La valeur de la marque : procédé et méthodes de valorisation.

Par Tommaso Stella, Avocat.

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Explorer : # propriété intellectuelle # valorisation des marques # actifs immatériels # méthodes d'évaluation

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La valorisation des actifs de propriété intellectuelle, notamment des marques, est cruciale pour les entreprises. Malgré leur importance souvent dissimulée dans les bilans, comprendre leur valeur aide à la gestion, aux acquisitions, et à l'accès au financement. Une évaluation multidisciplinaire peut améliorer la confiance des investisseurs.
Description rédigée par l'IA du Village

L’objet de cet article est de rappeler que la marque d’une entreprise n’est pas seulement un nom, mais également une valeur, il est important de la valoriser ; sont ici précisés le procédé et les méthodes de valorisation.

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1. Introduction : l’importance de la valorisation des actifs de propriété intellectuelle.

La valeur représentée par les actifs de propriété intellectuelle au sein des entreprises est très importante et ne cesse d’augmenter. Celle-ci est passée de 17% de la capitalisation boursière des entreprises en 1975 à 90% en 2020. En d’autres mots, les biens immatériels représentent aujourd’hui la quasi-totalité de la valeur des sociétés côtés en bourse.

La marque quant à elle est souvent l’actif immatériel dominant, capable d’atteindre des proportions remarquables. Pour donner quelques exemples, la valeur de la marque Nike (53,77 milliards d’euros) représente 43% de la valeur de l’entreprise ; Apple (502,68 milliards d’euros) s’arrête à 14,5% tandis que Coca-Cola (58 milliards d’euros) atteint 19%.

Toutefois, la plupart du temps, la valeur des actifs immatériels est cachée et n’est pas exprimée dans les bilans des entreprises. En effet, les principes comptables internationaux (IAS) privilégient l’approche prudentielle de la comptabilisation au coût historique plutôt qu’à la valeur courante.

En conséquence, par un curieux paradoxe, les ressources immatérielles qui sont à la base du processus de création de valeur et représentent des pourcentages très importants de la capitalisation boursière des entreprises sont, en même temps, l’une des principales causes d’imperfection et de distorsion des bilans. À cause des spécificités et criticités du processus de valorisation des actifs immatériels, la plupart des entreprises ne gèrent pas, ne mesurent pas, n’expriment pas et ne monitorent pas la valeur de ces ressources d’une importance considérable, voire vitale, dans la génération de valeur.

Pourtant, connaitre la valeur de sa marque s’avère utile en plusieurs occasions comme par exemple en cas de cession/acquisition de celle-ci, en cas de liquidation de la société, pour des finalités de management, de calcul dommages-intérêts ou encore lors de la constitution d’une sureté pour un prêt bancaire.

2. Le procédé de valorisation de la marque : au croisement entre droit et économie.

Le procédé d’évaluation de la marque est assez spécifique et caractérisé par différentes criticités qui justifient, du moins partiellement, la méfiance de banques et investisseurs à s’appuyer uniquement sur ces actifs.

D’une part, l’absence d’un marché liquide et transparent comme le marché immobilier nous prive de la possibilité de confronter la valeur résultante d’une expertise avec des valeurs « comparables ». D’autre part, la marque, comme tout droit de propriété intellectuelle, est un objet « fragile » étant à la fois un intangible aux contours changeants et volatiles et un droit exclusif soumis à l’aléa judiciaire et aux choix du législateur. Pensons par exemple à tout ce qui peut miner la validité marque et qui est parfois hors du contrôle de son titulaire : nullité, déchéance, dégénérescence, etc.

Pour cela, la valorisation d’une marque, tout comme la valorisation des actifs de propriété intellectuelle, nécessite à la fois de compétences économiques et juridiques.

a. Analyse qualitative.

L’analyse qualitative se compose à son tour d’une analyse juridique, d’une analyse de marché/marketing et d’une analyse du processus de création de valeur de l’entreprise. Cette analyse pose les bases pour l’analyse quantitative, influençant le choix de différents paramètres, comme le taux et la période d’actualisation, le taux de croissance, les flux financiers, etc., et donc la valeur finale.

i. Analyse juridique de la protection de la marque.

L’objectif est de déterminer la « force juridique » de la marque et de déceler des risques éventuels. En effet, il ne faut pas oublier que la protection est toujours à la base de la valeur : une mauvaise protection ou une absence de protection peuvent affecter la valeur jusqu’à la neutraliser totalement.

Lors de cette phase on évalue le caractère distinctif de la marque, son usage, sa portée territoriale, les conflits éventuels avec les droits de tiers ainsi que tous les contrats qui la concernent (ex. accords de coexistence, licences, etc.).

ii. Analyse marketing/marché.

L’objectif est d’évaluer la présence de la marque sur le marché compte tenu de la concurrence, des campagnes publicitaires, de la fidélité des clients et du positionnement de la marque.

Concrètement, on évalue le niveau de concurrence, le stade du cycle de vue du produit/service, les perspectives pour le marché mais également la notoriété de la marque, les valeurs communiquées et sa stratégie pour le futur.

iii. Analyse du processus de création de valeur de l’entreprise.

Pour avoir de la valeur, une marque doit être à l’origine d’avantages économiques appréciables. En même temps il faut éviter de superposer sa valeur avec celle d’autres actifs immatériels.

On procède donc à isoler la marque des autres biens immatériels (e.g. brevets, noms de domaines, clientèle, etc.), le but étant d’établir une cartographie des actifs et des ressources immatérielles de l’entreprise et de déterminer la contribution de chacun au processus de création de valeur.

b. Analyse quantitative.

L’analyse quantitative permet de déterminer la valeur financière de la marque à travers différentes méthodes de valorisation. Le rôle de l’expert est celui d’identifier la méthode la plus adaptée en fonction des caractéristiques de la marque à évaluer, des données comptables disponibles mais également des finalités de la valorisation.

Si l’on simplifie on peut identifier principalement trois familles de méthodes de valorisation.

i. Méthodes des coûts.

Les méthodes de valorisation par les coûts visent à déterminer le coût de création ou de remplacement d’une marque. De manière générale, ces méthodes ne sont pas adaptées à l’évaluation d’une marque en activité car rarement il y a une relation linéaire entre le coût de la protection d’une marque et sa valeur. Toutefois, cette famille peut être utile pour évaluer les marques d’une entreprise en difficulté ou qui a cessé son activité.

ii. Méthodes des flux de revenus.

Ces méthodes sont basées sur l’actualisation des flux de trésorerie futurs générés par la marque. Parmi ces méthodes nous pouvons identifier deux méthodes principales :

1. Méthodes des flux de trésorerie différentiels.

Ces méthodes de valorisation calculent la valeur de la marque actualisant sur une période déterminée les flux de trésorerie différentiels que celle-ci génère par rapport à des produits ou services identiques « sans marque ». Ces méthodes sont considérées parmi les plus précises car elles permettent d’« extraire » et « isoler » précisément la valeur de la marque.

2. Méthodes des royalties.

La valorisation par les méthodes des royalties actualise sur une période déterminée les royalties que l’entreprise devrait payer si elle devait demander en licence une marque équivalente. La royaltie s’extrait à partir de bases de données spécifiques et se choisit sur la base de paramètres qualitatifs comme le secteur et la notoriété de la marque.

iii. Méthodes des multiples.

La valorisation d’une marque par les multiples consiste en la multiplication d’un indicateur financier (ex. Ebitda) par un multiple obtenu soit par l’analyse de transactions comparables, soit par l’attribution d’un score qualitatif à
la marque. C’est parmi ces méthodes qui se situe la méthode Interbrand, l’une des plus connues et dont le procédé est reproduit ci-après.

Etape 1 : attribution d’un score à la marque sur une échelle de 0 à 100 :

  • Leadership sur le marché : 0-25
  • Stabilité - fidélité des consommateurs : 0-15
  • Stabilité de la demande du marché : 0-10
  • Internationalité : 0-25
  • Tendance du marché : 0-10
  • Investissements marketing : 0-10
  • Protection juridique : 0-5.

Etape 2 : Détermination du multiple entre 0 et 20 en reportant le score sur une « courbe en S ».

Etape 3 : Multiplication du multiple par le revenu attribuable à la marque.

Lors d’une valorisation il est toujours judicieux utiliser au moins deux méthodes afin de disposer d’une méthode de contrôle.

3. Conclusion : des procédés de valorisation plus fiables pour une propriété intellectuelle plus présente.

Notre souhait est que l’adoption de procédés de valorisation multidisciplinaires, transparents et reconnus permettra d’arriver à des valorisations qui soient fiables et acceptées par banques et investisseurs afin qu’il soit reconnu à la propriété intellectuelle son rôle dans la création de valeur, même d’un point de vue financier.

Quelque pays comme Singapour ont déjà emprunté cette voie et créé un véritable écosystème de financement directe via la propriété intellectuelle [1]. L’Italie de son côté permet depuis 2020 aux entreprises non soumises aux IAS de valoriser les actifs incorporels présents dans le bilan [2].

Tommaso Stella
Avocat au Barreau de Paris
Associé chez Lien Avocats
https://www.lien.legal/fr/pageaccueil/

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Notes de l'article:

[1IP-backed financing : IPOS | WIPO Report Series : Unlocking IP-Backed Financing : Country Perspectives. Singapore’s Journey.

[2Art. 110 loi n. 126 du 13/10/2020 du d.l. 104 du 14/08/2020.

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