Le plan de départ volontaire en droit anglais/droit français.

Par Alain-Christian Monkam, Avocat.

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Explorer : # plan de départ volontaire # licenciement collectif # reclassement

Les plans de départ volontaire est un moyen privilégié de réduire avec "moins de douleurs" les effectifs de l’entreprise en cas de restructuration ou de difficultés économiques. Au Royaume-Uni, le départ volontaire (’voluntary redundancy’) est une pratique ancienne datant de près de 40 ans tout comme en France, avec certaines similitudes mais beaucoup de divergences.

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1- Le plan de départ volontaire anglais est soumis à la procédure de licenciement collectif.

La jurisprudence anglaise a déjà tranché cette question : les départs volontaires de salariés doivent être soumis à la procédure de licenciement collectif [1]. La procédure anglaise de licenciement collectif suppose la consultation des syndicats représentatifs ou des représentants du personnel pour autant que le seuil de 20 licenciements envisagés dans une même période de 90 jours soit atteint.

De même en France, l’employeur qui veut supprimer des emplois pour des motifs économiques au moyen de départs volontaires est tenu d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi [2].

Par ailleurs, on relèvera qu’en Angleterre, un dispositif légal équivalent à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences est inexistant, à la différence de la France. Or, des départs volontaires peuvent en principe être également mises en œuvre en France dans le cadre d’une GPEC. Encore que cette possibilité est, selon moi, sujette à caution depuis la réforme française des licenciements collectifs de la loi du 14 juin 2013 et de son impact sur la GPEC.

2- Le plan de départ volontaire anglais n’inclut pas obligatoirement de reclassement

En droit anglais, l’appel au départ volontaire est perçue comme une mesure destinée à éviter les licenciements secs ’compulsory redundancy’. Le volontariat est même fortement conseillé dans les chartes officielles de bonne conduite à destination des entreprises (ACAS, Handling large-scale redundancies).

Il s’agit donc d’une possibilité "d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que d’en atténuer les conséquences" au sens de la directive européenne 98/59/CE du 20 juillet 1998 sur les licenciements collectifs. Le départ volontaire permettra le reclassement des salariés non-volontaires dont le poste est définitivement supprimé. C’est une des formes de la pratique britannique du ’bumping’. Un plan anglais de départs volontaires ne nécessitera donc pas forcément un plan supplémentaire de reclassement interne ou externe puisque ces départs constituent déjà du reclassement pour ceux qui restent.

Les tribunaux anglais ont même dû intervenir pour rappeler l’inverse : à savoir que l’absence de volontariat dans un plan de licenciements collectifs ne rend pas les licenciements prononcés abusifs ! [3]

On rappellera au surplus que la loi britannique ne prévoit pas d’obligation de reclassement bien que la jurisprudence indique que l’employeur doit ’faire ce qu’il peut’ pour trouver du reclassement [4].

Curieusement, la jurisprudence française sur la question des départs volontaire et du reclassement est volatile. Par l’arrêt précité du 26 octobre 2010, la Cour de Cassation a admit la validité d’un plan de départ volontaire sans plan de reclassement interne dès lors que plan est exclusif de tout licenciement (ce qui est tout de même du bon sens). Mais par un autre arrêt du 25 janvier 2012 n°10-23.516P, la Haute juridiction a tempéré son ardeur en indiquant qu’un plan de reclassement doit être prévu pour un plan de départ volontaire s’accompagnant nécessairement de suppression d’emplois.

Puis, dans un récent arrêt du 5 novembre 2014 [5] , on croit de nouveau comprendre que la Cour de Cassation est revenu à sa jurisprudence du 26 octobre 2010. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait ordonné la reprise depuis ses débuts de la procédure d’information/consultation du comité d’entreprise au motif notamment qu’un plan de sauvegarde de l’emploi n’avait pas été présenté. La Cour de Cassation casse cette décision d’appel en énoncant notamment que : « Qu’en statuant ainsi, alors que, dans ses écritures reprises à l’audience, l’employeur affirmait que la réorganisation envisagée se ferait sur la base exclusive du volontariat, les variations d’effectifs résultant uniquement de la suppression de postes libérés à la suite des départs volontaires ou de mobilités internes volontaires, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation du texte susvisé ».

3- Un départ volontaire constitue un licenciement en droit du travail anglais

C’est une solution anglaise tranchée depuis longtemps : même volontaire, le départ d’un salarié pour raisons économiques demeure un licenciement en droit anglais [6]. Il n’est donc pas question que l’employeur fasse signer au salarié un accord de rupture amiable. Il sera licencié pour motif économique et recevra l’indemnité y relative redundancy pay.

En droit français, on considère que la rupture résultant d’un plan de départ volontaire constitue une résiliation amiable du contrat de travail [7]. A titre personnel et vu le caractère fluctuant de la jurisprudence française, je ne conseillerai pas à un employeur de produire une lettre de résiliation amiable sans prendre le soin d’y inclure le motif économique...

Alain-Christian Monkam
Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris
https://monkam.uk/

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Notes de l'article:

[1Optare Group Ltd v TGWU 2007 IRLR 931, EAT.

[2Cass. soc. 26 octobre 2010, n°09-15.187P.

[3Rogers and others v Vosper Thornycroft [1989] IRLR 82.

[4Thomas & Betts Manufacturing Ltd v Harding IRLR 255.

[5Cass. soc. 5 novembre 2014 n°13-17.270, Sanofi Aventis Recherche et développement c/ CCE Sanofi Aventis Recherche et développement.

[6Burton, Allton and Johnson Ltd v Peck 1975 ICR 193, QBD.

[7Cass. soc. 2 décembre 2003 n°01-46.540P ; Cass. soc. 26 octobre 2004, n°02-40.959.

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