Le recouvrement de créances en Italie : juridiction italienne et procédure (II), par Antonio Braggion, Avocat.

Antonio Braggion, avocat au Barreau de Milan
brglaw chez iol.it
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Explorer : # recouvrement de créances # juridiction internationale # vente de marchandises # procédure judiciaire

L’injonction de paiement en Italie peut être utilisée, soit par les créanciers étrangers pour recouvrer leurs créances en Italie (voir cet article), soit par les créanciers italiens contre leurs débiteurs étrangers.
Ce nouvel article vous présente la procédure utilisée pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger. Une distinction doit être faite selon que le défendeur est résident de l’Union européenne (UE), de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE), ou d’un pays extra-européen.

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La procédure nationale peut être utilisée par un créancier italien pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger.

Dans ce cas-là, le délai pour payer ou pour notifier une opposition contre l’injonction est de 50 jours, pour les résidents dans l’Union Européenne, et de 60 jours pour les résidents au dehors de l’UE.

Il faut donc examiner quand les tribunaux italiens ont juridiction contre un débiteur étranger. L’analyse sera limitée aux contrats de vente de marchandises (vendeur italien - acheteur étranger). Une distinction doit être faite selon que l’acheteur est résident dans un pays de l’UE ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE), ou dans un pays extra-européen.

1. Utilisation de la procédure pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger, résident de l’UE ou de l’AELE.

En ce qui concerne un acheteur qui est résident dans un pays de l’Union européenne, la juridiction italienne est compétente d’après les critères prévus par le Règlement du Conseil (CE) de 22 Décembre 2000 n° 44/2001 sur la juridiction internationale et la reconnaissance des jugements en matière civile et commerciale, qui a remplacé, depuis le 1er mars 2002, la Convention de Bruxelles de 1968.

Le Règlement prévoit la possibilité d’introduire une procédure contre une personne domiciliée dans un État Membre devant les tribunaux du pays où se trouve le lieu d’exécution de l’obligation qui est l’objet de la demande, mais, au contraire de l’article 5 de la Convention de Bruxelles, a identifié a priori quel est le lieux d’exécution de l’obligation dans le cas d’un contrat de vente de marchandises.

Selon l’article 5(1)(b), première alinéa, du Règlement, le lieu est, à moins d’une disposition différente dans le contrat, le lieu où les marchandises ont été délivrées, ou auraient dû être délivrées. Cette présomption s’applique à toutes les obligations qui découlent du contrat (par exemple, à l’obligation de l’acheteur de payer le prix).

La Cour de cassation italienne, chambres réunies, dans l’arrêt du 5 octobre 2009, n° 21192, a précisé que, dans le cas d’une vente internationale de marchandises, la place de livraison est celle où les marchandises sont entrées dans la disponibilité matérielle, et pas seulement juridique, de l’acheteur.
Par conséquent, toute demande concernant l’exécution du contrat, le paiement du prix y compris, doit être introduite devant le juge de l’État de la destination finale , indépendamment du lieu où les marchandises ont été consignées au premier transporteur.

Avec cette décision la Cour a modifié sa jurisprudence précédente, d’après laquelle, dans un contrat de vente, la place de la livraison était considérée la place où les marchandises avaient été consignées au premier transporteur. Selon l’interprétation précédente, il était possible d’assigner en Italie un défendeur étranger, domicilié dans un autre état de l’UE, parce que dans la plus parte de tous cas les marchandises étaient, ou auraient dû être, remises au premier transporteur, en Italie.

La conséquence de la nouvelle jurisprudence est que, à l’égard d’un contrat de vente de marchandises, les tribunaux italiens sont incompétents vis-à-vis d’un débiteur étranger domicilié dans un autre état de l’UE, si les marchandises ont été délivrées dans cet état. Cela veut dire que, si une injonction de paiement a été prononcée dans les circonstances précitées, l’acheteur étranger pourra introduire une opposition basée sur le défaut de juridiction du juge italien, et demander la révocation de l’injonction.
Les mêmes considérations s’appliquent à l’interprétation de l’art. 5(1)(b), première alinéa, de la Convention de Lugano du 30 Octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui est en vigueur avec les pays de l’AELE (par exemple, Suisse, Islande et Norvège), puisque le contenu de cet article correspond à celui de l’article 5 du Règlement n. 44/2001, examiné auparavant.

2.Utilisation de la procédure pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger domicilié hors de l’UE ou de l’AELE.

Vis à vis un acheteur domicilié à l’extérieur de l’Union européenne ou de l’AELE, la juridiction italienne est compétente d’après les critères prévus par la Loi 31 Mai 1995 n° 218 sur la « réforme du système italien de droit international privé ».

D’après l’art. 3(2) de la Loi précitée, en ce qui concerne les matières comprises dans le champ d’application de la Convention de Bruxelles du 27 Septembre 1968 (c’est-à-dire en matière d’obligations contractuelles), la juridiction italienne est compétente, si les conditions des Sections 2, 3 et 4 du Titre II de la Convention de Bruxelles sont satisfaites, même si le pays de résidence du défendeur étranger n’a pas ratifié la Convention.

D’après l’art. 5(1) de la Convention de Bruxelles, le tribunal du lieu où l’obligation qui est l’objet de la demande a été, ou doit être, exécutée est compétent.

Le lieu d’exécution doit être déterminé d’après la loi applicable au contrat, déterminée selon le droit international privé du juge saisi de la procédure, à savoir la loi citée ci-dessus. Selon l’article 5 de la Loi 1995 n° 218, les obligations contractuelles sont réglées par la Convention de Rome du 19 juin 1980.

Puisque l’Italie a ratifié la Convention de Vienne du 11 Avril 1980 sur la Vente Internationale de Marchandises, si la loi applicable selon le droit international privé italien est la loi italienne, on devra appliquer les dispositions de cette Convention.
La Convention s’applique aussi, si le pays de résidence de l’acheteur a ratifié la Convention de Vienne : à savoir, si les parties du contrat sont domiciliées dans deux pays membres de la Convention.

D’après l’art. 57 de la Convention de Vienne, le prix doit être payé au domicile du vendeur ; par conséquent, dans le cas d’un vendeur italien, en Italie.
Les tribunaux italiens seront donc compétents à juger de la demande concernant le paiement du prix, et pourront prononcer une injonction de paiement contre un acheteur étranger.

Antonio Braggion, avocat au Barreau de Milan
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