Au sommaire de cet article...
- 1) Vers 600 av. J.-C. : la Terre promise dans la Torah.
- 2) 1880 : naissance du sionisme.
- 3) 1896 : publication de L’État juif.
- 4) 1917 : la déclaration Balfour.
- 5) 1920 : le mandat britannique.
- 6) 1945 : la Shoah.
- 7) 22 juillet 1946 : attentat de l’hôtel King David.
- 8) 29 novembre 1947 : le plan de partage de l’ONU.
- 9) 14 mai 1948 : proclamation de l’État d’Israël.
- 10) 1949 : l’édification de l’État.
1) Vers 600 av. J.-C. : la Terre promise dans la Torah.
La Bible hébraïque, la Torah, écrite entre 640 et 609 av. J.-C., raconte l’histoire de la famille d’Abraham. À ce dernier, Dieu promet une descendance nombreuse et dit un jour :
« Et Je donnerai à toi et à ta postérité la terre de tes pérégrinations, toute la terre de Canaan, comme possession indéfinie » (Genèse 17:8). Rappelons que la Torah est le livre sacré du judaïsme. Qu’elle est aussi la première partie de la Bible hébraïque qui évoque le parcours du peuple hébreu, depuis la création du monde par Yahvé jusqu’à la mort de Moïse avant l’entrée en Canaan (d’après la Bible hébraïque, la terre que Yahvé a donné à Abraham et à ses descendants pour qu’ils y mettent en pratique leurs conceptions religieuses et servent d’exemple aux autres peuples). Et dès lors le but ultime du judaïsme c’est de posséder cette terre, d’y vivre et de la faire fructifier.
Canaan était le nom d’un ancien pays vaste et prospère (parfois indépendant, parfois tributaire de l’Égypte) situé dans la région du Levant, actuellement du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et d’Israël. Il était également connu sous le nom de Phénicie. Très tôt il y eut des conflits territoriaux et surtout religieux dans ce secteur.
2) 1880 : naissance du sionisme.
Le sionisme est mouvement politique et religieux qui tire son nom de Sion, l’ancienne citadelle de Jérusalem. Il apparaît dans les années 1880. Le contexte y est favorable : des communautés juives sont persécutées en Europe de l’Est tandis que l’idée nationale pénètre massivement les esprits en Europe. Ce mouvement, qui prend vite de l’ampleur, a pour but de fonder un foyer national regroupant les Juifs de la Diaspora (dispersion) en Palestine. En 1882, un premier groupe sioniste, « Les Amants de Sion », est créé à Saint-Pétersbourg et c’est de Russie (où il y a une des plus importantes communautés juives au monde) que part la première vague d’immigration vers la Palestine. Le terme « sionisme » est inventé en 1886 par un philosophe et journaliste autrichien, de confession juive, Nathan Birnbaum. Le sionisme devient donc un mouvement national d’une partie du peuple juif visant à la formation d’un foyer national juif, et à l’autodétermination du peuple juif en Terre d’Israël, correspondant à peu près à Canaan, à la Terre sainte, ou à la région de Palestine.
3) 1896 : publication de L’État juif.
Témoin de la montée de l’antisémitisme en France, qui culmine avec la condamnation de l’affaire Dreyfus en 1894, le journaliste et publiciste austro-hongrois Theodor Herzl publie "L’État des juifs : essai d’une solution moderne à la question juive" en 1896. Il est le premier et principal théoricien de la question. Dans son ouvrage il met en place l’idée d’un État national pour les juifs de plus en plus confrontés à des actes antisémites.
L’année suivante, il réunit le premier Congrès sioniste à Bâle, en Suisse, et fonde une Organisation sioniste dont il devient le premier président. La population juive passe de 50.000 à 85.000 personnes à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette organisation prend le nom d’Organisation sioniste mondiale en 1960. Son siège est à Jérusalem.
Lorsque l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914, les Juifs allemands et français s’engagent sans réserve dans ce premier conflit mondial. Ainsi plus de 96 000 juifs allemands sont mobilisés (alors que la communauté juive mondiale est alors estimée à environ 500 000 personnes). C’est dans ce contexte que les Juifs deviennent très vite, en Allemagne, les responsables de tous les maux auxquels doit faire face ce pays en voie d’être défait. L’antisémitisme est alors grandissant et sera un terreau fertile qu’Hitler, bien sûr, ne manquera pas d’utiliser.
4) 1917 : la déclaration Balfour.
En 1917, la conquête britannique met fin à quatre siècles de domination ottomane en Palestine. Le 2 novembre, le ministre des Affaires étrangères, Lord Balfour, sur la base d’une brève lettre ouverte, se prononce en faveur de la création d’un foyer national juif. Cette missive est adressée à Lionel Walter Rothschild, personnalité fortunée et influente de la communauté juive britannique et principal financier du mouvement sioniste. Il s’engage à « employer tous ses efforts pour faciliter la réalisation » du projet sioniste. Avec cette « déclaration Balfour », se dessine la perspective d’un État pour les Juifs. Assez vite les réactions du monde arabe sont dans l’ensemble assez défavorables.
Il va dorénavant falloir traduire cette déclaration dans les faits. Les britanniques vont en être, avec les juifs, les principaux acteurs.
5) 1920 : le mandat britannique.
En 1919 s’est tenue la conférence de Paris. Les britanniques, les français et, à un degré moindre, les américains, y ont joué un rôle majeur. La conférence de paix reçut de nombreuses délégations (arabe, sioniste, arménienne, kurde...) qui viennent exposer leurs revendications. Le projet sioniste est présenté par Weizmann (proche de Herzel), l’homme qui a obtenu la déclaration Balfour. La carte précise la revendication sioniste : elle concerne toute une partie de la Palestine jusqu’à la ligne de chemin de fer qui va vers le Hedjaz, c’est-à-dire vers l’Arabie et inclut au nord les sources aquifères et toutes les réserves d’eau de ce qui sera le Liban. Le contrôle des fleuves est une revendication majeure des sionistes. Aucun accord officiel n’est trouvé car les revendications sont dans l’ensemble contradictoires et antinomiques.
En 1920, s’ouvre à San Remo, une nouvelle conférence des vainqueurs de la guerre pour trancher notamment sur l’administration du territoire palestinien. Mais l’autre enjeu clef de cette conférence est aussi la répartition, entre les vainqueurs de la guerre mondiale, de l’exploitation des importantes ressources pétrolières (industrie énergétique alors naissante) de la région.
La Conférence décide alors de placer la Palestine et la Mésopotamie (l’équivalent de l’Irak du début du XXIe siècle) sous un mandat du gouvernement britannique. La SDN validera. Cela ne fait (déjà) pas l’unanimité en terres arabes.
Sous domination britannique, les vagues d’émigrations, principalement de Russie, de Pologne et d’Allemagne, se poursuivent. Les colons juifs mettent en place des structures étatiques : une armée juive, une radio nationale, une université hébraïque, un système de santé, etc. Déjà, nationalismes juif et arabe s’affrontent. Majoritaires sur le territoire, les Arabes dénoncent l’immigration juive de plus en plus importante. De facto des frictions aigües vont éclater entre les communautés. Et c’est là, et essentiellement là, la Genèse de tous les problèmes qui perdurent actuellement dans cette région.
6) 1945 : la Shoah.
Il est clair que le sionisme préexiste aux atrocités commises par le régime nazi d’Hitler. Dans Mein Kampf publié en 1925, l’auteur y décrit sans ambages sa haine du juif à qui il attribue une grande partie des problèmes allemands. Une fois arrivé au pouvoir, il va donc mettre à exécution un programme d’élimination des juifs (5.750.000 morts au total selon Martin Gilbert in Atlas de la Shoa).
Avec le recul du temps, il est évident que la Shoah peut être vue comme un accélérateur du processus de création d’un État juif. Ce crime de masse - l’extermination planifiée d’environ 6 millions de Juifs pour la seule raison qu’ils étaient Juifs - ne peut pas être ignoré dans l’histoire de la naissance d’Israël. Quelques 300.000 rescapés retournent, légitimement, sur les terres de leurs ancêtres après la Seconde Guerre mondiale. Ilan Greilsammer dans Le sionisme (Que sais-je ? PUF) montre que pendant deux à trois années, la tâche primordiale du sionisme fut de faire venir, envers et contre tout, et malgré la résistance des Anglais, le maximum de rescapés de la Shoah en Palestine. Cette phase héroïque, 1945-1947, est appelée l’« immigration B », ou encore l’« immigration illégale ». Pour Elie Barnavi finalement la Shoa parachevait l’idée sioniste auparavant minoritaire, même au sein du peuple juif. Mais après, c’est devenu une espèce d’évidence pour que cela ne se produise plus. Donc, oui, il y a un lien fort, évident et direct entre la Shoah et la création de l’État d’Israël [1]. Nonobstant la diaspora juive mondiale dont la solidarité n’est plus à démontrer (15 millions de personnes dans le monde dont environ 6 millions aux USA dont environ 1,5 millions à New-York), l’Etat d’Israël compte presque 10 Millions d’habitants.
7) 22 juillet 1946 : attentat de l’hôtel King David.
Le 22 juillet 1946, une attaque à la bombe menée par l’organisation extrémiste juive Irgoun, qui combat la présence anglaise en Palestine, vise les bureaux des autorités britanniques à l’Hôtel King David. Le bilan est très lourd : 91 morts et 46 blessés. Le principal objectif de l’attentat était de détruire des documents incriminant l’Agence juive dans des attaques contre les Britanniques, obtenus lors de l’opération Agatha, une série de raids menés par les autorités du Mandat. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière dirigée contre les Britanniques pendant la période de ce dernier (1920-1948). Un certain nombre de pays arabes saluent cet attentat.
Dès lors si le gouvernement britannique annonce poursuivre sa politique pro-arabe, il ne commence pas moins à envisager de plus en plus sérieusement son retrait de Palestine.
8) 29 novembre 1947 : le plan de partage de l’ONU.
La situation en Palestine est devenue tout à fait ingérable pour les Britanniques qui cherchent de l’aide auprès de l’Organisation des Nations Unies. L’ONU adopte un plan de partage de la Palestine en deux États indépendants, un juif et un arabe. Jérusalem est placée sous régime international. Mais ce partage est assez inégal et tient peu compte des réalités locales. Il va assez vite dégénérer. Ainsi la très grande majorité des Arabes palestiniens et des États arabes sont opposés à ce plan qu’ils trouvent injuste car allant à l’encontre de la volonté des populations locales exposée depuis 1920. Depuis cette date ils réclamaient la fin de l’immigration juive et l’indépendance de la Palestine. Ils jugent également la partition illégale car allant à l’encontre du Livre blanc britannique de 1939. Ils craignent enfin que les sionistes ne chassent les populations arabes, le projet ne pouvant s’accommoder d’une minorité arabe trop importante dans un État juif. Les braises sont ainsi allumées.
Du côté des juifs (sauf pour les extrémistes de l’Irgoun) le plan est bien accueilli puisque largement favorable à leurs intérêts. Bien que conscients des menaces qui pèsent sur sa mise en place, les juifs voient l’établissement d’un État juif soutenu par la légitimité d’une reconnaissance internationale comme une avancée majeure dans le projet sioniste. Des velléités d’expansionnisme existent déjà.
La conséquence immédiate de ce partage, trop ignorant des réalités civilisationnelles et religieuses, est le déclenchement de la guerre civile de 1947-1948 en Palestine mandataire. Selon les chiffres des Britanniques, 1 067 Arabes, 769 Juifs et 123 Britanniques ont été tués au 9 janvier 1948, dont 50 chaque jour à Jérusalem. Estimant avoir gagné, Israël annonce vouloir ancrer et augmenter son territoire.
9) 14 mai 1948 : proclamation de l’État d’Israël.
Le 14 mai, jour de la fin du mandat britannique sur la Palestine, David Ben Gourion, président du Conseil national juif, proclame l’indépendance de l’État d’Israël dans une déclaration depuis le musée de Tel Aviv, en présence des représentants des mouvements sionistes. Le nouvel État se fonde sur la « loi du Retour », c’est-à-dire que tout juif du monde entier a le droit de s’installer dans le pays. Les Arabes, qui occupent majoritairement le territoire (1,2 million face à 650.000 juifs en 1948), ne supportent pas cet affront. C’est sans surprise que la première guerre israélo-arabe éclate dès le lendemain qui va en préfigurer d’autres jusqu’à nos jours. Concrètement elle aboutit à la création d’une ligne de démarcation entre Israël et la Palestine, en vigueur jusqu’en 1967. On constate donc que, contrairement à ce qu’a dit, même s’il s’en défend, le président Macron, Israël a été créé en mai 1948 par la proclamation Ben Gourion suite au partage d’un territoire entre deux états qui préexistaient par l’ONU. On ne peut que constater qu’Israël a donc toute une histoire en tant que territoire bien défini. Au-delà des discours et des polémiques, les faits sont là, « têtus » comme l’on dit.
10) 1949 : l’édification de l’État.
Une fois cette première guerre terminée, Israël peut enfin se consacrer à mettre en place les structures de l’État tant attendu par le peuple juif. Des élections nationales sont organisées le 25 janvier 1949 (près de 85% des électeurs y participent) et aboutissent à la création de la première Knesset (Parlement) de 120 sièges. David Ben Gourion, qui a mené Israël a l’indépendance, accède au poste de Premier ministre et Chaïm Weizmann, chef de l’Organisation sioniste mondiale, est élu président de l’État par la Knesset. Le 11 mai 1949, Israël devient le 59ᵉ membre de l’Organisation des Nations Unies. Le 14 décembre suivant, la capitale est transférée à Jérusalem. La boucle est pour ainsi dire bouclée mais les prémices de conflits sont aussi posés.
Par la suite l’histoire israélienne est marquée par les conflits avec certains de ses voisins directs (Egypte notamment) mais aussi par ceux avec le Hamas et le Hezbollah voire l’Iran. Ce qui se passe depuis le 7 octobre 2023 en est la preuve la plus dramatique. C’est aussi le dernier épisode sanglant d’un siècle d’affrontements dans la région. Israël semble à la poursuite d’une impossible victoire définitive. Et la Palestine veut survivre. Le problème c’est que la sécurité du monde en dépend en grande partie. Une paix est nécessaire. Mais sur quelle base ? Le débat central tourne autour de deux ou un état.? Avec JP Filiu on doit constater, avec les règles posées voici des décennies, "Comment la Palestine fut perdue : et pourquoi Israël n’a pas gagné" (Seuil, 2024).