Dans la pratique quotidienne du droit du travail, l’excès de zèle peut parfois conduire à certains déboires, ainsi que le montre cet arrêt rendu le 9 octobre 2019 par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société d’ingénierie le 23 novembre 2009 en qualité de concepteur-dessinateur.
En 2012, à la suite d’un différend avec son employeur quant à son affectation sur un nouveau chantier, le salarié avait refusé de prendre son poste pendant plusieurs jours avant de se raviser.
Les absences injustifiées de ce salarié avait conduit l’employeur à envisager une sanction disciplinaire autre qu’un licenciement à son encontre.
Le choix d’un avertissement semblait privilégié.
Or, on sait que l’article L1332-2 du Code du travail impose à l’employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable lorsque ce dernier envisage de prendre une sanction à son encontre.
Toutefois, ce même texte exonère l’employeur de cette obligation si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Dans notre affaire, l’employeur pouvait donc passer outre l’organisation d’un entretien préalable.
Or, cet employeur a préféré choisir d’organiser un entretien préalable en présence de son salarié.
On imagine que, en procédant de la sorte, cet employeur s’était ainsi réservé la possibilité de notifier une sanction plus lourde qu’un simple avertissement, en fonction du déroulé de cet entretien préalable.
Or, l’employeur en question a notifié l’avertissement à son salarié plus d’un mois après l’entretien préalable, alors même que l’article L1332-2 du Code du travail prévoit que la sanction disciplinaire doit intervenir dans le mois suivant l’entretien disciplinaire.
Dans ce contexte, se posait la question de savoir si l’employeur qui a volontairement organisé un entretien préalable non obligatoire devait respecter la procédure et les délais prévus par l’article L1332-2 du Code du travail ?
La Cour de cassation répond par l’affirmative.
Selon la Chambre sociale, dès lors qu’il a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l’article L1332-2 du Code du travail, l’employeur est tenu d’en respecter tous les termes, quelle que soit la sanction finalement envisagée.
Ce faisant, l’employeur aurait dû respecter le délai maximal d’un mois pour la notification de la sanction disciplinaire choisie afin d’éviter que l’avertissement soit annulé.
Il importe peu que la sanction finalement choisie ne soit pas soumise à l’entretien préalable obligatoire prévu par l’article L1332-2 du Code du travail.
Il s’agit là d’une confirmation de jurisprudence.
Dès 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait adopté cette même position par un attendu similaire (Cass. Soc. 16 avr. 2008, n°06-41.999, FS-PB, D. 2008. Pan. 2314, obs. Amauger-Lattes ; RJS 2008. 540, n° 672 ; JSL 2008, n° 235-5).
Cette jurisprudence, qui peut apparaître sévère au premier abord, est à notre sens logique et cohérente.
L’esprit du délai maximal d’un mois prévu pour la notification de la sanction disciplinaire vient en effet protéger le salarié face à l’angoisse que peut générer l’attente d’une sanction.
Le délai maximal d’un mois vise ainsi à limiter l’incertitude du salarié sur son sort.
Or, l’employeur qui opte pour l’organisation « facultative » d’un entretien préalable se réserve en réalité un choix plus vaste de sanctions disciplinaires et vient par la même occasion accentuer cette incertitude subie par le salarié.
Il n’apparaît donc pas illogique d’imposer à l’employeur de respecter le délai d’un mois pour la notification de la sanction disciplinaire, quand bien même cet employeur choisirait finalement d’infliger un simple avertissement à son salarié.