Résidences de services et fonds de concours : la tentation de venus.

Par Marc Amblard, Avocat.

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Explorer : # fonds de concours # résidences de services # rentabilité immobilière # investissement immobilier

Articles 199 decies E et 199 sexvicies du Code général des impôts.

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Depuis plusieurs années, les résidences de services et notamment de tourisme obtiennent la faveur des investisseurs. A cela deux raisons principales : une rentabilité plus élevée et des avantages fiscaux tels la possibilité de récupérer de la TVA sur le prix d’achat et les travaux (article 261 D du Code général des impôts) ainsi qu’une réduction d’impôt sur le revenu (articles 199 decies E et 199 sexvicies du Code général des impôts).

Ce type d’investissement qui oblige l’acquéreur à déléguer l’exploitation de son bien à un professionnel du secteur para-hôtelier recouvre en réalité différents groupes de résidences correspondant chacun à un occupant différent : les résidences para-hôtelières, les résidences pour étudiants, les résidences médicalisées et les résidences de tourisme classées.
Le mécanisme de fonctionnement traditionnel met en oeuvre trois parties : le promoteur qui vend les lots de copropriété, le propriétaire qui les acquiert et enfin l’exploitant (dit aussi « gestionnaire ») qui les gère en vertu d’un contrat, le plus souvent un bail commercial d’une durée minimale de neuf années. Le package peut également inclure une garantie de loyer proposée par une compagnie d’assurance et souscrite par une des parties.

Si le montage peut sembler séduisant sur le papier, l’expérience débouche sur un constat nettement plus nuancé en raison des nombreux travers que l’expérience nous a permis d’observer. Nous évoquerons ici un seul d’entre eux et pas le moindre : le fonds de concours.

Ce dispositif qui s’avère plus tard être un véritable piège pour le propriétaire est mis en oeuvre alors même que la résidence n’est pas encore en service.
C’est assez simple à comprendre : la plupart des exploitants de résidence de tourisme exigent du promoteur qu’il leur verse en échange de la prise à bail, un fonds de concours, sorte de prime providentielle pouvant s’élever à une, voire deux années de loyers. Le promoteur qui parfois, n’a d’autre choix que de s’y soumettre, répercute cette charge complémentaire sur les prix de vente facturés aux acquéreurs.
Il est d’autres cas ou l’exploitant n’est qu’une émanation du groupe géré par le promoteur. Celui-ci est conscient que la vente des lots n’est envisageable qu’à la condition de proposer aux clients un pack incluant la gestion locative de leur bien. Il est alors tentant pour ce promoteur de créer une structure dédiée à la location qu’il n’hésitera parfois à subventionner directement ou indirectement pour proposer des taux de rentabilité séduisants.
En effet, la remise d’une somme au locataire exploitant lui permet de verser un loyer supérieur à celui correspondant au libre jeu du marché. Le propriétaire à qui l’on a caché le dispositif de subventionnement le découvre à ses dépends lorsque l’exploitant a épuisé cette réserve et ne parvient plus à honorer les loyers promis.

Evidemment, on peut légitimement s’interroger sur la légalité des fonds de concours.
Un élément de réponse a été apporté le 1er février 2011 par les juges du Tribunal de Grande Instance de Périgueux qui ont admis leur caractère dolosif. La juridiction a, en effet reconnu que la rentabilité promise était un élément déterminant du consentement des investisseurs et que le versement du fonds de concours du promoteur à l’exploitant initial a été constitutif d’une tromperie. Plus précisément, la position des juges a été la suivante : en s’abstenant d’informer les acquéreurs lors de l’échange des consentements que la rentabilité annoncée était biaisée en raison du versement d’un fonds de concours à l’exploitant, le promoteur s’est rendu coupable d’une réticence dolosive.

Le préjudice peut être très élevé sachant que l’investisseur, à tort sans doute, fonde sa décision d’achat non pas sur un prix d’achat au mètre carré mais sur une prétendue rentabilité.

Prenons l’exemple suivant :

- soit un appartement type d’une surface de 50 m2 dans une résidence de 100 lots équivalents située au sein d’une zone géographique affichant un prix moyen proche de 3 000 euros le m2 habitable ;

- le loyer net annuel pour ce type d’appartement avoisine dans des conditions normales de marché 6 300 euros d’où une rentabilité moyenne de 4,2% (*).

Supposons à présent que le promoteur verse à l’exploitant désigné un fonds de concours équivalent à une année de loyer (cas fréquent) soit 630 000 euros (6 300 euros * 100 lots).

Une telle subvention permet alors à cet exploitant de majorer artificiellement le loyer annuel versé au bailleur de 2 100 euros par appartement et ce durant 3 ans (6 300 euros / 3 ans). Dans notre cas, celui-là pourra donc s’établir à 8 400 euros au lieu des 6 300 euros observés sur le marché local.
Le promoteur, tout en proposant un taux de rentabilité identique (4,2%), pourra alors céder le lot de 50 m2 non pas pour 150 000 euros mais 200 000 euros.
En effet, le rendement locatif proposé au candidat à l’acquisition sera calculé en faisant le rapport du loyer net perçu par le prix d’acquisition : 8 400 euro / 200 000 euros soit 4,2%.
En raisonnant autrement, le prix de l’appartement sera égal à 8 400 euros/4,2% soit 200 000 euros.

A l’échelle de la résidence, le gain pour le promoteur est très important : chaque appartement étant vendu 50 000 euros de plus, les recettes supplémentaires globales s’établissent alors à 5 millions d’euros pour un fonds de concours déboursé de 630 000 euros soit un gain de 4,37 millions d’euros.

La tentation du montage est donc d’autant plus forte que l’effet de levier est très important.
Seule une minorité de promoteurs ont succombé et cela ne doit en aucun cas jeter le discrédit sur une profession respectable. Au demeurant, il convient de souligner que dans certains cas, le promoteur y est fortement incité par l’exploitant lui-même : celui-ci prendra part au gain en conservant une partie du fonds de concours, une fraction seulement étant reversée aux propriétaires sous forme de majoration de loyer.

Il est donc primordial que tout candidat à l’acquisition vérifie la conformité du prix proposé par le promoteur avec ceux du secteur, à prestations et emplacement comparables.
La vente sous forme de package d’un lot dans une résidence de services ne justifie en rien une majoration du prix. Une décote serait même légitime attendu que l’acquéreur sera privé de la maîtrise de son bien durant une période minimale de neuf années.

(*) Détail : 6 300 euros/(50 m2 *3 000 euros) = 4,2%

Marc Amblard

Avocat (cabinet Amblard - Chamalières & Paris) et Maître de conférences à l’Université de Provence (Aix en Provence)
www.amblard-avocats.fr

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