La Cour de cassation précise le régime juridique des ventes abusives de panneaux photovoltaïques aux particuliers.

Par Charlyves Salagnon, Avocat.

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Explorer : # ventes abusives # panneaux photovoltaïques # protection des consommateurs # obligations des vendeurs

Le contentieux des panneaux photovoltaïques touche, on le sait, de nombreux particuliers, et le place souvent dans des situations d’endettement inextricables.
Durant longtemps, ce contentieux était le domaine réservé des juges du fond, et notamment des tribunaux et Cours d’appel, lesquels, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, pouvaient parfois adopter des positions surprenantes, voire contradictoires.

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La Cour de cassation, pour sa part, avait, sur la base des articles du Code de la consommation spécifiquement applicables aux crédits affectés, jeté les grandes lignes de sa jurisprudence.

Ces dernières années, la Cour de cassation semble s’être emparée avec plus de vigueur de ce contentieux, et creuse petit à petit le sillon d’un régime juridique de plus en plus précis, jouant ainsi pleinement son rôle de Cour régulatrice.

Et ce, en faveur d’un plus grande protection des particuliers acheteurs de panneaux photovoltaïques, consommateurs et emprunteurs, la plupart du temps démunis face à des techniques de vente particulièrement aiguisées, des règles de droit complexes et soumise à une évolution permanente, et des conséquences financières majeures pour leur foyer.

Récemment encore, la Cour de cassation a apporté plusieurs précisions qu’il convient de présenter.

1 – Obligation du vendeur : Le vendeur installateur de panneaux photovoltaïques est tenu d’une obligation de résultat.

Par un arrêt récent, la Cour de cassation affirme que le vendeur-installateur est tenu d’une obligation de résultat [1].

Cette décision, pleinement applicable au contentieux des panneaux solaires, apporte une sécurité à l’acheteur.

S’il s’y est engagé, l’obligation pesant sur le vendeur d’installer le bien vendu est de résultat.

L’acheteur consommateur est donc dispensé de prouver l’existence d’une faute.
S’il existe une contestation sur les prestations promises et contractualisées, il appartiendra donc au vendeur installateur de démontrer qu’il a fourni le résultat promis, sans que l’acheteur ne doivent nécessairement engager, par exemple une expertise à ses frais pour chercher à démonter une inexécution de la société vendeuse et installatrice des panneaux photovoltaiques.

2 – Sanction de l’annulation ou la resolution des contrats : L’annulation ou la résolution du contrat de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques entraîne l’annulation ou la résolution du crédit lié.

Il s’agit, en la matière, d’une solution classique, tiré du principe de l’interdépendance de ces contrats conclus pour la réalisation d’une seule et même opération, en l’occurrence la fourniture de panneaux solaires destinés à générer de l’électricité.

Dans un récent arrêt, la Cour de cassation rappelle que le contrat de crédit n’a de sens qu’en présence d’un contrat de vente de panneaux solaires valablement conclu et valablement mis en œuvre :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le crédit accessoire litigieux n’était pas de nature immobilière et résolu de plein droit, dès lors que le contrat principal était réputé n’avoir jamais été conclu en raison de l’effet rétroactif attaché à sa résolution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés  » [2]

En présence d’un contrat anéanti, le contrat de crédit sera également, à son tour, anéanti.

3 – Consequences de l’annulation ou la resolution des contrats : L’annulation ou la résolution du contrat de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques entraîne de plein droit la restitution du prix. En revanche, les intérêts et pénalités du crédit n’ont pas à être payés par l’emprunteur.

La nullité de la vente des panneaux photovoltaïques, entraîne de plein droit l’obligation de restituer le prix, ce qui n’a rien d’étonnant car l’annulation entraîne la remise des parties dans l’état antérieur.

La précision importante résulte du fait que le juge n’a pas, dans ce cas, à se prononcer sur la condamnation de la partie à rembourser, car cette obligation s’infère de l’annulation elle-même [3].
L’annulation, ou la résolution empêche toutefois l’établissement de crédit de se prévaloir des intérêts et pénalités [4].
Dans ce cas, l’emprunteur ne peut donc pas se voir imposer des frais et des pénalités de retard, puisque le contrat est censé n’avoir jamais existé :

« Attendu que, pour condamner l’emprunteur à payer à la banque diverses sommes, après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, l’arrêt retient que le prêteur n’a pas commis de faute et que l’emprunteur lui doit, en exécution du contrat de crédit, le capital, les intérêts conventionnels, la pénalité légale et les accessoires  ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la résolution du contrat de vente entraîne de plein droit la résolution du contrat de crédit affecté, la cour d’appel a violé le texte susvisé  ; »

4 – Sanction de la faute de la banque : L’annulation du contrat de vente irrégulier prive la banque de son droit à restitution, lorsque celle-ci a commis une faute en ne vérifiant pas le contrat.

La Cour de cassation confirme ainsi le dernier état de sa jurisprudence, dégagée par une série d’arrêts de mai 2018.

Cette jurisprudence tend à responsabiliser les établissements de crédits en les poussant à vérifier la régularité de l’opération à laquelle ils participent, plutôt que de financer aveuglément des opérations qui sont, parfois, dès l’origines, des opérations manifestement irrégulières, qui portent atteintes aux droits des consommateurs.

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le bon de commande des panneaux photovoltaïques avait été établi en méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation, ce dont il résultait qu’en versant les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente était affecté d’une cause de nullité, la banque avait commis une faute qui la privait de sa créance de restitution, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés  » [5].

Plus énergique encore, cette privation du droit à restitution du capital emprunté jouera même si le contrat principal a été exécuté partiellement, c’est-à-dire notamment même si les emprunteur qui ont acquis des panneaux solaires les ont réceptionnés, sans toutefois qu’ils aient été mis en service par la société vendant les panneaux [6].

En d’autres termes, en cas de crédit lié, les emprunteurs n’ont pas à restituer le capital prêté si le contrat principal financé n’a été exécuté que partiellement, dès lors que la prestation inexécutée était indivisible de la prestation exécutée.

Maître Charlyves SALAGNON
Avocat Associé
Cabinet BRG Nantes-Paris
http://www.brg-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. 1e civ. 3-5-2018 n° 17-19.248.

[2Cass. 1ère Civ. 13 mars 2019, 17-25.687.

[3Cass. 1e civ. 6 février 2019 n°17-25.859.

[4Cass. 1ère Civ.6 février 2019, 17-27.513.

[5Cass. 1ère Civ. 13 mars 2019, 17-25.687.

[6Cass. 1e civ. 23-1-2019 n° 17-21.055.

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