Abtract.
The application of competition law to digital platforms poses a major challenge in the current economic landscape. Designed to apply to the traditional economy, competition law struggles to adapt to the virtual economy. However, platforms are key players in the digital economy. Their status as intermediaries rather than autonomous economic actors complicates the assessment of practices according to traditional standards.
It is complex to determine the online market due to the evasive nature of platform products and services. Traditional criteria such as the geographical market do not effectively apply in the digital context where boundaries are nonexistent. Furthermore, assessing the market power of platforms relies more on data accumulation and exploitation than on revenue. This ambiguity surrounding the criteria can complicate the identification of anticompetitive practices by these actors. It is therefore essential to review and adapt existinlegal frameworks to better understand the reality of digital platforms and ensure fair competition.
Introduction.
La problématique de l’application du droit de la concurrence aux plateformes numériques se situe au cœur des préoccupations actuelles en raison de l’essor rapide de ces acteurs dans l’économie mondiale et de leur impact sur la concurrence et l’innovation. En effet, ces acteurs nouveaux connaissent une croissance spectaculaire ces dernières années, devenant des acteurs incontournables dans de nombreux secteurs économiques. En raison de leur taille et de leur portée mondiale, les plateformes numériques s’imposent dans la sphère économique numérique entrainant des changements notables dans la pratique de la concurrence, ce qui soulève des préoccupations en matière de pratiques anticoncurrentielles. Avec leurs modèles d’affaires, les plateformes numériques semblent échapper aux réglementations traditionnelles en matière de concurrence en raison de leur nature transfrontalière, de la complexité de leurs activités et de la rapidité de leur évolution. Pourtant la concurrence est un facteur essentiel dans le développement de l’activité économique. La concurrence s’appuie sur le principe de la liberté dans la recherche et la conservation de la clientèle. Elle est fondée également sur l’idée d’autonomie. Les entreprises doivent donc se rivaliser sans fausser les règles de jeu établies. La promotion de nouvelles technologies de l’information et de la communication est un phénomène général. Pourtant elle pose des questions nouvelles tant dans le domaine juridique qu’économique. L’économie digitale et le développement des plateformes numériques ont certes apporté des bienfaits considérables à la société, en offrant notamment des opportunités inédites aux entreprises, comme s’affranchir de la distance géographique. Cependant, précise Anne Pivot et Marc : « ces bienfaits ne sont pas sans contreparties ». On reproche ainsi aux géants du numérique de fragiliser les activités traditionnelles et de déplacer les chaînes de valeur dans le domaine de la création. Plus encore, beaucoup s’inquiètent aujourd’hui des effets néfastes du pouvoir de marché de ces géants, rendant difficile l’émergence d’une concurrence potentielle ». La régulation des plateformes numériques pose divers défis juridiques en raison de leur nature complexe et de leur impact sur les marchés notamment la définition des marchés pertinents, et la détermination de leur pouvoir de marché. Face à un droit de la concurrence plus adapté à l’économie classique, il y a lieu de poser la problématique de son application aux plateformes numériques.
Pour mieux faire comprendre les enjeux de la thématique, il est important de procéder à la clarification des termes notamment « la plateforme », « numérique », plateforme numérique » et « droit de la concurrence ».
La plateforme désigne alors, de façon très large, l’acteur ou le lieu de la mise en relation technique entre des agences hétérogènes. Cette définition est corroborée par la doctrine qui l’appréhende comme un espace virtuel délimité au sein duquel des personnes se mettent en relation et peuvent échanger. De cette définition, il ressort que la plateforme a davantage un rôle d’intermédiaire c’est-à-dire, celui de mettre en relation les offreurs et les demandeurs de biens et services. Pris dans le sens numérique, la plateforme numérique se définit comme une interface dématérialisée qui facilite la rencontre entre l’offre et la demande. Encore appelée plateforme digitale, elle met en relation les producteurs et les consommateurs. La plateforme ne produit pas elle-même les biens et services qu’elle présente. C’est un intermédiaire qui anime la vie sur le net et offre aux différents acteurs du marché la possibilité de réaliser ses objectifs. En revanche, le droit de la concurrence regroupe l’ensemble des règles applicables aux activités des entreprises en compétition sur un marché. Ce corps de règles a été conçu pour encadrer la compétition entre les acteurs de l’économie classique. Il faut préciser que le droit de la concurrence a été initialement conçu pour encadrer les marchés économiques traditionnels caractérisés par la présence d’entreprises distinctes opérant dans des secteurs bien délimités. Son objectif principal était de promouvoir une concurrence saine en empêchant les pratiques anticoncurrentielles telles que les ententes illicites, les abus de position dominante et les fusions/acquisitions excessives qui pourraient nuire à la concurrence et aux consommateurs. Le droit de la concurrence ne peut logiquement demeurer étranger en cette montée en puissance des plateformes numériques notamment leur impact sur la compétitivité économique. L’application du droit de la concurrence à la plateforme numérique n’est pas sans difficulté au regard de son statut, son modèle économique, et les difficultés de circonscrire son champ d’action.
Elles agissent pour ainsi dire qu’en simple intermédiaire mettant en contact différents acteurs, et s’exonèrent ainsi des responsabilités et contraintes. La liberté accordée aux plateformes, explique en partie leur important développement.
L’objectif du droit de la concurrence étant de préserver la concurrence entre les acteurs économiques, dans la mesure où, dans une économie supposée se réguler par le jeu de l’offre et de la demande, la concurrence entre offreurs et entre demandeurs est nécessaire à une allocation optimale des ressources. Les plateformes numériques au regard de ses caractéristiques remettent en cause la portée de ces indicateurs. Les ententes et pratiques coordonnées mises en place par les algorithmes permettent de démontrer cette difficulté. Ceci amène à se demander ce qui fait la singularité des plateformes rendant le droit de la concurrence applicable en l’état. Il faut noter que la recherche des solutions pour un meilleur encadrement des activités du numérique préoccupe au plus haut point le législateur, les professionnels du métier et les chercheurs engagés dans les travaux sur le numérique. Poursuivant cet intérêt, notre analyse des textes et d’autres de doctrine, et de la jurisprudence, nous permet de constater que le droit de concurrence classique est difficilement transposable aux plateformes en l’état. Il sera donc démontré que l’activité des plateformes entraine la défaillance des principes fondamentaux de la concurrence de définition du marché en cause (I) ainsi que les éléments de détermination du pouvoir de marché (II).
I- L’inapplication des critères de détermination du marché en cause aux plateformes.
Le premier défi posé par les plateformes numériques au droit de la concurrence est la détermination du marché sur lequel ils exercent. En effet, pour apprécier les pratiques qui se jouent entre les acteurs économiques, le droit de la concurrence s’appuie sur le marché en cause. Cette notion renvoie à une double réalité. Leur détermination est un préalable pour l’application des règles de la concurrence Les plateformes numériques ont un modèle économique particulier qui peut présenter des difficultés supplémentaires pour la détection des pratiques anticoncurrentielles. L’analyse des pratiques anticoncurrentielles par les autorités est plus difficile dans le cadre de l’économie numérique dans la mesure où les plateformes numériques remettent en cause certains concepts qui « sous-tendent l’application du droit de la concurrence notamment celui de marché ». Cette imprécision du marché en cause dans le contexte du numérique est lié à l’application des critères statiques à une réalité qui se veut dynamique. Cette difficulté se traduit par un marché dynamique des produits et services proposé par les plateformes (A) mais aussi la difficile circonscription de la cadre d’exercice (B).
A) Difficile circonscription d’un marché de biens et services.
Aussi bien en droit communautaire que national, la détermination du marché en cause renvoie dans un premier temps à la détermination des biens et services en cause.
La nature complexe des plateformes numériques rend difficile l’application des critères traditionnels de définition du marché, conduisant à des défis spécifiques dans l’évaluation de la concurrence sur ces plateformes modernes. Les plateformes numériques offrent généralement une multitude de services interconnectés, ce qui complique la délimitation des marchés distincts. Les effets de réseau renforcent cette complexité en créant des boucles d’interactions qui transcendent les frontières traditionnelles du marché, rendant ardue la définition du marché sur ces plateformes. L’écosystème des plateformes numériques est caractérisé par une innovation rapide et une évolution constante des services offerts. Les critères statiques de définition du marché peuvent ne pas saisir correctement cette dynamique, entraînant des difficultés pour les autorités de la concurrence à identifier et à réguler efficacement les marchés pertinents. Il convient de noter que les critères de détermination du marché des produits et services est inopérant (1) ceci à cause du caractère multiface du marché des plateformes (2).
1- Le caractère inopérant du marché des biens et services.
Pour l’autorité de la concurrence, le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. C’est selon la commission européenne : « un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leur caractéristique, de leur prix, et l’usage auxquels ils sont destinés ».
la délimitation du marché en cause nécessite de choisir au préalable la ou les caractéristiques du produit pertinent.
a) Des produits atypiques proposés par les plateformes numériques.
La détermination préalable du marché des produits en cause conditionne l’application des règles de la concurrence. En effet, les produits et services que le consommateur considère comme interchangeables et substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés appartiennent au même marché. Pourtant les plateformes qui se démarquent des entreprises classiques offrent des biens et services difficilement substituables et interchangeables. Le modèle d’approche est sophistiqué. Ainsi, plus il y a d’acteurs d’un côté du marché l’autre côté devient de plus en plus attrayant. Les plateformes développent aussi les techniques d’effet de réseau. On retrouve cette notion dans plusieurs secteurs tels que la téléphonie mobile, les réseaux sociaux et autres technologies liées aux NTIC. Concrètement, l’effet de réseau présente un avantage stratégique pour les sociétés qui ont déjà établi leur offre au regard d’une concurrence qui souhaite s’intégrer sur un secteur de marché donné. Dans certains cas de figure, on parle éventuellement de réseaux d’utilisateurs. En effet, le réseau touche différents secteurs et plus particulièrement le domaine du numérique. Comme évoqué précédemment, le modèle de fonctionnement des réseaux sociaux se base sur ce phénomène. Pour des perspectives économiques viables, ce type de service intègre des publicités et du sponsoring. Cela tient également à la collecte de données personnelles avec le consentement des utilisateurs. Leur nombre est donc un argument viable pour justifier l’estimation de la valeur, car le service implique une plus grande visibilité pour les partenaires et les annonceurs. Les plateformes bifaces jouent un rôle central en reliant les utilisateurs d’un côté et les fournisseurs de biens ou services de l’autre. Elles facilitent les échanges et les transactions entre ces deux groupes, créant ainsi une dynamique particulière où la présence et les actions des utilisateurs influencent directement l’attrait et la participation des fournisseurs, et vice versa.
Cette interdépendance entre les deux composantes du marché biface rend l’analyse de la concurrence plus complexe.
b) L’intérêt d’une définition extensive du marché des biens et services.
Face à l’ambiguïté dans la détermination du marché des produits et services des plateformes pour des raisons sus évoquées et rendent difficiles les règles de la concurrence, la définition extensive du marché peut favoriser cette adaptation.
Tout de même, il est difficile de circonscrire l’espace géographique sur lequel évoluent les plateformes.
2- La prise en compte du caractère du marché des plateformes.
Le marché des plateformes a la particularité d’avoir plusieurs faces. Il peut être biface ou multiface.
a) Le cas du marché biface.
Le marché classique se définit « comme le lieu où se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique » et cette rencontre aboutit à la fixation des prix. Le marché biface, lui se définit comme un lieu ou par l’intermédiaire de plateforme numérique se rencontrent les produits ou les services proposés simultanément aux deux catégories d’utilisateurs. Cela signifie que les plateformes numériques fonctionnent à la fois sur les demandeurs et sur les offreurs des biens et services situés de deux côtés de plateforme de manière simultanée.
b) Le cas du marché multiface.
Dans l’ouvrage « En attendant les robots, enquête sur le travail du clic » (Seuil, 2019), le sociologue Antonio A. Casilli définit les plateformes multifaces comme des « mécanismes multifaces de coordination algorithmique qui mettraient en relation diverses catégories d’usagers produisant de la valeur ». Ces plateformes ont envahi notre quotidien (Uber, Airbnb, Amazon, etc.) et véhiculent l’idée d’une nouvelle logique transactionnelle reposant sur des prix ajustés en temps réel entre l’offre et la demande, la réduction des coûts de transaction et l’analyse d’un très important volume de data souvent issue des données personnelles des utilisateurs. La commission européenne a rendu une décision le 08 décembre 2010 qui permet de donner plus de précision sur un marché multiface. Dans cette décision la commission distingue le marché d’amont et le marché d’aval comme des marchés indépendants. L’apparition d’un marché biface n’est donc possible que si les offreurs et les demandeurs des biens ou des services sont des entités indépendantes, qu’en est-il du cadre géographique des activités des plateformes.
B) L’absence de cantonnement géographique des activités des plateformes numériques.
Les plateformes numériques exercent leurs activités exclusivement en ligne. Ceci a comme principale conséquence l’absence de frontière et par ricochet la négation d’un marché géographique. Pourtant, La notion du marché géographique en cause a une double fonction : une première fonction qui consiste à déterminer le territoire à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence et une seconde fonction qui sert de critère de rattachement au droit national ou communautaire. Par définition, un marché géographique est « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre de biens et de services en cause sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ». Parlant de champ d’action, le droit de la concurrence s’applique aux entreprises, principal sujet de la concurrence. Plusieurs textes de loi encadrent cette discipline aussi bien sur le plan national qu’international. Pour le cas du Cameroun, le droit antitrust est organisé par la loi no98/013du 14 juillet 2018 relative à la concurrence au Cameroun. Et d’autres textes connexes. Il est également soumis aux dispositions communautaires qui régissent les pratiques ayant un impact sur le marché communautaire. Toutes les pratiques définies par le législateur s’appuient sur la notion d’entreprise. Il s’agit en réalité de garantir la libre concurrence sur un marché donné dans un système d’économie de marché Un marché géographique difficile à circonscrire, tel que celui des plateformes numériques, pose des défis uniques en termes d’application des lois de la concurrence en l’absence d’un marché communautaire (1) distinct d’un marché national (2).
1) La négation d’un marché communautaire.
Étant donné que ces plateformes opèrent souvent à l’échelle mondiale sans être limitées par des frontières physiques, la délimitation géographique de ces marchés devient complexe. Le droit de la concurrence des Etats a prévu des infractions qui portent atteinte aux marchés communautaires et donc sa détermination conditionne leur applicabilité. C’est le cas des aides d’Etats (a) et les contrôles de concentrations (b).
a) Le cas des aides d’Etats.
Les Etats sont soumis au droit de la concurrence à travers le contrôle des aides qu’ils octroient aux entreprises. Selon l’article 2 alinéa 1 du règlement CEMAC, une aide est considérée comme incompatible lorsqu’elle affecte les échanges sur un marché commun entre les Etats membres.
Ces aides selon le règlement communautaire peuvent prendre la forme d’une subvention, d’exonérations d’impôts et de taxes, de bonification d’intérêts. Dans le cas des plateformes numériques, l’absence d’un marché communautaire rend inapplicable les règles de contrôle des aides d’Etat a ces acteurs du numérique. C’est également le cas du contrôle des concentrations.
b) Le cas du contrôle des concentrations.
L’application des règles de contrôle de concentration se heurtent à la même difficulté s’agissant d’apprécier les infractions des plateformes. La concentration d’entreprise est considérée comme une pratique anticoncurrentielle lorsqu’elle tend à empêcher, fausser ou entraver la libre concurrence sur un marché. L’internet offre des possibilités aux entreprises de s’associer, et cette association échappe à la vigilance des autorités de contrôle. Dans l’économie classique la concentration entre entreprise est visible et les indicateurs sont tangibles. Les opérations de concentrations permettent aux entreprises d’accroitre leur part de marché. L’institution d’un contrôle direct des concentrations économiques répond à une préoccupation fondamentale. Le maintien des structures concurrentielles. Cet objectif n’a pas échappé aux législateurs national et communautaire. L’idée générale est qu’un marché sur lequel une entreprise a acquis une trop grande puissance économique, spécialement une position dominante, est un marché ou ne se joue pas une concurrence suffisante. Cependant si l’entreprise attire cette position de façon naturelle en prenant l’avance sur les autres, il n’y a pas de préoccupation réelle sur l’atteinte du libre jeu de la concurrence.
2) La négation du marché national du fait des plateformes.
La définition d’un marché national distinct d’un marché communautaire a un intérêt dans la détermination des pratiques anticoncurrentielles telles que les ententes (a) et les abus de position dominante (b).
a) L’intérêt dans la détermination des ententes.
Dans l’économie numérique, l’entente est considérée comme la menace la plus redoutable à l’ordre concurrentiel. Les ententes sont prohibées respectivement par l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 et l’article 30 du règlement du 08 avril 2019. En dépit de la différence rédactionnelle, les deux textes suscités ont un contenu presque identique. En effet, le législateur national et le législateur communautaire subordonnent la prohibition de l’entente à l’existence de deux conditions positives, à savoir l’effectivité de l’entente et son impact sur la concurrence. En ce qui concerne le champ d’application du régime des ententes, la loi sur la concurrence interdit les ententes anticoncurrentielles qui ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence de manière sensible sur le marché camerounais. Les ententes sont définies comme des accords, conventions, arrangements ou pratiques concertées entre entreprises, qu’ils soient formels ou informels, écrits ou oraux. Une entente suppose donc un accord concerté des entreprises pour contrôler un marché donné.
b)l’intérêt dans l’appréciation de la position dominante.
L’abus de position dominante est le fait pour une entreprise ou un groupe d’entreprises d’utiliser sa position préférentielle sur le marché pour se livrer à des pratiques ayant pour effet de restreindre d’une manière sensible la concurrence sur ledit marché. La position dominante d’une entreprise est généralement caractérisée par la part qu’elle occupe sur le marché ou son avancée technologique sur ses concurrents. Cette infraction ne peut être déterminante que par rapport à un marché. Il faut absolument réviser les méthodes de détermination du marché pour rendre possible les règles qui encadrent les abus de position dominante.
In fine, la détermination du marché en cause des plateformes est problématique à partir du moment ou le marché des produits et services est ambiguë ; de même, l’activité des plateformes ne peut se cantonner dans un territoire donné. Cette situation se complique, comme nous allons le démontrer ci-dessous la détermination du pouvoir de marché.
II- l’inadéquation certaine des critères d’évaluation du pouvoir de marché des plateformes.
Le second défi de l’application du droit de la concurrence aux plateformes numériques réside dans l’évaluation de la puissance de marché. Cette évaluation liminaire permet de déterminer la part de marché de l’entreprise en cause. Dans l’approche classique, Le pouvoir de marché est défini comme l’aptitude d’une entreprise à l’emporter sur ses concurrents ainsi qu’à contracter de manière rentable avec ses partenaires. L’arrêt de principe Hoffmann - La roche du 13 février 1979 donne une définition des facteurs de la position dominante, qui se transposent à celle de tout le pouvoir de marché. Cette inadéquation se justifie par le fait que les critères existants sont insuffisants à décrire le pouvoir de marché des plateformes (A) qui se fonde plutôt sur de nouveaux critères (B).
A) L’insuffisance des critères de détermination du pouvoir de marché.
Il est important de distinguer les critères quantitatifs (1) des critères qualitatifs (2).
1- Les critères quantitatifs.
Le critère quantitatif de détermination du pouvoir de marché s’appuie sur La part de marché. C’est un élément crucial dans l’évaluation du pouvoir de marché des entreprises ; un des indicateurs potentiels pour juger de son pouvoir de marché. Dans le cadre de l’examen d’opérations de concentration, les analyses de parts de marché sont généralement effectuées à un stade préliminaire afin d’identifier les situations dans lesquelles une opération ne serait pas susceptible de réduire significativement la concurrence.
En pratique, les autorités de concurrence définissent habituellement des seuils de part de marché cumulée des parties à l’opération en dessous desquels celle-ci ne fait pas l’objet d’un examen approfondi. Il s’agit précisément d’une évaluation financière de la situation d’une entreprise. Le pourcentage qu’elle détient sur les autres concurrents.
Les plateformes numériques offrent souvent une gamme diversifiée de services interconnectés. Le simple calcul de la part de marché ne prend pas en compte la diversité des services proposés ni l’interconnexion entre ces services, ce qui peut sous-estimer le véritable pouvoir de marché de la plateforme. Une plateforme avec une part de marché apparemment faible peut en réalité bénéficier d’effets de réseau forts, ce qui crée des barrières à l’entrée pour les concurrents et renforce son pouvoir de marché. La capacité des plateformes à collecter et exploiter de grandes quantités de données peut leur conférer un avantage concurrentiel significatif, indépendamment de leur part de marché. Ce critère ne capture pas pleinement l’impact de la collecte et de l’utilisation des données sur le pouvoir de marché des plateformes.
1- Les facteurs qualitatifs.
Le pouvoir de marché d’une entreprise en droit de la concurrence peut également s’apprécier à partir des éléments qualitatifs. Il peut s’agir de la capacité technologique d’une entreprise par rapport à ses concurrents, la qualité du réseau commercial de l’entreprise. Ces facteurs peuvent être de deux ordres à savoir L’aptitude de l’entreprise comme facteur qualitatif
En droit de la concurrence, l’aptitude de l’entreprise peut être considérée comme un facteur qualitatif important pour évaluer son pouvoir de marché. Celle-ci fait référence à sa capacité à innover, à produire des biens ou des services de haute qualité, à répondre efficacement aux besoins des consommateurs, et à maintenir des normes élevées en termes de performance et de fiabilité. L’aptitude de l’entreprise peut influencer son pouvoir de marché dans la différentiation des produits, l’innovation, réputation et confiance des consommateurs, efficacité opérationnelle, service client etc.
En évaluant l’aptitude d’une entreprise en tant que facteur qualitatif, les autorités de la concurrence peuvent prendre en compte ces éléments pour déterminer si l’entreprise utilise son excellence opérationnelle et sa capacité d’innovation de manière légitime pour améliorer sa compétitivité, ou si elle exploite ces facteurs pour restreindre la concurrence de manière injuste.
a) La notion d’avantage éventuel.
En droit de la concurrence, la notion d’avantage éventuel fait référence à une situation où une entreprise peut potentiellement tirer parti de sa position sur le marché pour obtenir un avantage concurrentiel injuste, même si cet avantage n’est pas immédiatement exploité. Il faut noter que les facteurs qualitatifs de détermination du marché ne posent pas les difficultés d’application. En effet, tout comme les entreprises classiques, les plateformes disposent d’un forte capacité d’innovation et de domination des marchés indépendamment des parts de marché qu’elles disposent. Les difficultés d’application se trouvent plutôt sur le terrain d’application des critères qualitatifs. D’où une imprécision des règles classiques dont la seconde articulation se propose d’analyser les causes et les effets. Bien relire cette fin de phrase et ajoutez la transition
B) la prise en compte de nouveaux indicateurs utilisés par les plateformes.
L’insuffisance des règles suppose que les dispositions légales et réglementaires existantes ne sont pas adéquates pour traiter efficacement les pratiques anticoncurrentielles ou abusives sur le marché. Dans le cas de l’insuffisance des facteurs de détermination du pouvoir de marché, la première limite d’application se trouve dans la spécificité du modèle économique des plateformes qui mérite d’être analysé.
1- Une insuffisance tenant aux modèles économiques des plateformes.
Le modèle économique des plateformes est donc favorable à la gratuité, ce qui rend difficile, les enjeux concurrentiels. Les plateformes numériques ont un modèle économique unique qui repose souvent sur la création et la gestion d’un marché ou d’un réseau où des utilisateurs peuvent interagir, partager des biens, des services ou des informations. Ces plateformes agissent en tant qu’intermédiaires facilitant ces interactions et monétisent souvent ces échanges de différentes manières. L’application du critère quantitatif se heurte à l’apparente gratuité des services des plateformes (a) et aussi l’utilisation d’indicateur singulier pour la détention des pouvoirs de marché (b).
a- La pratique de la gratuité, une négation de la concurrence.
Lorsque les produits proposés en ligne sont gratuits, il devient difficile de faire un contrôle de la concurrence sur le marché. Les acteurs de l’internet ont la particularité de proposer à l’internaute des produits gratuitement. Ceci entraine comme conséquence l’inapplicabilité des règles qui encadrent les restrictions de la concurrence. Le principe est certes la liberté économique individuelle
En droit de la concurrence classique la revente à perte est une pratique restrictive de la concurrence. La revente à perte n’est pas expressément prévue par la loi sur la concurrence au Cameroun. C’est la loi n°2015/018/ du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun qui règlemente cette pratique. Elle réglemente, tout en élargissant le domaine, diverses pratiques paracommerciales et anticoncurrentielles que l’on retrouvait déjà dans l’ancienne loi à savoir les ventes liées, le refus de vente, la revente à perte, la publicité mensongère.
L’impact des contenus gratuits est significatif pour certains acteurs. Cette gratuité se révèle bénéfique pour certaines entreprises du numérique, par le biais du modèle « freemium ». En mettant à disposition son site et en véhiculant gratuitement le contenu généré par sa communauté d’utilisateurs, ce dernier créé de la valeur en collectant des données et en encaissant des revenus publicitaires. Le contenu mis à disposition bénévolement par les utilisateurs devient alors un produit d’appel. En somme, son chiffre d’affaires découle, en partie, de la dévalorisation financière de ces contenus. Le gratuit de l’un devient la valeur de l’autre. La valeur du contenu, bien que considéré comme gratuit, apporte en réalité à la plateforme une contrepartie financière (par le biais de la publicité et de la vente de données).
b) la remise en cause de l’indicateur du prix dans le contrôle de la concurrence.
Traditionnellement, le prix a été considéré comme un indicateur clé pour évaluer les comportements anticoncurrentiels, tels que les ententes illicites ou les abus de position dominante. Cependant, l’évolution de l’activité économique remet en cause cet indicateur.
Les critiques soutiennent que se concentrer uniquement sur le prix peut négliger d’autres aspects importants de la concurrence, tels que la qualité, l’innovation, le choix et le service client. Les entreprises peuvent différencier leurs offres en se concentrant sur ces aspects, et la concurrence peut se jouer sur d’autres critères que le prix seul.
Dans l’économie numérique, de nombreuses plateformes proposent des services gratuits ou à bas prix, mais elles peuvent exercer une influence significative sur le marché en contrôlant l’accès aux utilisateurs ou en exploitant les données. Dans ces cas, l’indicateur du prix seul peut ne pas être suffisant pour évaluer la concurrence et les éventuels problèmes anticoncurrentiels.
Les entreprises peuvent utiliser des stratégies d’éviction ou de prédation, par exemple en fixant des prix très bas pour éliminer les concurrents ou en subventionnant des services pour entraver l’entrée de nouveaux acteurs. Dans ces cas, se concentrer uniquement sur le prix peut ne pas révéler les pratiques anticoncurrentielles sous-jacentes. Dans certains marchés, les produits ou services peuvent être différenciés en fonction de caractéristiques spécifiques, ce qui rend l’indicateur du prix moins pertinent pour évaluer la concurrence. Les consommateurs peuvent être prêts à payer un prix plus élevé pour des caractéristiques différentes, et la concurrence peut se jouer sur ces différenciations.
Il est important de noter que cela ne signifie pas que l’indicateur du prix perd toute sa pertinence dans le contrôle de la concurrence. Le prix reste un élément clé dans de nombreux cas et peut révéler des pratiques anticoncurrentielles. Cependant, il est de plus en plus reconnu qu’une évaluation plus large et plus nuancée est nécessaire pour comprendre pleinement la dynamique concurrentielle dans certains marchés. L’apparente gratuité semble se substituer à la logique des prix dans l’économie numérique et de ce fait modifier les conditions de détention du pouvoir de marché.
2. La détention des données sources de pouvoir de marché des plateformes.
La collecte, le traitement et l’utilisation commerciale des données sont souvent considérés comme des problématiques relevant plus de la protection des données que du droit de la concurrence. La préoccupation liminaire est celle de définir la notion de données. En rapport avec l’économie numérique,
a) La notion de données.
L’accumulation des données est une importante source de pouvoir de marché des plateformes. Les entreprises qui possèdent une grande quantité de données peuvent bénéficier d’effets de réseau. Plus il y a d’utilisateurs ou de participants sur une plateforme ou un service, plus la quantité de données générées augmente, ce qui à son tour améliore les performances et la valeur du service pour les utilisateurs. Cela peut créer des barrières à l’entrée pour les nouveaux concurrents qui ont du mal à atteindre la même échelle et à rivaliser avec l’entreprise dominante. Ce contrôle des données a pour conséquence d’empêcher à d’autres entreprises d’avoir accès au marché ou alors de faire disparaitre celle qui se trouve déjà sur le marché
Le contrôle des données permet à l’entreprise de contrôler le marché sur lequel il opère, empêchant ainsi à d’autres de se manifester sur le même marché ce qui crée une distorsion de la concurrence.
En effet, l’accès à un volume important et considérable de données est devenu un facteur de compétitivité sur la marche. Le contrôle des données et des contenus représente un avantage stratégique important. Le consommateur qui va intégrer les différentes plateformes en passant par un même fournisseur va permettre à ce dernier d’établir des profils d’utilisateurs extrêmement détaillés. Il va par la suite s’en servir pour essayer d’optimiser l’expérience des utilisateurs et des annonceurs.
b) L’octroi de la position dominante.
Les opérateurs de plateformes qui se rendent indispensables aux utilisateurs finaux et annonceurs en viennent à assumer une position incontournable. Les données de clients contiennent des informations très précieuses à leur sujet, ce qui va faciliter aux utilisateurs le partage des données et le ciblage.
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Références bibliographiques.
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Textes juridiques.
Règlement no 1 / 99 /UEAC/CM/639 du 25 juin 1999 portant répression des pratiques commerciales anti concurrentielle
Règlement no3 /2002/relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de L’UEMOA
Règlement CEMAC no 06/19/UEAC-639-CM du 22 mars 2019 relative a la concurrence
Le Règlement n°1/ 99 /UEAC/CM/639 du 25 juin 1999 portant réglementation des
Pratiques commerciales anticoncurrentielles tel que modifié par le règlement n°12/05 -UEAC-639 du 25 juin 2005.
Le Règlement n°4/99/UEAC/CM/639 du 18 août 1999 portant réglementation des
Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mars 2002 relatif aux pratiques Anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA,
Règlement n°03/2002/CM/UEMOA du 23 mars 2002 relatif aux procédures
Applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA,
Règlement n°04/2002/CM/UEMOA du 23 mars 2002 relatif aux aides d’Etat à l’intérieur de l’UEMOA.
Directive n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mars 2002 relative à la coopération Entre la commission et les structures nationales de concurrence des Etats Membres
Code civil de 1804 applicable au Cameroun
Loi no 98/013 du 14 juillet 1998 sur la concurrence au Cameroun
Loi no 14/1998 du 23 juillet 1998 sur la concurrence au Gabon
Loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique en France
Ordonnance no 86-1243 du 1ᵉʳ décembre 1986 relative a la liberté des prix et de la Concurrence
L’accord de Bangui du 02 mars 1977
Loi no2010/021 décembre 2010 régissant le commerce électronique au Cameroun
Loi no 2006/015 du 25 décembre 2006 portant organisation judiciaire modifiée et complétée par la loi no 2011/027 du 14 décembre 2011
Directive no 95/46/CE relative à la protection des données personnelles.
Décret no 2005/1363/PM DU 6 mai 2005 portant fixation de la composition et des modalités de fonctionnement de la commission nationale de la concurrence.
Directive du 08 avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs dans la CEMAC.
E-site internet [1].