La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a été votée par le Parlement le 18 novembre 2021.
Elle inscrit le secret professionnel de l’avocat, dans l’article préliminaire du Code de Procédure Pénale (« Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66 5 de la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code »), répondant au vœu clairement exprimé par le Garde des Sceaux, l’ancien avocat pénaliste Eric Dupont-Moretti.
Mais, dans le même temps, à la demande expresse des associations de magistrats et de Bercy à l’origine de plusieurs amendements, un nouvel article 56-1-2 du Code de procédure pénale, consacre la distinction entre le secret professionnel de la défense et celui du conseil, inopposable aux enquêteurs :
« Dans les cas prévus aux articles 56 1 et 56 1 1, sans préjudice des prérogatives du bâtonnier ou de son délégué prévues à l’article 56 1 et des droits de la personne perquisitionnée prévus à l’article 56 1 1, le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction lorsque celles ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts et aux articles 421 2 2, 433 1, 433 2 et 435 1 à 435 10 du Code pénal ainsi qu’au blanchiment de ces délits, sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ».
Les infractions concernées sont celles du financement du terrorisme, de la fraude fiscale, de la corruption, et du trafic d’influence.
Dans le cadre des débats, la mobilisation du Conseil National des Barreaux avait permis le retrait d’un alinéa 2, ajouté par la Commission Mixte Paritaire, qui insérait une seconde exception, au champ d’application beaucoup plus large : « 2° ou lorsque l’avocat a fait l’objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’infractions ».
Cet alinéa, à la rédaction hasardeuse, introduisait une forme de complicité passive de l’avocat, et supprimait de facto tout secret professionnel.
On ne peut que se féliciter de sa suppression.
En revanche, la suppression du secret professionnel en matière de conseil est actée.
La jurisprudence récente de la Chambre criminelle de la Cour de cassation [1] avait précisé que les correspondances échangées entre un avocat et son client n’étaient pas couvertes par le secret professionnel lorsqu’elles ne concernaient pas l’exercice des droits de la défense.
La Cour de Justice des Communautés Européennes [2], qui avait cantonné le secret de la correspondance entre avocats et clients à l’exercice du secret de la défense, a également été invoquée à l’appui des amendements.
L’évolution législative s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence, - sous réserve toutefois, de la jurisprudence de la CEDH et de l’interprétation des articles 6 et 8 -.
Mais cette nouvelle législation est source d’inquiétudes et nourrit la critique.
D’une part, elle vide de sa substance l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 :
« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères ».
D’autre part, on peut s’interroger sur la justification de telles exceptions.
Outre que la différence entre le conseil et la défense est ténue, puisque le client vient souvent solliciter le conseil d’un avocat en préalable à sa défense, la seule lutte contre la fraude fiscale, la corruption, le blanchiment, est érigée en cause nationale à telle enseigne que le secret professionnel de l’avocat en est exclu.
Comment justifier des telles exceptions quand, pour des infractions criminelles, - on pense au violeur, au criminel de sang -, les mis en cause bénéficient, et à juste titre, du secret professionnel intégral au nom des droits de la défense ?
Derrière cette atteinte portée au secret professionnel, la suspicion est jetée sur l’avocat, auxiliaire de justice, mais considéré comme complice potentiel de son client en matière de fraude ; les travaux parlementaires sont éloquents sur ce point.
Faut il rappeler que les pièces d’un justiciable sont saisissables dans le cadre d’une enquête pénale, - contrairement au correspondances et consultation de l’avocat -, et que le secret professionnel s’efface lorsque l’avocat est mis en cause ?
L’Etat de droit et la démocratie n’ont pas à pâtir de la faiblesse des moyens accordés aux enquêteurs/magistrats en charge de la répression contre les délits financiers.
Le secret professionnel doit rester indivisible et protégé !