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Les résidences-services séniors : obligations d’informations et prestations.

Par Marvin Beurton, Juriste.

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Explorer : # résidences-services séniors # obligations d'information # prestations de service # pratiques commerciales trompeuses

Le 12 juin 2023, à la suite d’une enquête diligentée en 2021 et 2022 auprès de résidences-services séniors (RSS), la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a révélé dans un communiqué qu’environ 40% des établissements contrôlés « n’informaient pas correctement les consommateurs sur les prestations de service proposés ». Les griefs ? Tromperie sur la nature et la qualité des prestations, communication illisible et incompréhensible des caractéristiques essentielles de certains services et présence au sein de certains contrats de clauses illicites ou abusives.
Voici donc une présentation et explication des obligations légales d’information et prestations des RSS.

-

Préalablement à la présentation d’une quelconque obligation ou prestation, il importe de définir les RSS.

A - La définition des Résidences-Services Séniors.

Une définition a été apportée par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 [1] venant ajouter un article L631-13 au Code de la construction et de l’habitation (CCH). Cet article dispose en son premier alinéa qu’une

« résidence-services est un ensemble d’habitations constitué de logements autonomes permettant aux occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables ».

Plus concrètement, ce sont des groupements de logements privatifs proposés en location ou à l’achat à des personnes âgées autonomes ou quasi-autonomes et qui leur permettent à travers de nombreuses prestations de vivre en toute indépendance, sécurité et commodité.

Cependant, d’après les résultats de la dernière enquête menée par la DGCCRF [2], certaines structures régissant ces RSS ont délivré des informations trompeuses ou mensongères sur leurs prestations de service aux résidents. Mais finalement, quelles prestations peuvent proposer ces RSS ? Par exemple, peuvent-elles proposer une prise en charge médicale à leurs résidents ?

B - Les prestations de service des Résidences-Services Séniors.

Afin de pouvoir déterminer globalement les prestations pouvant être proposées par les RSS, il faut se référer de nouveau à l’article L631-13 CCH. Il distingue deux types de services : les services non individualisables et les services individualisables.

En vertu de l’alinéa 1er, les services non individualisables « sont ceux qui bénéficient par nature à l’ensemble des occupants ». Leur nature est précisée par un décret du 14 décembre 2016 [3] qui les classe en trois catégories : l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs (ex : conciergerie), la mise à disposition d’un dispositif garantissant la sécurité des personnes et la surveillance des biens (ex : système de vidéosurveillance ou de gardiennage), et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés [4].

Quant aux services individualisables, ils sont définis par l’alinéa 2 de l’article L631-13 CCH comme des services facultatifs souscrits par les résidents auprès de prestataires pour la satisfaction de leurs besoins et désirs personnels tels qu’un service de blanchisserie ou un service d’aide à la personne afin de préserver leur autonomie. Pour ce dernier service, il est nécessaire pour la RSS souhaitant le proposer d’obtenir une autorisation du Conseil départemental avant d’exercer toute activité d’aide à domicile.

Outre ces prestations et selon la DGCCRF, certaines RSS auraient mis en avant la présence de personnels médicaux et se seraient présentées comme des établissements équipés d’infrastructures médicalisées. Or, contrairement aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et certaines résidences autonomie, les RSS ne peuvent proposer des prestations d’ordre médical car elles ne sont pas reconnues comme des établissements médico-sociaux.

De surcroît, ayant souvent le statut de copropriété, ce dernier est

« incompatible avec l’octroi de services de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne » [5].

Evidemment, si le résident a besoin d’une prise en charge médicale sans nécessité d’être hospitalisé, des soins peuvent être mis en place par des prestataires extérieurs.

Partant, si les RSS peuvent délivrer des services d’aide et d’accompagnement à domicile, elles ne peuvent en revanche se présenter comme des établissements en capacité d’offrir une prise en charge médicalisée des résidents dans sa promotion, ses documents précontractuels ou contractuels.

Le cas échéant, ces RSS encourraient une sanction pénale pour pratiques commerciales trompeuses au sens de ce que disposent les articles 121-2 et suivants du Code de la consommation (C. consom.) [6], et contreviendraient à leurs obligations d’information.

C - Les obligations d’information des Résidences-Services Séniors.

1) La non-application des dispositions du CASF.

Tout d’abord, comme l’a déjà indiqué la DGCCRF en 2021 dans une fiche pratique relative aux établissements hébergeant des personnes âgées [7], les RSS ne sont pas soumises aux dispositions du CASF (Code de l’action sociale et des familles) puisqu’elles ne sont pas considérées comme des établissements sociaux ou médico-sociaux au sens de la définition de ces derniers donnée à l’article L312-1 CASF. Partant, ne s’applique pas à ces résidences entre autres l’article 342-2 CASF exigeant qu’« un document contractuel décrivant l’ensemble des prestations qui sont offertes par l’établissement et indiquant le prix de chacune d’elles » soit joint en annexe aux contrats de séjour [8].

2) L’application des dispositions du Code civil et du Code de la consommation.

Mais, heureusement, même si les résidents de ces structures ne peuvent être protégés par les dispositions du CASF, ils le sont par celles du Code de la consommation. En effet, au regard de ce que prévoit l’article liminaire de ce code, les contrats proposés par les gérants des RSS peuvent être qualifiés de contrats de consommation en ce qu’ils sont conclus entre un consommateur - toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole [9] - et un professionnel - toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel [10].

Mais, étant avant tout un contrat, il doit satisfaire aux conditions de formation prévues par le droit commun des contrats sans lesquels l’acte contractuel n’est pas valable - capacité, consentement et contenu licite et certain - et respecter les principes directeurs tels que le devoir de bonne foi attendu de chacune des parties à tous les stades du processus contractuel, de la négociation à l’exécution en vertu de l’article 1104 du Code civil (C. civ). Il découle naturellement de ce devoir une obligation générale d’information sans laquelle il pourrait exister dans les rapports contractuels un déséquilibre entre les parties.

Cette obligation précontractuelle et contractuelle, d’abord consacrée par la jurisprudence civile, a été codifiée par l’ordonnance du 10 février 2016 à l’article 1112-1 C. civ. Cependant, même si le droit commun des contrats en matière d’information s’applique aussi aux contrats de consommation, est-il suffisamment protecteur des consommateurs ?

Eu égard au caractère trop général voire flou des critères posés par l’article 1112-1, il convient de répondre par la négative. L’écart dans le rapport contractuel entre le consommateur et le professionnel est tel qu’il est nécessaire de soumettre le contrat à des règles juridiques spéciales, en l’espèce celles prévues par le droit de la consommation. Dans ce sens, l’article L111-1 C. consom. prévoyant une obligation d’information précontractuelle s’applique aux contrats conclus entre les RSS (professionnels) et les résidents (consommateurs).

3) Les deux principales obligations d’information des RSS.

Au regard de la distinction faite par la loi elle-même entre les prestations non individualisables et les prestations individualisables, les RSS se doivent d’opérer cette distinction lorsqu’elles communiquent sur leurs prestations auprès des consommateurs afin de satisfaire leur obligation générale d’information posée par l’article L111-1 C. consom. selon lequel le professionnel doit communiquer au consommateur de façon lisible et compréhensible les informations relatives aux caractéristiques essentielles du produit ou du service, à son prix, etc.

S’agissant des caractéristiques essentielles du service, l’information doit porter sur sa nature, sa qualité ou son mode de fonctionnement. Cependant, la loi ne donne pas de listes exhaustives de ces caractéristiques car elles dépendent des contrats. De plus, en vertu de l’article précité et de l’article L112-1 C. consom., le professionnel doit donner une information sur le prix du bien et de l’exécution des services proposés qui puisse permettre au consommateur de connaître le prix à payer avant de s’engager contractuellement, de manière transparente et la plus complète possible surtout dans l’hypothèse où le contrat propose plusieurs prestations. Ce faisant, chacune des prestations proposées par une RSS doit figurer clairement avec son prix indiqué de manière détaillée.

4) Sanctions au non-respect du devoir d’information.

Si les RSS ne satisfont pas à leurs obligations d’information, plusieurs sanctions sont envisageables dont celles fondées sur les pratiques commerciales trompeuses déjà étudiées précédemment. Tout d’abord, s’il y a non-respect de l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L111-1 C. consom., la RSS contrevenante peut être sanctionnée d’une amende administrative ne pouvant excéder 15 000 euros (pour une personne morale) [11]. De surcroît, il est envisageable que la nullité d’un contrat conclu dans le non-respect de cette obligation d’information soit prononcée.

Enfin, il faut préciser qu’en vertu de l’obligation incombant au professionnel de présenter au consommateur les clauses du contrat de façon claire et compréhensible, ces dernières sont interprétées dans un sens plus favorable au consommateur si elles sont obscures ou sèment le trouble [12].

Marvin Beurton, Juriste.

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Notes de l'article:

[1Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

[3Décret n° 2016-1737 du 14 décembre 2016 déterminant les catégories de services spécifiques non individualisables pouvant bénéficier aux occupants des résidences-services prévue à l’article L631-13 du code de la construction et de l’habitation.

[4V. art. 1er dudit décret ou art. D631-27 CCH.

[5Art. 41-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis

[6V. art. 132-3 C. pén.

[8Néanmoins, il faut noter que certaines RSS affirment sur leur site Internet qu’elles sont soumises aux dispositions du CASF, notamment les articles L342-2 et suiv., puisqu’elles sont des établissements ou des structures accueillant des personnes âgées au sens de l’article L312-1 6° CASF. Ceci sème la confusion sur la question de l’application des dispositions du CASF aux RSS puisqu’en parallèle des informations communiquées par certaines de ces RSS sur leur site, il est possible aussi de lire sur le site du Ministère de l’économie et des finances que les dispositions du CASF ne s’appliquent pas aux RSS. En outre, dans une réponse apportée en séance publique au Sénat en 2006, un ancien ministre de la santé et des solidarités affirme que "ces prestations sont destinées à faciliter la vie quotidienne, la convivialité, ainsi que la sécurité des personnes et des biens. Ces résidences avec services ne peuvent donc pas être assimilées aux établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées, relevant de l’article L312-1-6° du code de l’action sociale et des familles".

[9Art. lim. 1° C. consom.

[10Art. lim. 3° C. consom.

[11V. art. 131-1 C. consom.

[12V. art. 211-1 C. consom.

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