Cette décision soulève des questions intéressantes sur la frontière entre la promotion commerciale et le caractère distinctif exigé pour une marque.
Contexte de la demande de marque.
La société Expressions Parfumées, spécialisée dans le domaine des parfums, avait déposé une demande pour enregistrer le signe « Sleepwell » à titre de marque verbale.
Les produits couverts par le dépôt comprenaient en particulier des huiles essentielles, des extraits aromatiques, des préparations nettoyantes et parfumantes, ainsi que des produits de toilette. Selon la demanderesse, ces produits visaient à favoriser la relaxation et à améliorer la qualité du sommeil, des propriétés reflétées dans la marque proposée.
L’EUIPO a ainsi estimé que le terme « Sleepwell » était trop descriptif et était dépourvu de caractère distinctif. Selon l’Office, le « consommateur pertinent », de langue anglaise, percevra immédiatement le terme « Sleepwell » comme une expression signifiant littéralement « bien dormir », et donc comme une description directe des effets supposés des produits visés au dépôt.
Un rejet fondé sur l’absence de caractère distinctif.
Dans son argumentation, l’EUIPO s’est appuyé sur le fait que les marques composées exclusivement de termes descriptifs ne peuvent être enregistrées (article 7, paragraphe 1, point c), du RMUE).
L’objectif est d’éviter qu’une entreprise s’approprie des termes génériques qui devraient rester disponibles pour l’ensemble des acteurs du marché. En l’occurrence, l’expression « Sleepwell » renvoie à un état souhaité par les consommateurs, sans qu’il soit nécessaire de fournir un effort cognitif pour en comprendre le sens.
L’EUIPO a également insisté sur le fait que l’absence d’espace ou de trait d’union entre les deux mots composant le signe « Sleepwell » ne suffisait pas à lui conférer un caractère distinctif. En effet, le public cible tend à décomposer les termes pour en comprendre la signification globale, d’autant plus lorsqu’ils se réfèrent à des concepts facilement intelligibles.
Les arguments développés par la société Expressions Parfumées.
La demanderesse a tenté de défendre l’originalité et l’impact de sa marque en faisant valoir que le signe « Sleepwell » n’était pas simplement une expression descriptive.
La société a présenté des preuves attestant que ses produits étaient formulés à l’aide d’algorithmes de conception de fragrances. Ces formules étaient ensuite validées par des tests physiologiques mesurant les fréquences cérébrales des participants aux tests, exposés aux produits pendant leur sommeil.
En dépit de ces arguments, l’EUIPO a maintenu son refus. Elle a estimé que les arguments de la société, bien qu’intéressants, appuyaient l’idée que le terme « Sleepwell » décrivait plutôt la fonction des produits, et non leur origine commerciale.
Par ailleurs, la documentation présentée n’a pas réussi à convaincre l’Office que malgré son absence de caractère distinctif intrinsèque, le signe pouvait remplir sa fonction d’indication d’origine.
Au contraire, pour l’Office, les documents présentés venaient renforcer l’idée que le signe n’était qu’une indication des qualités des produits couverts par le dépôt, à savoir aider les consommateurs à améliorer la qualité de leur sommeil.
Une illustration du refus de l’EUIPO d’enregistrer des signes descriptifs.
Le refus de l’EUIPO illustre un écueil classique rencontré par les déposants cherchant à protéger des termes laudatifs ou descriptifs en tant que marques.
Or, la principale fonction d’une marque est d’aider les consommateurs à identifier le producteur à l’origine d’un produit ou d’un service et de le distinguer de ceux de ses concurrents. Ainsi, un terme trop descriptif, comme l’a jugé l’EUIPO dans ce cas, n’est pas en mesure de remplir cette fonction d’identification de manière efficace.
Selon l’Office, le signe « Sleepwell » ne permet pas aux consommateurs de se souvenir spécifiquement de l’origine commerciale des produits couverts par le dépôt.
En conclusion.
La décision de l’EUIPO concernant le signe « Sleepwell » rappelle l’importance de la distinctivité pour qu’une marque puisse être enregistrée dans l’Union européenne.
Cela illustre parfaitement l’une des principales difficultés rencontrées par les opérateurs économiques dans leur choix de marque. Naturellement, ils se tournent vers des termes et expressions qui décrivent ou évoquent fortement les produits ou services visés au dépôt, ou du moins certaines qualités de ces produits ou services.
Ce faisant, ils se heurtent alors à la réalité du droit des marques et à l’exigence de distinctivité, consciencieusement rappelée par les Offices.
Ainsi, bien que le terme « Sleepwell » puisse sembler bien adapté pour décrire des produits visant à améliorer le sommeil, c’est précisément ce caractère descriptif qui a conduit à son rejet.
La société Expressions Parfumées dispose néanmoins d’une voie de recours et faire appel de cette décision dans un délai de deux mois à compter de la notification (article 67 du RMUE). Pour ce faire, elle devra non seulement s’acquitter d’une taxe de recours, mais aussi argumenter en détail les raisons de son désaccord.
Finalement, il s’agit pour elle de choisir entre ajuster sa stratégie de marque ou s’engager dans une procédure de recours pour tenter d’infléchir cette décision.
Le cas du signe « Sleepwell » n’est pas isolé et met en lumière les exigences strictes du système européen en matière de marques, en particulier lorsqu’il s’agit de termes évocateurs ou descriptifs. Les entreprises sont confrontées à un équilibre délicat entre la promotion de produits via des slogans accrocheurs et la nécessité de créer des marques qui se distinguent véritablement dans l’esprit des consommateurs.