Focus sur l'apport de LaTeX pour la rédaction de contrats. Par Louis Brulé-Naudet, Etudiant.

Focus sur l’apport de LaTeX pour la rédaction de contrats.

Par Louis Brulé-Naudet, Etudiant.

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Explorer : # latex # rédaction de contrats # professions juridiques # numérisation

Alors que la technique contractuelle orthodoxe semble davantage reposer sur l’utilisation de logiciels « wysiwyg » [1] (Microsoft Word, Pages, Open Office...), le présent travail de méthodologie a vocation de présenter une brève étude du potentiel des moteurs de composition de documents pour la pratique du droit des contrats, en particulier pour la production de ressources systématiques en droit des affaires et droit social.

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La culture institutionnelle de ce que l’on pourrait traduire comme une micro-normativité ne pose guère de questionnements quant à la sacralisation de l’écrit en tant que formalisme implicite pour une certaine qualité de contrats. En complément du caractère consensuel du droit des obligations, il en résulte qu’un nombre en constante croissance de praticiens consacre l’acte rédigé comme centrum de l’efficacité juridique moderne pour de multiples raisons. On sait désormais que linguistiquement, la pratique de l’écriture permettrait la fondamentalisation d’un rapport opératoire distinct de l’oralité entre les parties, source de qualités performatives uniques, issues de l’intégration sociologique de haut niveau du rapport d’engagements, additivement à la fonction primitive d’objet à valeur probatoire et à la capacité de diffusion des rapports d’obligations à la connaissance des tiers.

Encrée dans la pratique des institutions en tant que processus, on trouvera une définition précise de son essence au sein des apports de la loi du 13 mars 2000, tel qu’il en découle que :

« la preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ».

La numérisation des professions juridiques fait aujourd’hui consensus et la majorité des praticiens admettront que la version électronique n’est qu’une étape dans un parcours où le papier tient encore une place essentielle. Malgré l’ensemble des qualités indéniables reconnues à l’électronique, il serait en réalité bien ésotérique de ne pas considérer une véritable articulation des supports, avec pour objet élémentaire l’immutabilité et l’intégrité de l’acte documentaire.

Synthétiquement, LaTeX est un langage et un système de composition de documents. Il s’agit d’une collection de macro-commandes destinées à faciliter le processus de création documentaire par la conformité automatique à des normes typographiques spécifiques et modulables. La spécificité de LaTeX repose dans le principe de séparation du fond et de la forme. Il encourage le rédacteur à se concentrer sur la structure logique et le contenu de son document, tandis que sa mise en page (pagination, césure des mots, alinéas, insertion d’en-têtes et de pieds-de-pages) est laissée au compilateur. Pour cette raison, bien qu’il nécessite une courbe d’apprentissage supérieure à celle relative à l’utilisation des logiciels de traitement de texte traditionnels, ce dernier confère des avantages décisifs pour les professions dépendant de la fonction rédactionnelle, dont les avocats et les notaires.

Si l’on devait cristalliser les besoins exprimés par les professionnels du droit en ce qui concerne la production et la conservation de l’acte documentaire, on observerait une convergence naturelle vers un triptyque qualité-immutabilité-portabilité. Qualité, en premier lieu, dans le rendu proposé par l’outil de production et sa capacité à se présenter comme un support efficace du transfert d’informations entre les parties contractantes. Nous l’avons évoqué, le processus de composition de LaTeX repose sur une épreuve de compilation du code source, fondamentale dans la production de sortie.

La délégation du contenu au processeur de texte permet alors de disposer de meilleurs algorithmes de crénage, de césure et de justification, reposant sur le concept de minimisation de l’erreur d’affichage : par l’expérimentation de permutations successives de paramètres, les algorithmes vont permettre de déterminer les coefficients rendant la sortie la « plus agréable » possible.

En réalité, l’avenir réserve encore de grandes choses pour cet avantage, notamment du fait que les logiciels de traitement de texte de disposent pas (encore) des ressources informatiques suffisantes pour effectuer les calculs équivalents, et restent interactifs. On le comprend assez rapidement, LaTeX n’est pas destiné au grand public, son usage est d’ailleurs implicitement réservé, dans l’imaginaire collectif, aux chercheurs en mathématiques et aux éditeurs de publications scientifiques, pour une raison : le rendu proposé à la suite de la compilation d’un document .tex est professionnel. Dans le cadre d’une application à la production d’actes juridiques soumis à communication auprès de tiers ou de clients, on perçoit pourtant aisément l’intérêt d’un tel procédé. Le juriste se retrouve amené à rédiger des actes documentaires de la plus haute qualité typographique en se libérant de toutes les tâches de mise en page et de construction, lui permettant de concentrer son attention pleine sur le raisonnement de droit.

Ceci étant évoqué, on peut s’interroger sur la structure organique d’un document .tex et les conséquences que son architecture entraine en matière d’opportunités et de performances.

En d’autres termes, en quoi un document LaTeX est-il diffèrent structurellement d’un fichier destiné à une utilisation sur un logiciel de traitement de texte conventionnel ? Le point de divergence tiendrait notamment à la binarité partielle des fichiers .docx ou .doc induite par leur caractère d’extension en partie propriétaire, par rapport à la simplicité d’un document .tex.

Les formats de fichiers bureautiques ont toujours été à l’origine de problèmes de sécurité, en grande partie à cause de la richesse de leurs fonctionnalités actives, à la manière des macros, de l’inclusion d’objets OLE, ou de la fuite d’informations cachées dans les documents. Un fichier LaTeX serait quant à lui nettement plus simple dans sa composition, et se présenterait comme un fichier texte pouvant être visualisé par n’importe quel éditeur, le rendant moins vulnérable aux dommages involontaires. Cette simplicité induit en réalité une multitude d’avantages pour les professions juridiques.

Premièrement, et nous venons de le suggérer, la sécurité d’un tel type de fichier est inégalable. Il pourra alors être transféré et exploité sans risque de macrovirus, et échangé entre plusieurs intervenants en libérant la contrainte de réparation pour cause de défaillances logicielles. Portabilité, dans un second temps, induite par cette simplicité de lecture rendant le format complètement indépendant de la machine sur laquelle il est opéré.

LaTeX, contrairement aux logiciels traditionnels, est gratuit, disponible sur n’importe quel système d’exploitation, et supporte parfaitement la compilation à distance, déléguée sur une machine dédiée.

Une autre conséquence favorable au travail en collaboration : dès lors que le fichier est non binaire, la simplicité de son intégration au sein de logiciels de gestion de versions le rend hautement disponible et compatible avec un grand nombre de services externes tels que l’intégration continue ou la gestion de badges. On y trouvera ainsi une alternative aux systèmes centralisés massivement utilisés par les cabinets d’avocats contemporains, soumis à de nombreux risques inhérents à leur qualité, en particulier celui de la corruption de fichiers. Enfin, à la frontière entre la portabilité et l’immutabilité, l’argument majeur pour une systématisation du langage LaTeX réside dans le fait qu’il est un protocole backward et forward compatible.

Cette persistance permet d’exploiter un fichier indépendamment de sa date de création, sans se soucier de possibles modifications visuelles. On trouve en réalité ici une caractéristique déterminante pour l’adoption d’une telle solution : il deviendra quasiment impossible de satisfaire une situation ou des données deviennent illisibles, se dégradent, et, ou un mode de compatibilité doit être mis en œuvre afin d’espérer une récupération correcte de la mise en page ancienne. En d’autres termes : un document LaTeX est, du fait de la fixité de ses spécifications, conçu pour être lisible indéfiniment, au même titre que le format .pdf.

En somme, on remarque, dans le cadre d’une analyse croisée des besoins des professions juridiques, que l’utilisation systématique de LaTeX pourrait efficacement résoudre les diverses problématiques inhérentes aux contraintes de protection, de durabilité et de partage associées à la production d’actes documentaires. Toutefois, les conséquences des différentes propriétés structurelles du langage réservent d’autres qualités intéressantes pour la technique contractuelle, en se présentant de manière plutôt satisfaisante comme un support créatif hautement disponible pour la montée en charge.

Bien que la récupération de documents soit désormais une caractéristique de haut rang des différents logiciels de traitement de texte, il n’en reste pas moins que ces derniers font preuve de lacunes pour la gestion des actes volumineux. Du fait que LaTeX soit mature, les bogues sont en pratique négligeables et il n’existe aucun risque théorique de corruption du texte source original en considérant l’absence d’outils complexes dans un quelconque environnement intégré. L’édition d’un fichier .tex est, du fait de son ouverture, peu intensive en mémoire vive et traite nativement des documents de plusieurs centaines voire milliers de pages.

On comprend rapidement le plaisir d’écriture qui en découle pour les professionnels du droit, en particulier affairistes, travaillant parfois sur des contrats lourds et difficiles à appréhender pour des logiciels traditionnels, paroxysmiques en énergie. Cela ouvre d’autres possibilités, notamment celle d’une plus grande indépendance vis-à-vis de la sédentarité : les appareils sont amenés à conserver la charge sur une durée plus longue, facilitant ainsi le travail en déplacements ou dans des lieux auparavant inappropriés.

Additivement à cette performance relative à la gestion des documents volumineux, LaTeX a été pensé pour être évolutif en permettant la concaténation d’actes et la division d’ensembles documentaires en sous-fichiers admettant la combinaison a posteriori. Il sera alors possible de théoriser une conception dérivée de la rédaction, en séparant les différents organes composant le document final, puis en appliquant un traitement singulier pour chaque section. Il devient alors aisément envisageable de réduire de manière considérable le volume de chaque élément et leur occurrence au sein de l’éditeur de texte : une page de garde peut être insérée par le compilateur lors de la production du rendu .pdf, au même titre que les dispositions informelles n’ayant pas vocation à subir de modifications substantielles, et l’espace de travail du professionnel se trouvera visuellement allégé avec pour conséquence une focalisation de l’attention sur la réflexion juridique.

LaTeX est bénéfique pour la concentration, il est aussi hautement manipulable par un programme externe et ouvre la possibilité de mise en place de modèles à substitution de variables pour la production d’actes systématiques. Dans une logique de montée en charge du nombre de dossiers traités par l’organisation professionnelle, cette application possède un rayonnement d’amplitude : le rédacteur pourra automatiser la production de documents nominatifs, mais également leur partage, calculer des montants et les intégrer directement au sein des actes, puis les signer numériquement selon les protocoles en vigueur etc.

Prenons l’exemple d’une activité récurrente au sein des sociétés de gestion de patrimoine : l’immatriculation de sociétés civiles immobilières. L’association entre LaTeX et un langage permettant l’intégration de solutions algorithmiques offre la possibilité, reprenant les informations concernant le dépôt susvisé, de composer automatiquement la documentation exigée légalement par les greffes des tribunaux de commerce, d’envoyer une attestation de parution au journal d’annonces légales de choix du déposant, de signer numériquement les différents documents, mais également de notifier le dirigeant de la société du dépôt de sa demande, et d’inscrire au sein d’un registre, des statistiques précises permettant l’archivage et l’évaluation quantitative des dossiers.

Cet exemple simple laisse dévoiler le potentiel de l’utilisation de LaTeX par les professions juridiques, en tant que vecteur d’accroissement de la productivité horaire et outil d’éviction des fautes typographiques.

Dans une approche pédagogique, il apparaît dès lors intéressant de préciser les modalités de conception d’une telle solution intelligente de composition de documents, et de mettre en lumière la simplicité de sa conception et de son application au sein d’une équipe juridique.

Louis Brulé-Naudet, Etudiant
Recherche en droit des affaires et fiscalité, Université Paris-Dauphine

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