(Découvrir / Exposition) : Trois expositions au musée de La Piscine à Roubaix.
Conçue sur le modèle d’une abbaye, avec ses quatre ailes organisées autour d’un jardin intérieur, La Piscine est l’œuvre de l’architecte Albert Baert, qui lui consacra cinq années de travail, de 1927 à 1932. À l’époque, son style Art déco et ses installations avant-gardistes en font un lieu emblématique où des générations de Roubaisiens viennent nager pendant près d’un demi-siècle. Au milieu des années 80, la vétusté de la structure, notamment la fragilité de sa voûte, contraint la ville à fermer l’établissement pour des raisons de sécurité. Après seize ans de restauration et de transformation, l’ancienne piscine renaît en 2001 sous une nouvelle identité : celle d’un musée.
- La Piscine, Fontaine 2012, « Elsa Sahal, Pool Dance » © Elsa Sahal – photo JLRF
Aujourd’hui, un fin et long tapis d’eau rappelle discrètement l’ancienne vocation du lieu, préservant la mémoire du bassin d’origine. L’espace est magnifié par le portique conçu en 1913 par Alexandre Sandier et baigné de lumière grâce à deux verrières aux teintes éclatantes, évoquant un soleil radieux. Détournées de leur usage d’origine, les anciennes cabines de douche des baigneurs ont été transformées en élégantes vitrines où s’expose une remarquable collection de céramiques. Vases et statuettes y côtoient des créations issues de la Manufacture de Sèvres, ainsi que des œuvres signées par des maîtres tels que Picasso ou Fernand Léger.
Une partie des cabines est consacrée à des expositions temporaires. Actuellement, « Sens dessus dessous » décrypte l’art du déshabillé à travers des tenues issues des collections du musée. Les habits de l’intimité se révèlent et sèment le trouble au fil des différentes époques.
L’exposition « Elsa Sahal, Pool Dance » présente des formes intimes et organiques. Rebaptisée spécialement pour La Piscine, la série d’Elsa Sahal, inspirée des mouvements sensuels et acrobatiques de la pool dance, trouve également ses racines dans l’étude des esquisses de Rodin. Son approche sculpturale audacieuse, où s’entrelacent liberté d’expression et humour, dialogue ainsi harmonieusement avec l’univers de l’exposition consacrée à Rodin et Bourdelle.
Après une première confrontation à Paris au Musée Bourdelle, La Piscine de Roubaix remet en scène le duel entre deux figures majeures de la sculpture moderne. D’un côté, Auguste Rodin, maître incontesté, titan façonnant la matière avec une intensité brute. De l’autre, Antoine Bourdelle, virtuose plus discret, mais pédagogue influent, dont l’empreinte marquera profondément des artistes comme Alberto Giacometti et Germaine Richier.
- Portrait sculpté de Rodin par Bourdelle © Musée Bourdelle – photo JLRF
Tout au long de leur existence, ces deux monstres sacrés entretiendront une correspondance nourrie, partageant non seulement des lettres, mais aussi leurs créations et réflexions. En premier lieu, l’exposition déconstruit un mythe : loin d’avoir été son élève, Bourdelle fut en réalité, pendant quinze années, l’un des plus proches collaborateurs de Rodin. Leurs parcours artistiques, intimement liés, croiseront des figures emblématiques comme Camille Claudel ou Isadora Duncan. Cette confrontation mettra en lumière autant leurs affinités que leurs désaccords, révélant la complexité de leur relation.
L’exposition a été imaginée en coproduction avec les Musées Bourdelle et Rodin de Paris et rassemble plus de 170 pièces, sculptures, dessins, photographies et archives, offrant une plongée fascinante dans l’univers de ces deux artistes et presque cinquante années de création commune ou croisée.
Selon Adèle Taillefait, Conservatrice à La Piscine, Rodin se distingue par une expressivité saisissante dans le travail des formes, mettant en avant la vitalité des muscles et la sensualité de la chair. Bourdelle, en revanche, privilégie une approche fondée sur la structure, la dynamique des lignes et l’équilibre des compositions. Cherchant à inscrire la sculpture dans une nouvelle dimension architecturale, il opte pour une épuration des volumes, marquant ainsi une évolution vers une esthétique plus synthétique et monumentale.
À noter que le musée possède dans sa collection permanente une pièce unique conçue en 1878 : le seul meuble en bois attesté comme étant de la main d’Auguste Rodin. Cet objet exceptionnel, réalisé à ses débuts, témoigne de son apprentissage comme ornemaniste avant qu’il ne s’impose comme sculpteur, et après qu’il échoua à trois reprises à l’épreuve… de sculpture à l’École des Beaux-arts.
- Main désespérée, vers 1900, Antoine Bourdelle © Musée Bourdelle – photo JLRF
« Sens dessus/dessous » jusqu’au 8 juin 2025
« Elsa Sahal, Pool Dance » jusqu’au 1er juin 2025
« Rodin/Bourdelle. Corps à corps » jusqu’au 1er juin 2025.L’exposition Rodin/Bourdelle poursuivra ensuite son périple au Musée Ingres-Bourdelle de Montauban, du 27 juin au 19 octobre 2025.
La Piscine de Roubaix, 23 rue de l’Espérance, 59100 Roubaix, métro ligne 2, stations Roubaix Grand Place ou Gare Jean Lebas
Informations : http://www.roubaix-lapiscine.com
Photo en logo : Adam, 1880, Auguste Rodin, et Adam 1889, Antoine Bourdelle « Rodin/Bourdelle. Corps à corps » © musée Rodin / musée Bourdelle – photo JLRF
