Par plusieurs décisions rendues le 3 avril 2024 [2], le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’État pour « carence dans l’organisation du service public de l’enseignement » dans des affaires concernant le rectorat de Versailles.
Ces décisions de justice font suite à la mobilisation d’un collectif de parents d’élèves dénonçant les heures de cours perdues par leurs enfants du fait d’absences non remplacées de leurs enseignants.
1. L’obligation d’assurer l’enseignement au fondement de la responsabilité de l’État.
Dans ces affaires, la juridiction sanctionne le manquement à l’obligation d’assurer l’enseignement scolaire, consacrée aux termes de l’article L122-1-1 du Code de l’éducation, et la continuité des apprentissages, prévue à l’article D. 321-1 de ce même code.
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est notamment fondé sur la décision rendue par le Conseil d’État le 27 janvier 1988, Ministre de l’éducation nationale contre Giraud, n° 64076, selon laquelle :
« la mission d’intérêt général d’enseignement (…) impose au ministre de l’éducation nationale l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes (…) ».
Le juge administratif considère donc que le manquement à ces obligations « pendant une période appréciable », en l’absence de toute justification tirée des nécessités de l’organisation du service, est constitutif d’une « faute de nature à engager la responsabilité de l’État ».
2. L’appréciation par le juge du manquement à cette obligation.
Comment le juge administratif apprécie-t-il alors la « période appréciable » susceptible d’engager la responsabilité de l’État ?
Le rapporteur public a considéré qu’une « rupture continue d’enseignement sur une période supérieure à trois semaines » était préjudiciable pour les élèves et ouvrait droit à réparation.
S’agissant des absences de courte durée, il a établi le seuil au-delà duquel la responsabilité de l’État pouvait être engagée à environ « 15 % du volume annuel total d’une matière obligatoire ».
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a par exemple estimé que l’État avait commis une faute du fait du non-remplacement d’un enseignant pendant 16 jours, ce qui avait eu pour effet de priver l’élève concerné de l’intégralité des enseignements obligatoires qui devaient lui être dispensés sur cette période.
3. Une indemnisation symbolique.
Dans ces décisions, l’État a été condamné à indemniser les requérants des préjudices nés de la perte de chance de leurs enfants de réussir leur cursus scolaire en raison de la rupture de la continuité pédagogique, pour les collégiens, et du retard pris dans l’acquisition du socle commun de connaissances, pour les élèves de primaire.
Il convient de souligner que le juge administratif a considéré que les bons résultats obtenus par un élève malgré l’absence de son professeur n’étaient pas de nature à exonérer l’État de sa responsabilité.
Tous les requérants n’ont toutefois pas eu gain de cause. Le tribunal administratif a renvoyé trois affaires et rejeté une requête. Le ministère de l’Éducation nationale a annoncé qu’il envisageait de faire appel. D’autres tribunaux doivent statuer sur des requêtes similaires dans les prochains mois.
Si les sommes versées à titre de réparation dans ces affaires sont symboliques, il s’agit surtout pour les familles concernées de faire pression sur l’État. Le contentieux indemnitaire des heures non remplacées est devenu récurrent du fait de l’activisme d’associations et de collectifs de parents d’élèves.