uniforme puisque selon la compagnie aérienne et les accords auxquels elle est partie, le plafond d’indemnisation peut soit varier, soit être totalement supprimé, ce qui n’est pas un gage de clarté pour les passagers.

Prenant acte de cette évolution du système issu de la Convention de Varsovie, la Convention de Montréal a profondément reformé le régime d’indemnisation. D’une part, elle supprime tout plafond d’indemnisation et oblige à une réparation intégrale du dommage, sans limitation. D’autre part, elle prévoit que la compagnie aérienne ne peut écarter sa responsabilité si le dommage est inférieur à 100 000 DTS par passager, établissant ainsi une responsabilité de plein droit ; une seule cause d’exonération demeure : la victime a provoqué ou contribué à la réalisation de son dommage. Au-delà de ce montant, la compagnie aérienne peut écarter sa responsabilité en prouvant qu’elle n’a commis aucune faute ou que le dommage a été causé par la faute d’un tiers. Pour ces raisons, ce régime est communément qualifié de responsabilité à deux étages. Toutefois, les compagnies aériennes ne se prévalent généralement pas de ces circonstances d’exonération de responsabilité : par souci de ne pas alourdir la douleur des victimes et de leurs proches, leurs assureurs les indemnisent en totalité et font leur affaire personnelle de tous recours ultérieurs contre ceux dont la responsabilité dans l’accident aérien serait par la suite établie.

D) Typologie des préjudices

Les préjudices des passagers peuvent être très divers. Le passager blessé présente d’emblée un préjudice corporel qui se caractérise par les lésions physiques, la perte d’une faculté motrice, sensorielle ou cérébrale voire la perte d’un membre et duquel découlent tous ses autres préjudices.

En France, le rapport Dintilhac a établi une nomenclature des préjudices corporels. Concernant le préjudice corporel en lui-même, le passager blessé peut présenter un déficit fonctionnel correspondant à l’incapacité d’accomplir certains actes de la vie courante, des souffrances endurées anciennement appelées « pretium doloris », un préjudice d’agrément du fait de l’impossibilité de continuer à pratiquer des loisirs, un préjudice esthétique, un préjudice sexuel du fait de l’impuissance ou de la perte de libido ou de fertilité. Concernant le préjudice matériel découlant du préjudice corporel, il se caractérise par les dépenses de santé, les frais d’adaptation du véhicule ou du logement, l’embauche d’un auxiliaire de vie, la baisse de revenus professionnels et la dévalorisation sur le marché du travail.

Ses proches, quant à eux, peuvent invoquer un préjudice moral particulier : le préjudice d’affection, c’est-à-dire la perte d’un être cher lorsque le passager est décédé. Apparaît également un préjudice existentiel qui consiste en les troubles subis dans l’existence causés par la dimension collective et la nature de catastrophe de l’accident aérien : retentissement médiatique, identification des corps, incertitude quant aux circonstances dans lesquelles ont péri les victimes, engagement dans les procédures et démarches. Quant au préjudice matériel, il s’agit de la perte des revenus qu’apportait le passager au foyer et de l’obligation de devoir assister la victime dans la vie quotidienne.

Les préjudices font chacun l’objet d’une évaluation, le cas échéant en ayant recours à une expertise médicale. Pour évaluer le préjudice économique, par exemple la perte pour le foyer des revenus qu’aurait générés la victime en tant que père ou mère, une projection du parcours professionnel de celle-ci est effectuée afin de reconstituer la carrière qu’elle aurait raisonnablement eue et ainsi, les revenus qu’elle aurait perçus et dont elle aurait fait bénéficier son foyer. Il est tenu compte de tous paramètres concernant la situation personnelle du passager tels que son âge, sa profession, ses études, son milieu social, son lieu de résidence. Quant au préjudice d’affection, préjudice moral par nature, son évaluation est généralement basée sur la preuve des liens affectifs qui unissaient le passager décédé au proche. Il s’élève généralement à quelques dizaines de milliers d’euros.

E) Obligation d’assurance

Pour couvrir ces risques, toute compagnie aérienne souscrit une police d’assurance. En règle générale, compte tenu du montant élevé des indemnités en jeu, ce sont plusieurs assureurs qui se groupent et assurent ensemble la compagnie et chacun de ses aéronefs. Un des assureurs est alors désigné comme interlocuteur unique de la compagnie aérienne : l’apériteur. Un assureur peut également céder la garantie qu’il a accordée à une compagnie aérienne auprès d’un autre assureur spécialisé dans ce type d’opérations appelé « réassureur » et ce, afin de soit se refinancer, soit se défaire des risques couverts par la garantie. La Convention de Montréal instaure en tout état de cause, au plan international, une obligation d’assurance à la charge des compagnies aériennes, obligation que la plupart des législations nationales prévoyait déjà.

F) Versement des indemnisations

Le passager est titulaire du droit à réparation mais lorsqu’il a péri dans l’accident aérien, ni la Convention de Varsovie, ni la Convention de Montréal ne détermine les personnes tierces ayant droit à réparation. Cette question de la détermination des personnes ayant droit à réparation et de leurs droits respectifs revient par conséquent au droit national applicable, lequel est déterminé par application de la règle de conflit de lois lorsque se présente un élément d’extranéité. C’est dire que les droits nationaux peuvent reprendre leur empire en dépit des objectifs d’uniformisation poursuivis par la Convention de Varsovie et la Convention de Montréal. Existent ainsi des divergences d’interprétation de celles-ci et de traitement juridique des victimes selon le droit national applicable in fine.

Les indemnisations sont versées aux passagers, s’ils ne sont pas décédés, en tant que victimes directes et ce, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l’article 1147 du Code civil en droit français lorsque celui-ci est applicable. La jurisprudence française reconnaît également un droit à réparation au bénéfice des victimes indirectes ou victimes par ricochet que sont généralement le conjoint, les enfants, les parents et les frères et sœurs et ce, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l’article 1382 du Code civil dans la mesure où les proches sont des tiers au contrat de transport conclu par le passager avec la compagnie aérienne. Les personnes ayant droit à indemnisation sont en revanche limitativement déterminées au Canada par le Family Law Act : le conjoint, les enfants, les petits-enfants, les parents, les grands-parents et les frères et sœurs. Le Family Law Act est actuellement invoqué dans la class action intentée par les victimes dans le cadre de l’accident de Toronto.

L’indemnisation se matérialise par une offre d’indemnisation faite par l’assureur à la victime. L’acceptation de celle-ci vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil, ce qui a pour effet de clore définitivement le processus, la victime ne pouvant plus revenir sur le montant convenu. L’assureur est alors subrogé dans tous les droits de celle-ci à l’égard de l’auteur ou des auteurs de ses dommages objets de l’indemnisation et peut exercer à leur encontre une action récursoire, c’est-à-dire un recours pour en obtenir le remboursement.

G) Procès en responsabilité

Si la victime refuse l’offre d’indemnisation de l’assureur, il lui appartient d’intenter une action civile contre le ou les auteurs de ses dommages devant la juridiction compétente. Le délai pour agir est de deux ans à compter du jour de l’accident. La juridiction compétente est soit celle du lieu où siège la compagnie aérienne, soit celle du lieu où elle exploite un établissement ayant vendu le vol, soit celle du lieu de destination. La Convention de Montréal a ajouté une option supplémentaire : en cas de morts ou lésions corporelles, peuvent également être saisies les juridictions de l’Etat où réside ou résidait la victime dès lors que la compagnie aérienne y assure des vols et y possède des locaux dans lesquels elle mène ses activités. La procédure est alors régie par la loi de l’Etat dont la Justice a été saisie, appelée « lex fori ». En France, il s’agit classiquement du tribunal de grande instance.

Cette pluralité d’options de compétence juridictionnelle pourrait donner lieu à une pratique consistant à choisir parmi les juridictions potentiellement compétentes celle dont la lex fori est la plus attractive du point de vue de ses intérêts, appelée « forum shopping ». Dans le cadre de l’accident de la West Caribbean Airways, certaines familles des victimes ont par exemple saisi le Tribunal de grande instance de Fort-de-France contre le constructeur américain tandis que d’autres ont saisi les juridictions américaines contre la compagnie aérienne colombienne et l’agence de voyages américaine. Dans le cadre de l’accident du Boeing 737 de la Flash Airlines au large de Charm-el-Cheikh le 3 janvier 2004, la Cour de cassation a en revanche mis un coup d’arrêt à la tentative de certaines familles des victimes de voir l’affaire être jugée devant les tribunaux américains[4].

Pour limiter cette pratique, la Convention de Varsovie et la Convention de Montréal soumettent toute action en responsabilité contre la compagnie aérienne aux conditions et limites qu’elles prévoient, quelles que soient les dispositions des droits nationaux. De plus, la Convention de Montréal limite le montant des dommages-intérêts à la juste réparation des dommages et exclut par conséquent toute possibilité d’obtenir d’autres dommages-intérêts, notamment des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires comme cela existe dans les pays de common law tels que le Canada, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.

Même s’il convient d’observer que les procédures d’indemnisation ont lieu généralement de façon amiable par accord avec les assureurs des compagnies aériennes, il faut néanmoins constater une tendance croissante des victimes et, le cas échéant, de leurs proches à saisir les tribunaux contre tous ceux qui, à un titre quelconque, pourraient être reconnus responsables de l’accident aérien. Le procès en responsabilité devient alors, plus qu’une affaire d’indemnisation, une question de recherche de la vérité et de condamnation des coupables. Les victimes ne se satisfont pas toujours en effet des indemnités qui ne sauraient de toute façon réellement réparer leurs souffrances mais veulent connaître la vérité et que justice soit faite. Cela explique que de façon croissante, les victimes s’efforcent à mettre en œuvre toutes les voies de droit à leur disposition à même d’accorder à leurs intérêts l’issue la plus favorable. C’est dans ce contexte que se développent les créations d’associations de victimes, les constitutions de parties civiles ou les assignations contre tout potentiel responsable.

Bertrand BAHEU-DERRAS

Elève-avocat au barreau de Paris

[1] La Convention de Chicago est l’instrument fondateur de l’Organisation de l’aviation civile internationale, institution spécialisée de l’Organisation des Nations Unies qui élabore à l’échelle mondiale les normes en la matière. C’est enfin la Convention de Chicago qui stipule, au profit des compagnies aériennes des différents Etats parties sur le territoire de chacun d’eux, les cinq libertés de l’air ayant permis le développement du transport aérien international : liberté de survol, liberté d’escale technique, liberté d’embarquer des passagers et/ou du fret, liberté de débarquer et liberté d’embarquer et débarquer.

[2] CA Colmar, 14 mars 2008, n° RG 06/01600.

[3] L’International Air Transport Association est l’association professionnelle internationale des compagnies aériennes, 230 représentant 93% du traffic aérien international en étant membres. C’est elle qui notamment attribue les codes de vols et les codes d’aéroports et élabore les conditions générales du contrat de transport aérien reprises par toutes ses compagnies aériennes adhérentes.

[4] Cass. civ. 1ère, 30 avril 2009, n° 08-14883, 08-15187, 08-15273 et 08-15326.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

163 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27843 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs