Regard sur le droit à l'environnement à l'aune des constitutions béninoises et ivoiriennes. Par Didier Dethi Zamblé Gourène, Etudiant.

Extrait de : Côte d’Ivoire

Regard sur le droit à l’environnement à l’aune des constitutions béninoises et ivoiriennes.

Par Didier Dethi Zamblé Gourène, Etudiant.

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Explorer : # droit à l'environnement # développement durable # protection contre les déchets # préservation du climat

La question de la protection de l’environnement est une préoccupation urgente, qui interpelle la communauté internationale toute entière. Eu égard aux nombreuses conventions dans le but de protéger l’environnement, une autre possibilité de protection de l’environnement s’ouvre aux États. Il s’agit de la consécration constitutionnelle de l’environnement.

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Cette voie sonne le glas d’une protection accrue de l’environnement, qui consiste à l’ériger à un droit fondamental, c’est-à-dire la mise en place d’un Droit de l’Homme à l’environnement.

Le Bénin et la Côte d’Ivoire vont s’inscrire dans cette même logique.

On va assister à une consécration du droit à l’environnement dans les Constitutions de ses pays.

La consécration de divers droits à l’environnement au Bénin et en Côte d’Ivoire s’est faite à l’aune des textes tant nationaux qu’internationaux. En effet, selon le professeur Kossivi Hounaké,

« les dispositions relatives à l’environnement dans les États analysés, ne sont pas uniquement celles qui figurent dans les Constitutions. Elles s’étendent également à certains instruments internationaux traitant directement ou indirectement des questions environnementales. Il s’agit par exemple de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 à laquelle renvoient les préambules des Constitutions du Bénin et de la Côte d’Ivoire (...). Au Bénin, l’article 7 de la Constitution énonce que les droits et devoirs proclamés et garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée en 1981 par l’OUA et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986, font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois ».

La prise en compte dans les constitutions des conventions traitant de manière directe ou indirecte l’environnement permet de garantir des droits fondamentaux. C’est d’ailleurs ce que soutient Michel Prieur

« l’importance vitale de l’environnement pour chacun d’entre nous et pour la société en général devait nécessairement conduire à terme à intégrer l’environnement dans le Panthéon des droits de l’homme ».

Cette intégration garantie un droit de l’homme à l’environnement dont l’issue est l’inviolabilité. Cependant, Il faut comprendre que le droit à l’environnement n’est alors pas un droit d’appropriation sur son objet, ce n’est pas un droit sur l’environnement, mais un droit à la protection de l’environnement, au sens de la conservation et de l’amélioration de cet environnement.

La lecture attentive des constitutions a permis de nous interroger sur la nature des droits consacrés. Selon leurs caractères, les dispositions contenues dans les constitutions ont, soit une dimension générale ou spécifique. De telles dimensions permettent de mieux appréhender le droit à l’environnement en vue d’une bonne protection. Pour mieux pousser notre réflexion, il nous revient d’examiner la consécration des droits à caractère général dans les Constitutions béninoises et ivoiriennes (I), avant d’analyser la consécration des droits à caractère spécifique dans ces différentes Constitutions (II).

I /La consécration des droits à caractère général.

Parler des droits à caractère général, c’est fait allusion au contenu même de ces droits. C’est-à-dire l’ensemble de droits à l’environnement qui ont un caractère général. Il convient ici, de prendre en compte les différents droits qui les compose.

L’accent dans le cas d’espèce n’est pas mis sur un seul élément, mais sur plusieurs, représentés par un seul. Alors, deux droits attirent notre attention. Il s’agit du droit à un environnement sain, un droit fondamental aux divers contenus (A), et le droit au développement durable, un concept clé de la convention de Rio pour la protection de l’environnement (B).

A/ Le droit à un environnement sain, un droit fondamental aux divers contenus.

Il faut noter que la notion « d’environnement sain » mérite d’être éclaircie. Au sens usuel, le mot « sain » est entendu comme ce qui « contribue à la bonne santé, n’a aucun effet funeste sur l’état physique » (Le Petit Robert, 1976).

« Une telle interprétation paraît restrictive en ce qu’elle semble limiter la portée de la disposition aux seules atteintes à l’environnement qui présentent un risque pour la santé humaine (…) la doctrine et la jurisprudence interprètent beaucoup plus largement la notion d’environnement sain pour y inclure la protection de la faune et de la flore, du patrimoine culturel et des paysages ainsi qu’un bon aménagement du territoire ».

Le droit à un environnement sain est un droit fondamental reconnu à tous. En effet, au niveau international, le droit de chaque individu de vivre dans un environnement sain ou viable est reconnu explicitement et implicitement par l’État ivoirien et béninois. On peut prendre en compte la conférence de Stockholm qui met pour la première en relief, un rapport entre un droit de l’homme et l’environnement.

Cette reconnaissance internationale marque un pas nécessaire d’un droit de l’environnement très élargi. Ainsi, les états vont s’aligner sur cette perspective pour garantir des droits à un environnement sain. L’article 27 de la Constitution ivoirienne dispose que « le droit à un environnement sain est reconnu à tous sur l’ensemble du territoire national ». Quant au constituant béninois, dans l’article 27 consacre « un droit à un environnement sain, satisfaisant et durable ».

Cela sous-entend que toute personne a le droit de jouir d’un cadre environnemental sain, dont aucunement, les activités de l’homme en principe ne devraient l’entraver.

Ce droit comprend entre autres, le droit au bien-être et à la santé. La Constitution ivoirienne en son article 40 dispose que « la protection de l’environnement et la promotion de la qualité de vie sont un devoir pour la communauté et pour chaque personne physique et morale ». La notion de qualité de vie peut s’apparenter au bien-être et peut avoir un lien avec le droit à la santé. Avoir une bonne santé voudrait dire qu’il faut vivre dans un environnement sain et protégé.

En plus de cela, il y a le droit à la vie et le droit à l’eau potable. La Constitution ivoirienne dispose en son article 3 al1 « Le droit à la vie est inviolable ». Disposer d’un droit à un environnement sain, ou satisfaisant et global, demande à ce que l’individu jouisse de son droit à la vie dans un cadre idéal. Porter atteinte à l’environnement, c’est violer le droit à la vie de l’individu. Le constituant béninois affirme en son article 5 « tout individu a droit à la vie ». De telle consécration garantie une vie dont le cadre dans lequel elle doit s’exercer doit être protégé.

De même, il y a le droit à l’eau. C’est un droit indispensable et plus que nécessaire qui ne peut s’exercer efficacement que dans un cadre environnemental sain ou satisfaisant. La Constitution ivoirienne dispose en son article 40 al 2 « l’État s’engage à protéger ses cours d’eau ». Cette protection de l’eau, sous-entend la mise en place de tous les moyens en vue de soit lutter contre toute forme de pollution d’eau, qui est capable de porter atteinte à l’environnement.

B/ Le droit au développement durable, un concept clé de la convention de Rio pour la protection de l’environnement.

Pour concilier les perspectives écologiques, sociales et économiques dans le but de garantir un développement durable, certains états vont introduire le concept de développement durable dans leur loi fondamentale. La constitution ivoirienne du 08 Novembre 2016 consacre en son article 101 le concept de « développement durable ». Celle du Bénin met plutôt en exergue, le « droit à un environnement durable ». Les consistants de ce concept se déclinent d’abord, sur des exigences écologiques. Le pilier écologique du développement durable est un pilier consacré par les constituants ivoiriens et béninois. En effet, cette consécration, fait du droit à l’environnement un droit fondamental.

Le pilier écologique tend à préserver à la fois la nature. Selon l’article 40 al 3 de la Constitution ivoirienne, « l’État et les collectivités publiques prennent des mesures nécessaires pour sauvegarder la faune et la flore ». La loi cadre béninoise de 1999 prise en application des dispositions relatives à l’environnement prévues par la constitution, qualifie de pollution en son article 2, « toute contamination ou modification de manière directe ou indirecte de l’environnement, provoqué par tout acte susceptible, de provoquer une situation préjudiciable à au bien-être, à la santé, aux flores et à la flore ». Cette pollution est condamnée dans la mesure où elle constitue une atteinte à l’environnement, surtout au principe du développement durable. La nécessité de veiller sur l’avenir des générations futures, demande que les principes émis par le développement durable, soient respectés.

Le développement durable vise aussi à protéger l’espace urbain de l’impact des activités humaines. La loi cadre portant Code de l’environnement béninois dispose en son article 4 que le droit au développement durable qui fait partie des principes généraux de la nation, permet de promouvoir l’assainissement dans le but d’améliorer le cadre de vie.

Il est à noter qu’au « cours des dernières décennies, le concept de développement durable s’est imposé comme un nouvel impératif de l’action publique urbaine et métropolitaine, touchant ainsi les conceptions et les pratiques de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ». La question de développement durable ne peut être mise en écart en matière d’urbanisme, notamment en matière d’occupation des sols, d’installation des bâtiments. Ceux-ci peuvent constituer une grande atteinte à l’environnement. Ensuite, nous avons le pilier économique, puis enfin, social.

II/ La consécration des droits à caractère spécifique.

Il est question des droits qui portent sur des éléments bien précis. Notamment, le droit à la protection contre les déchets prévu par la conférence de Stockholm (A), le droit à la préservation du climat (B).

A/ Le droit à la protection contre les déchets, prévu par la conférence de Stockholm.

Le droit de protéger les citoyens contre les pollutions des déchets dans ces deux pays, trouve sa justification dans les évènements qu’ils ont subis du fait des déchets déversés sur leur territoire respectif par des entreprises étrangères. Pour éviter tout risques de contamination et d’intoxication, les constituants des deux pays ont procédé par une consécration en vue de mieux assurer la protection des citoyens.

Au terme de l’article 28 de la constitution béninoise, « le stockage, la manipulation et l’évacuation des déchets toxiques ou polluant provenant des usines et autres unités industrielles ou artisanales installées sur le territoire national sont réglementés par la loi ». Cette disposition mérite d’être mieux éclairée. En effet, au vu de cette disposition, le constituant n’interdit pas systématiquement les déchets produits sur le territoire. Mais il donne cette opportunité aux législateurs, de fixer les modalités à la fois de stockage, de manipulation et d’évacuation.

La Constitution ivoirienne quant à elle dispose en son article 27 al 2 « le transit, l’importation ou le stockage illégal et le déversement des déchets toxiques sur le territoire national constituent des crimes ». L’on retient le caractère illégal des déchets. En effet, au terme de cet article, avant de déverser un déchet quelconque sur le territoire ivoirien, il faut d’abord acquérir le consentement ou l’autorisation de l’autorité administrative. Le constituant béninois en a fait de même.

On remarque un réel engouement de la part des constituants à faire de l’environnement, un objet qui est non seulement saisit par la constitution mais aussi, à le consacrer comme un objet protéger donc la violation est passive de sanction.

Pour assurer une ample protection, la question de déchets va faire objet de pénalisation. A cet effet, le constituant béninois lui donne la qualification de crime contre la nation. Alors, violer les dispositions constitutionnelles de l’article 27, 28, 29, constitue une infraction contre la nation béninoise. On peut comprendre par-là que le constituant béninois de manière claire fait de la lutte contre les déchets dangereux, une lutte d’intérêt générale

B/ Le droit à la préservation du climat.

La politique climatique des états consiste à amener leurs activités sans que celles-ci ne puissent porter atteinte à l’environnement. Le jeu de collaboration devient le moyen par excellent en vue de la réalisation d’un tel projet. L’environnement en lui-même, étant considéré comme un bien solidaire, mérite toute protection idoine et nécessaire. L’engagement des états face à la préservation du climat est nécessaire. Il est admis en doctrine que le préambule de la constitution a la même valeur juridique que le corpus. Le constituant ivoirien affirme dans le préambule, « l’engagement à (…) contribuer à la préservation du climat ».

Cette impératif démontre l’engagement de l’État à lutter contre le changement climatique. L’impératif de préservation ou de conservation apparaît également dans les dispositions constitutionnelles des deux pays, à travers la nécessité de création par le législateur des zones protégées ou à accès réglementé. A cet effet, l’article 98 de la constitution du Bénin énonce que « la loi détermine les principes fondamentaux de la protection de l’environnement et de la conservation des ressources naturelles ».

Le constituant donne toute la latitude aux législateurs pour légiférer en vue de produire des textes en matière environnementale et lutter contre le changement climatique.

Bibliographie.

Article.
- Hounaké Kossivi, « Bénin, Côte d’Ivoire, Togo. Analyse croisée », Annuaire international de justice constitutionnelle, 35- 2019, 2020. Constitution et environnement- La justice prédictive. p. 539-546.
- Prieur Michel, « L’environnement entre dans la constitution », Petite affiche, - n°134 - p. 14.
- Born Charles-Hubert et Haumont Francis, « Le droit à la protection d’un environnement sain », In : Marc Verdussen et Nicolas Bonbled (dir.), Les droits constitutionnels en Belgique - Les enseignements jurisprudentiels de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, bruylant : Bruxelles 2011. p. 1415-1471.

Thèses.
Sani Abdoulkarim, Les enjeux contemporains de la protection de l’environnement au Niger, thèse pour obtenir le grade de docteur en Droit Public à l’Université de Bordeau, Soutenue le 19 décembre 2014, p. 477.

Textes de loi (international).
- La conférence de Stockolm, 5-16 juin 1972.

Textes de loi (national).
- La Constitution béninoise du 10 décembre 1990.
- La Constitution ivoirienne du 08 Novembre 2016 modifiée par la Loi constitutionnelle N°2020-348 du 19 mars 2020.
- La loi N°98-030 Du février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement en république du Bénin.

Document de cours.
- Ott-Duclaux-Monteil Cécile, concept de développement durable, Module1. p.12.

Webographie.
- Gauthier, Mario « Urbanisme et développement durable. Environnement Urbain / Urban Environnent », 3, 0-0 [1].

Didier Dethi Zamblé Gourène,
Etudiant à l’Universite Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo, membre actif de l’ONG Allo Juriste Communauté Section Korhogo

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Notes de l'article:

[1Tiré sur le site, https://doi.org/10.7202/037596ar. Consulté le 14/06/2023 à 11h47.

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