La contestation des frais irrépétibles devant le juge administratif.

Par Fleur Jourdan, Avocat et Eléonore Menez, Elève Avocate.

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Explorer : # frais irrépétibles # procédure contentieuse # appel # Équité

Ce que vous allez lire ici :

L'article L761-1 du CJA régit le remboursement des frais irrépétibles engagés lors d'une procédure, précisant qu'une demande expresse est nécessaire. Le juge apprécie les demandes selon l'équité et peut réduire les montants. Les décisions peuvent être contestées en appel, impactant ainsi les condamnations initiales.
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Dans le cadre d’une procédure contentieuse administrative, le juge peut, sur le fondement de l’article L761-1 du Code de justice administrative (« CJA »), mettre à la charge d’une partie, une somme d’argent qu’elle devra allouer à son adversaire.

Comment ces frais sont-ils prononcés et comment faire pour les contester ?

-

L’article L761-1 du CJA dispose que

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

Les « frais non compris dans les dépens » ou « frais irrépétibles », comprennent notamment les frais d’avocats ainsi que les débours y afférant, engagés par les parties dans le cadre de la procédure contentieuse.

Il en résulte que les frais exposés à une date antérieure à celle de la saisine du juge ne peuvent donner lieu à remboursement [1].

En outre, limitée aux « frais exposés », la condamnation au titre des dispositions de l’article L761-1 du CJA ne doit pas, en principe, inclure une quelconque réparation du préjudice.

1. Les conditions d’application.

L’article L761-1 du CJA n’institue pas un droit à remboursement systématique des frais exposés lors de la procédure contentieuse. Les frais irrépétibles dont le remboursement peut être demandé sont exclusivement ceux de l’instance en cours devant la juridiction appelée à statuer.

Le bénéfice de ces dispositions est conditionné à la présentation d’une demande expresse du requérant en ce sens. Le Conseil d’État a jugé que les conclusions relatives aux frais irrépétibles doivent en outre, être accompagnées d’une évaluation chiffrée, sans quoi la demande est jugée irrecevable [2].

Ensuite, si le juge fait droit à cette demande, il met à la charge de la partie perdante ou de celle qui a « perdu pour l’essentiel » [3] une somme dont le montant varie en fonction de la complexité de l’affaire, de la nature du litige ou encore du comportement des parties.

En pratique, le juge apprécie souverainement s’il y a lieu, ou non, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l’article L761-1 du CJA. Pour cela, il tient compte « de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée » [4]. Il n’est ainsi pas tenu d’accorder la somme demandée et peut, le cas échéant, en réduire le montant.

L’application des dispositions de l’article L761-1 du CJA n’est donc pas automatique, le juge tenant compte des « circonstances de l’espèce » [5].

In fine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour :

  • Statuer sur l’opportunité d’accorder ou non le remboursement des frais irrépétibles ;
  • Déterminer le montant forfaitaire des frais, sans être tenu par les justificatifs produits par les parties [6].

L’appréciation souveraine du juge peut ensuite être contestée dans le cadre d’une procédure d’appel.

2. La contestation.

Si le juge de cassation ne contrôle pas l’appréciation portée par les juges du fond pour décider qu’il y a lieu de condamner une partie sur le fondement de l’article L761-1 [7], la condamnation prononcée en première instance est susceptible d’être réformée par le juge d’appel [8].

D’une part, et de manière tout à fait classique, lorsque le juge d’appel infirme le jugement rendu en première instance, celui-ci peut ordonner le reversement de la somme allouée au titre des frais irrépétibles [9].

En effet, en pareille circonstance, la détermination de la partie perdante est inversée par le juge d’appel et la décision de ce dernier emporte l’annulation de la condamnation de la partie prononcée par le tribunal au titre de l’article L761-1 du CJA :

« Considérant, d’une part, qu’une condamnation au titre de l’article L8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel de la partie qui succombe à l’instance est l’accessoire de la condamnation de cette partie au principal ; que, dès lors que par le présent arrêt la our administrative d’appel annule totalement le jugement du tribunal administratif au principal, et, par suite, inverse la détermination de la partie perdante à l’instance, sa décision emporte annulation de la condamnation de cette partie prononcée par le tribunal au titre de l’article L8-1 dudit code, et par suite, obligation pour la partie qui l’a perçue de restituer la somme en cause en exécution de l’arrêt » [10].

Ainsi, l’annulation du jugement au fond entraîne également l’annulation de la condamnation au paiement des frais non compris dans les dépens.

D’autre part, une personne condamnée au paiement des frais irrépétibles en première instance est recevable à faire appel de cette partie du jugement, et ce, même si elle n’a pas été appelée en cause devant le tribunal administratif [11].

Il est de jurisprudence constante que le juge d’appel exerce un contrôle de l’exactitude de l’appréciation faite par les premiers juges du montant des frais exposés en première instance par la partie en ayant obtenu le remboursement en application des dispositions de l’article L761-1 du CJA.

Le juge d’appel, saisi en ce sens, a donc la possibilité de réformer le jugement s’agissant de l’application faite des dispositions précitées, et ce, indépendamment de l’annulation ou de la confirmation de la décision rendue au fond [12].

En appel, la contestation des frais peut être introduite par :

  • La partie condamnée à payer les frais, si elle estime que le montant alloué est excessif ;
  • La partie bénéficiaire des frais, si elle considère que le montant octroyé est insuffisant et ne reflète pas les frais réellement engagés.

A ce stade encore, les parties peuvent produire des justificatifs dans le cadre de leur recours en appel, et notamment des copies de conventions d’honoraires, bien que le juge ne soit pas lié par ces derniers pour déterminer le montant alloué.

Il n’est pas nécessaire de faire appel de l’entière décision rendue au fond pour contester le montant des frais non compris dans les dépens. Des conclusions en appel portant sur la seule réformation de la partie du jugement relative à l’article L761-1 du CJA peuvent ainsi être présentées.

Gardons toutefois à l’esprit que la partie qui interjette appel d’un jugement pour obtenir réformation du montant des frais irrépétibles, peut elle-même, en cas de rejet de sa demande, être condamnée au titre de l’article L761-1 du CJA, par le juge d’appel.

C’est ainsi que la société APM International qui a relevé appel du jugement du Tribunal administratif d’Orléans en tant qu’il avait limité à 1500 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier Jacques Cœur, a elle-même était condamnée à verser cette somme à la partie adverse, après avoir été déboutée de sa demande par le juge d’appel [13] « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! »

Fleur Jourdan, Associée fondatrice
Avocat au Barreau de Paris
Et Eléonore Menez, Elève avocate
Fleurus Avocats
Droit public et éthique des affaires
https://www.fleurusavocats.com/team

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Notes de l'article:

[1CE, 8 octobre 1993, Société d’achats et de ventes de biens immobiliers, n° 116686, B.

[2CE, 27 mars 1991, Commune de La Garde c/ D.., n° 71860, B.

[3CE, 19 juin 2017, Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres, n°s 394677, 397149, B.

[4CE, 19 juin 2017, Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres, n°s 394677, 397149, B

[5CE, 7 octobre 1992, ministre de l’Agriculture c/ Scherrer, no 116369, B.

[6CE, 13 mars 1991, ministre des Affaires Sociales c/ Conate, no 121636 B.

[7CE, 21 juin 1993, Entreprise Plouzennec, n° 112774, B.

[8CE, 28 juillet 1993, Ville de Bois-Colombes c/ T... et autres, n° 140221, B.

[9CE, 18 septembre 1998, M. Hamou, Sté Diva, ministre du Budget c/ M. Beuré, n° 154968, 149341, 161322, C.

[10CAA Nantes, 24 mars 1998, n° 95NT00922.

[11CE, 18 février 1998, Université d’Auvergne c/ Mlle Perrucaud, no 162347 B.

[12CAA de Paris, 22 avril 2003, n° 99PA03276.

[13CAA de Nantes, 19 décembre 2014, n° 13NT01339.

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