Fonction publique : précision des contours de l’obligation de l’administration en matière d’aménagement de poste.

Par Chloé Pion Riccio, Avocat.

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La question de l’aménagement de poste de l’agent au regard des restrictions médicales dont il fait l’objet occupe une place de plus en plus importante dans la gestion quotidienne des ressources humaines des administrations. Dans son arrêt du 12 mai 2022, le Conseil d’Etat précise les contours de l’obligation pesant sur l’administration en hiérarchisant clairement les différents avis médicaux émis dans le dossier de l’agent.

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La mise en œuvre ou le défaut de mise en œuvre des recommandations entrainent des conséquences sur l’analyse du respect des obligations de l’administration employeur ainsi que sur la validité de la gestion de carrière de l’agent.

Le juge administratif consacre de manière constante l’obligation de l’administration de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des agents sur leur lieu de travail [1].

Cette obligation implique d’assurer la compatibilité du poste à l’état de santé de l’agent.

Cette question doit être appréhendée dans le prisme de la jurisprudence « Moya-Caville » par laquelle le Conseil d’Etat a consacré le principe de réparation intégrale de l’agent victime d’un dommage subi dans son exercice professionnel et provoqué par une faute de l’administration.

Rappelons que les juges du Palais Royal ont estimé que les dispositifs de réparation forfaitaire de l’invalidité subi par les agents n’exclue pas la possibilité d’engager une action de droit commun en réparation des préjudices subis du fait de l’activité professionnel.

Pour prétendre à une réparation intégrale, le demandeur doit établir l’existence d’une faute dont les contours sont définis progressivement par la jurisprudence.

Il est intéressant de comparer la définition de l’obligation de l’administration en matière de protection de la santé et de la sécurité de son personnel à celle qui s’impose aux employeurs du secteur privé. La Cour de cassation qualifie clairement l’obligation à laquelle est soumis l’employeur dans la mise en œuvre des mesures de nature à assurer la sécurité et la protection de la santé physique et morale du salarié comme une obligation de résultat [2].

S’appuyant sur cette obligation de sécurité de résultat, la Cour de cassation estime que l’employeur doit prendre les mesures adaptées à l’état de santé préconisées par le médecin du travail [3].

L’on constate actuellement une convergence de la jurisprudence administrative et judiciaire. L’arrêt commenté participe, selon nous, à ce mouvement.

Les particularités du litige dont il était saisi ont permis au Conseil d’Etat de rappeler la hiérarchie des avis médicaux pouvant figurer dans le dossier d’un agent public et de rappeler la prévalence dont font l’objet les restrictions émises par le médecin de prévention du service de médecine préventive.

Madame Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique, a proposé aux Juges du Palais Royal de poursuivre le mouvement de convergence de jurisprudence avec le juge judiciaire.

Après avoir rappelé que les dispositions du Code du travail prévoient explicitement que l’appréciation de l’aptitude médicale du salarié et de l’adéquation de son poste de travail relève de la seule responsabilité du médecin du travail, elle invite le Conseil d’Etat à

« saisir l’occasion de ce litige pour juger explicitement que les médecins du service de médecine préventive sont seuls habilités à émettre les propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents dans les conditions prévues à l’article 24 du décret du 10 juin 1985 » [4].

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé l’obligation d’aménagement du poste de l’agent à laquelle est soumise l’administration et le caractère fautif de la méconnaissance des recommandations émise, juge expressément que les restrictions édictées par le médecin de prévention ne peuvent pas être remises en cause par l’avis émis postérieurement par une personne ne disposant pas de la qualité de médecin de prévention.

Cette position confirme l’obligation de résultat à laquelle est soumise l’administration dans la mise en œuvre des aménagements de poste et clarifie enfin les avis auxquels elle doit se conformer pour respecter cette obligation.

Bien que cet arrêt ait été rendu dans un litige relatif à un agent de la fonction publique territorial (relevant des dispositions du Décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale), son fichage, l’analyse des conclusions de Madame la rapporteure publique ainsi que des textes applicables à la fonction publique de l’Etat et à la fonction publique hospitalière permettent de penser que cette appréciation devrait être applicable à l’ensemble des administrations (fonction publique de l’Etat et fonction publique hospitalière inclus).

L’aptitude de l’agent et les éventuelles restrictions à son activité professionnelle ayant également une incidence sur la mise en œuvre d’une procédure de reclassement, les précisions apportées par le Conseil d’Etat concernant la prise en compte des avis médicaux devront également être mobilisées dans ce domaine.

Pour la mise en œuvre de l’obligation de reclassement de l’agent inapte, l’administration devra à présent et conformément à l’arrêt commenté, se fonder sur l’appréciation portée par le médecin du service de médecine préventive, quand bien même des éléments postérieurs et contradictoires existent dans le dossier de l’agent sans être prescrit par la seule autorité médicale compétente, le médecin du service de médecine préventive.

La définition claire de la prévalence de l’avis du médecin de prévention sur l’appréciation de l’aptitude et des restrictions liées à l’état de santé de l’agent est la bienvenue dans le domaine particulier de l’aménagement de poste dont les conditions de mises en œuvre laissent souvent la place à une certaine subjectivité d’appréciation.

Chloé Pion Riccio - Barreau de Montpellier Spécialiste en droit public

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Notes de l'article:

[1Conseil d’Etat, 30 décembre 2011, Renard, n° 330959, T. pp. 1140-1159.

[2Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-24.444, Bulletin.

[3Cour de cassation, Chambre sociale, 13 Mai 2015, n° 13-28.792.

[4Conclusions de Madame Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique sous Conseil d’Etat, 12 mai 2022, 3ème et 8ème Chambres réunies, n°438121, Lebon. T.

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