La réception de mails pornographiques non sollicités n'est pas une faute, par Gérard Haas, Avocat

La réception de mails pornographiques non sollicités n’est pas une faute, par Gérard Haas, Avocat

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La simple présence de fichiers pornographiques sur l’ordinateur d’un salarié ne permet pas de présumer qu’ils ont été enregistrés par ce dernier. Décryptage.

Les faits sont les suivants : Un directeur avait fait l’objet d’un licenciement pour faute grave à la suite de la découverte sur le disque dur de son ordinateur portable de 22 photographies et 3 vidéos pornographiques et zoophiles, insérées entre des fichiers professionnels.

Certes ce directeur ne contestait pas la présence de ces fichiers sur son ordinateur portable, mais affirmant sa bonne foi et il contestait les avoirs enregistrés. En effet, il ne s’agissait que de mails reçus et non sollicités contenant des images pornographiques. En outre, d’autres salariés avaient reçu, dans les mêmes conditions, les mêmes fichiers.

Toutefois, pour l’employeur insensible à ses arguments il s’agissait d’une faute puisque les mails provenaient, selon lui, d’une inscription à des sites pornographiques, sites consultés au moyen de l’ordinateur de l’entreprise et, quand bien même ces fichiers n’auraient pas eu une telle provenance, ils avaient été de toute manière nécessairement enregistrés dans un répertoire du disque dur libellé au nom du salarié.

La Cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2010 a écarté l’argument de l’employeur et approuvé la Cour d’appel d’avoir jugé « que rien ne permettait de contredire les affirmations du salarié selon lesquelles il n’avait jamais fait que recevoir des “mails” accompagnés des images litigieuses, leur présence sur l’ordinateur ne démontrant pas qu’il les ait enregistrées alors qu’au contraire plusieurs de ses collègues attestaient sans être contredits qu’ils avaient aussi été destinataires d’images pornographiques ».

« A suivre cette décision, il est probable que demain des salariés sybarites se prévaudront du caractère non-sollicité des messages pornographiques reçus pour justifier de leur présence sur leurs ordinateurs professionnels.
 »
Pour aller plus loin encore, que se passera-t-il, s’ils s’abonnent à des sites de charme depuis leur domicile ou un cybercafé en utilisant leurs adresses électroniques professionnelles, pourront-ils alors à ce titre consulter en toute impunité sur leurs ordinateurs professionnels des messages et vidéos à caractère pornographique ?

Les employeurs ont du souci à se faire. Il est urgent pour les entreprises de revoir leurs chartes internet et les conditions d’utilisation des adresses électroniques professionnelles.

Au-delà, il est nécessaire de déterminer ce qui peut être consulté, enregistré, conservé sur le poste de travail. A suivre…

Gérard HAAS

Extrait de la décision :
« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2008) que M. X..., salarié de la société H qui l’employait depuis le 6 octobre 1995, a été licencié pour faute grave par lettre du 8 avril 2004 ; Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la commission d’un fait fautif isolé peut justifier un licenciement pour faute grave ; qu’en écartant toute faute grave du salarié au motif inopérant que l’utilisation reprochée de l’ordinateur mis à sa disposition, i.e. le stockage d’images à caractère pornographique, n’aurait pas présenté un caractère habituel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-3 du code du travail
Mais attendu que l’arrêt relève que rien ne permettait de contredire les affirmations du salarié selon lesquelles il n’avait jamais fait que recevoir des “mails” accompagnés des images litigieuses, leur présence sur l’ordinateur ne démontrant pas qu’il les ait enregistrées alors qu’au contraire plusieurs de ses collègues attestaient sans être contredits qu’ils avaient aussi été destinataires d’images pornographiques, et ajoute qu’aucun des autres griefs invoqués par l’employeur n’est établi ; que la cour d’appel qui a ainsi légalement justifié sa décision n’encourt pas les griefs du moyen »

Source : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du 14 avril 2010 N° de pourvoi : 08-43258

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