Si les risques liés à la sécurité, aux deepfakes et aux voix de synthèse ont récemment occupé le devant de la scène, l’IA est aussi en passe de transformer radicalement notre manière d’accéder à l’information en ligne. Les performances de ChatGPT 4 illustrent cette évolution, reléguant les recherches Google traditionnelles au rang d’outils rudimentaires.
De nouveaux enjeux pour l’e-réputation, la protection des données et la vie privée.
L’omniprésence croissante de l’IA dans nos outils d’information soulève des questions cruciales quant à ses effets sur notre e-réputation, nos données personnelles et notre droit à la vie privée. Dès le milieu des années 2000, les contentieux en matière de diffamation et de droit à la vie privée ont vu leur épicentre se déplacer de la presse traditionnelle vers les géants américains du web, notamment les moteurs de recherche et les plateformes sociales.
Le droit à l’oubli face à l’IA générative.
La domination sans partage de Google a conféré à sa première page de résultats une importance capitale pour l’e-réputation des marques et des individus. L’arrêt "Google Spain" de 2014 a contraint Google à mettre en place un mécanisme de déréférencement, permettant la suppression d’informations obsolètes, erronées ou non pertinentes, consacrant ainsi un "droit à l’oubli" numérique.
Cet acquis juridique est-il transposable à l’ère de l’IA générative ? Les modèles d’IA s’entraînent sur d’immenses volumes de données textuelles, sans toutefois les stocker de manière structurée comme une base de données classique. Ils identifient des schémas complexes, mais une fois entraînés, ils ne conservent pas la mémoire de l’origine précise des informations. Il devient donc extrêmement difficile, voire impossible, de localiser et d’éliminer une information spécifique.
Néanmoins, les fournisseurs d’IA, en tant que responsables de traitement, restent soumis aux obligations légales, notamment celles découlant de l’arrêt "Google Spain" de la CJUE en 2014. Les individus devraient pouvoir exercer leurs droits en matière de protection des données pour réguler les résultats de recherche générés par l’IA. Par ailleurs, une gestion proactive de son empreinte numérique, y compris par le biais de demandes de déréférencement auprès de Google et Bing, peut contribuer à infléchir les résultats de l’IA générative, qui se nourrit des informations disponibles en ligne.
Droits des utilisateurs et responsabilité des plateformes.
Au-delà des sujets des recherches, qu’en est-il des droits des utilisateurs de services d’IA ? ChatGPT, à l’instar de nombreux services en ligne, publie une politique de confidentialité détaillée. Il affirme ne pas exploiter les données à des fins commerciales ou publicitaires, ni pour établir des profils individuels. Il propose enfin des options pour gérer la conservation des données. Toutefois, ces données servent à "entraîner" les algorithmes, soulevant des interrogations quant à leur utilisation effective.
Un aspect positif réside dans le fait que l’IA générative pourrait redynamiser les actions en diffamation. En produisant du texte original, ChatGPT et ses concurrents pourraient être tenus responsables en tant qu’"éditeurs" de contenu diffamatoire, contrairement aux moteurs de recherche qui se contentent de référencer des contenus tiers.
Un nouvel horizon juridique et communicationnel.
L’IA ouvre indéniablement une nouvelle ère dans notre rapport à l’information. Les professionnels du droit et de la communication devront relever le défi de protéger les droits et la réputation de leurs clients dans ce contexte inédit, en s’appuyant sur les acquis de la dernière décennie.