[Nouvelle parution] Meurtre à Outreau : dossier analytique.

[Nouvelle parution] Meurtre à Outreau : dossier analytique.

Rédaction du Village de la Justice.

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Outreau, commune française dans le département du Pas-de-Calais, tristement à la une dans les années 2000 suite à un procès impliquant plusieurs personnes pour des agressions sexuelles sur mineurs commises entre 1997 et 2000. Cette affaire pénale aura également mis en évidence certains dysfonctionnements de la Justice française.
L’objet de ce dossier analytique proposé par Frédéric Valandré n’est pas de revenir une énième fois sur cette affaire dans sa globalité, mais de proposer une synthèse documentée et minutieuse sur un autre événement lié à cette affaire : le viol puis le meurtre (présumés) en 1999 d’une fillette ; enfant dont on ne retrouvera ni l’identité, ni le cadavre et qui aboutira in fine a un non lieu.

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L’affaire Outreau du nom de la commune dans laquelle se sont déroulés les faits, est d’importance tant par l’ampleur des infractions pénales sur mineurs incriminées que par les dysfonctionnements de la Justice qu’elle a incidemment révélés. A l’issue de cette dernière, une commission d’enquête parlementaire a d’ailleurs été créée en 2005 pour rechercher les causes de ces dysfonctionnements et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement [1].

Titulaire d’un doctorat en Histoire contemporaine et passionné d’affaires judicaires, Frédéric Valandré (pseudo de l’auteur) se présente comme un autodidacte du droit pénal.
Dans son ouvrage "Meurtre à Outreau, dossier analytique", il revient sur les révélations de l’un des mis en examen (et futur acquitté) de cette affaire, Daniel Legrand fils, qui en janvier 2002 dénonce le viol et le meurtre d’une fillette qui aurait été commis dans le quartier de la Tour du Renard. Révélations confirmées par une autre mise en examen, Myriam Badaoui, puis par des enfants. Ces révélations ont entraîné des fouilles, des investigations à l’étranger pour tenter de trouver le corps et l’identité de la fillette, efforts vains... D’autant que Daniel Legrand fils et Myriam se rétracteront par la suite.

L’objet de cet essai est de proposer une analyse documentée (PV des auditions, comptes rendus d’audience, ordonnance de non lieu...) de ce dossier périphérique et d’expliquer pourquoi il ne pouvait aboutir qu’à une impasse.

Cédons la parole à son auteur, Frédéric Valandré...

Pourquoi pensez-vous que votre livre est nécessaire ?

Frédéric Valandré : « Depuis 2004 il y a eu pléthore d’ouvrages sur le dossier Delay et autres, plus connu sous l’appellation de l’affaire d’Outreau. Témoignages des protagonistes, études sur le dossier et les différents procès, je ne vais pas en dresser la liste ici… En revanche, à l’exception du livre de Jacques Delivré "Une petite fille qui est morte, un cri dans la nuit" [2], aucun ouvrage n’a été essentiellement ou intégralement consacré à l’un des épisodes les plus marquants de l’affaire, à savoir l’histoire du viol et du meurtre d’une petite fille brune et au teint hâlé amenée chez le couple Delay par un mystérieux monsieur belge un soir de fin 1999. Une enfant dont on ne retrouvera ni l’identité, ni le cadavre.
Cette histoire révélée début janvier 2002 par un futur acquitté (Daniel Legrand fils), et relayée par une future condamnée (Myriam Badaoui) et par des enfants a eu un impact considérable sur le dossier, on peut même dire qu’elle a fait sortir le « train médiatico-judiciaire » de ses rails. Rien d’étonnant à ce qu’un des quatre épisodes – le troisième – de la série documentaire consacrée à l’affaire et diffusée sur France 2 en janvier dernier ait pour titre « Le meurtre de la petite fille belge : 2002-2003 ». Nonobstant le non-lieu rendu le 3 septembre 2007 sur ce volet de l’affaire, « le fantôme de la fillette belge et bronzée continue de planer » – expression que j’emprunte à l’avocat honoraire Gilles Antonowicz [3].
Selon moi, il était plus que temps de consacrer une étude à cette « affaire dans l’affaire », mais d’une manière posée, dépassionnée – la passion est mauvaise conseillère, quelquefois. D’où ce petit livre, que j’ai rédigé durant l’automne 2022 ».

Quel point fort, s’il ne fallait en retenir qu’un, souhaitez-vous mettre en avant dans ce livre ?

« À travers l’étude minutieuse des récits des différents protagonistes, je pense avoir démontré que cette histoire de viol et de meurtre d’une fillette ne tient guère la route, et qu’il était tout bonnement impossible de renvoyer quiconque devant une cour d’assises. Bien sûr, si nous nous en tenons aux similitudes dans les déclarations de M. Legrand fils, de Mme Badaoui et de Jonathan – un enfant de la fratrie Delay – devant le juge Burgaud (le 9 janvier 2002 pour les deux premiers, le 11 janvier pour le dernier), on se dit : « Pourquoi pas ? » Et l’absence de corps ne signifie pas ipso facto l’inexistence d’un homicide. Mais à côté de cela, que dire des incohérences qui tombent comme à Gravelotte… À titre d’exemple, on reste confondu face aux variations de Myriam Badaoui : tantôt ses enfants dormaient chez une voisine le soir du drame, tantôt ils étaient présents dans l’appartement, tantôt Thierry Delay s’est absenté une heure et demie à deux heures pour se débarrasser du cadavre de la fillette et accompagné par des tiers, tantôt il ne s’est absenté que quinze/vingt minutes et seul (rappelons au passage que la famille Delay habitait dans un T4 au cinquième étage sans ascenseur), etc. Le constat est accablant.
Certains passionnés de l’affaire d’Outreau émettront sans doute des objections à mon analyse, mais il va de soi que je suis prêt à en débattre. Dénoncer les violences commises sur les enfants, je suis entièrement d’accord. Mais sur des enfants existant ou ayant existé – ce qui n’est pas le cas de la fantomatique fillette prétendument battue à mort par Thierry Delay ».

À qui le destinez-vous ?

« Ce dossier analytique s’adresse aux juristes, notamment à ceux et celles qui s’intéressent à la justice pénale, à son fonctionnement, à ses dysfonctionnements ; les observateurs du traitement médiatique des affaires judiciaires et les passionnés desdites affaires pourront également y trouver matière à réflexion.
Au fil du temps, grâce à mes lectures, les témoignages recueillis, mes prises de notes – notamment lors de débats, de colloques ou de procès d’assises –, j’ai pris conscience de la complexité de l’œuvre de Justice. Et à travers mon œuvre d’essayiste, je souhaite faire connaître à mon lectorat les divers aspects de cette complexité. Un travail qui n’est pas toujours facile, mais qui demeure passionnant ».

Informations techniques :
Titre : Meurtre à Outreau
Auteur : Frédéric Valandré
Éditeur Nombre 7 éditions
ISBN : 978-2-38351-386-5
Prix : 12 euros
Parution : janvier 2023

Rédaction du Village de la Justice.

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Notes de l'article:

[1Enquête parlementaire présidée par l’homme politique André Vallini.

[2Ouvrage paru à l’automne 2020 (chez Thyma éditions)

[3Outreau L’histoire d’un désastre, paru chez Max Milo éditions en janvier 2023.

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Discussions en cours :

  • Cher Frédéric,

    Le psychologue expert ( 20 ans d’expertises ) Michel Emirzé a recueilli les aveux de Daniel Legrand et les a trouvés authentiques.
    Le professeur de psychologie Jean- Luc Viaux, expert judiciaire très expérimenté a été directement concerné... tout comme moi et nous avions plusieurs milliers d’expertises et des milliers de bilans psychologiques d’enfants quand nous avons examiné séparément Jonathan... qui était présent lors de ce drame. Nous avons validé sa parole avec tous les moyens techniques que possèdent les psychologues.

    La question se pose : quelles compétences victimologiques et psychotraumatiques - sans examen des personnes qui ont témoigné de ce meurtre dans ce dossier- as tu cher Frédéric pour prendre toi aussi une telle "décision" de Non Lieu ?
    https://www.fabert.com/editions-fabert/outreau-la-verite-abusee-12-enfants-reconnus-victimes.3402.produit.html

    • par Frédéric Valandré , Le 26 juillet 2023 à 08:50

      Bonjour Marie-Christine,

      Sur l’essentiel, pas de contestation possible : oui, des enfants ont été victimes de violences sexuelles dans cette affaire.

      Comme je l’ai indiqué, le meurtre d’une fillette n’était pas impossible a priori, et le fils Legrand a tout fait pour qu’on y croit. Mais quand on passe au crible les différents éléments de ce dossier périphérique, on s’aperçoit que ça ne tient absolument pas la route.

      Par ailleurs, le professeur Viaux n’a absolument pas confirmé la véracité de cette histoire d’homicide lors de son audition en visioconférence le 28 mai 2015 en fin d’après-midi au procès Legrand, à Rennes - nous étions présents toi et moi dans la salle, il y a même eu confrontation de points de vue entre Jean-Luc Viaux et toi-même.

      Quant au non-lieu, ce n’est pas moi qui l’ai rendu, mais un magistrat instructeur, le 3 septembre 2007 (l’essentiel du texte est en annexe de mon livre). Il est précisé dans l’ordonnance que le dossier pourrait être rouvert "sur charges nouvelles". On les attend toujours...

      Je l’ai dit et répété : je suis prêt à débattre loyalement sur cet épisode marquant du dossier Delay et autres.

      Belle journée,
      Frédéric.

    • par Marie-Christine Gryson-Dejehansart , Le 15 août 2023 à 12:06

      Bonjour Frédéric

      Oui j’étais également présente au procès de Rennes quand mon confrère Jean-Luc Viaux a été questionné en visio conférence au sujet du meurtre de la fillette, Il n’a donné aucun avis quand l’avocat général lui a demandé s’il avait connaissance d’un détail spécifique et "il a juste montré de l’étonnement".
      C’était impossible pour lui de relancer le doute vu sa position d’expert qui a été lynché tout comme moi. Tu rappelles bien sûr que nous étions 7 experts pour les enfants et que les 5 autres ont été invisibilisés grâce à cette stratégie du bouc émissaire des deux premiers.
      Par ailleurs, au sujet de la réponse de Daniel Legrand à l’interrogatoire du Président : " comment avez-vous fait pour décrire de manière aussi effroyable un meurtre d’une petite fille, j’en épargne les jurés de la lecture, comme l’a fait Myriam Badaoui ?"
      La réponse a été "je me suis mis dans la tête de Badaoui" ...c’est surréaliste puisqu’il était censé ne pas la connaitre et c’est totalement invraisemblable au plan psychologique !
      Toutes les variantes des récits sont à étudier au niveau du fonctionnement métabolique de la mémoire qui est différent selon l’âge, le niveau intellectuel, la présence de traumatisme etc...on ne peut donc donner une réponse sur la validité et le recoupement des récits sans leur analyse par un expert psychologue.
      Enfin pour terminer il faut ajouter qu’une autre victime a également parlé du meurtre.

      Merci de ta réponse MCGD

  • par gryson marie-christine , Le 24 juillet 2023 à 12:36

    PS : J’étais présente au procès de Rennes ( Outreau 3 ) quand Daniel Legrand a été interrogé sur le sujet par le Président des assises. Celui-ci lui a demandé comment, s’il n’avait pas assisté à ce meurtre, il avait u donner les mêmes détails horribles que Myriam Badaoui . La réponde de D.L : "Je me suis mis dans la tête de Badaoui" ( Il a affirmé après avoir reconnu les viols en réunion lors de l’instruction qu’il ne l’avait pourtant jamais rencontrée.)

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