Le crime de meurtre et le crime d’assassinat sont deux infractions distinctes en droit pénal français, bien qu’elles partagent certaines similitudes. Voici une analyse des éléments constitutifs, des circonstances aggravantes et des sanctions encourues pour chacun de ces crimes.
1. Le crime de meurtre (ou homicide volontaire).
1.1 Définition et éléments constitutifs.
Le crime de meurtre est défini par l’article 221-1 du Code pénal comme le fait de donner volontairement la mort à autrui.
La jurisprudence a rappelé que le crime de meurtre comporte un élément matériel, la mort de la victime, et un élément intentionnel, l’intention de donner la mort au moment de l’action [1].
Il s’agit donc d’un homicide intentionnel, l’auteur ayant voulu tuer, que ce soit sur un "coup de tête" ou après une altercation. Il ne s’agit ni d’un accident, ni d’une simple négligence. C’est ce qui distingue le meurtre des autres formes d’homicides, comme l’homicide involontaire [2].
Pour qu’un meurtre soit caractérisé, trois éléments doivent donc être réunis :
- Un élément matériel : l’acte qui a causé la mort (coup de couteau, tir d’arme à feu, pluralité de coups, etc.) ;
- Un élément moral : l’intention de tuer ;
- Un lien de causalité entre l’acte commis et le décès.
A titre d’exemple, il a déjà été jugé que :
- La nature des coups de couteau, leur force et leur localisation suffisaient à caractériser l’intention homicide, malgré les arguments de la mise en examen qui affirmait n’avoir eu que l’intention de faire peur à la victime [3] ;
- Qu’une requalification en coups et blessures volontaires devait être écartée dans une affaire impliquant une piqure avec une seringue remplie uniquement d’air, ce malgré les arguments de l’inculpé qui avait souligné qu’il avait seulement fait semblant de faire une seconde piqûre [4] ;
- L’intention homicide était établie par les déclarations du mis en examen et les circonstances dans lesquelles les coups mortels avait été réalisés, ce dernier ayant tiré à trois reprises sur la victime à très courte distance, atteignant des régions vitales du corps [5] ;
- La violence des coups nombreux portés notamment avec usage d’une arme blanche et d’une arme à feu, et la nature des blessures infligées (multiples blessures, artères fémorales sectionnées) caractérisait l’intention homicide [6] ;
- La violence d’un coup porté avec une arme blanche est susceptible de caractériser une intention homicide, bien que le mis en examen ait donné un unique coup de couteau avec conscience de la gravité de son geste, sans que la volonté de tuer soit clairement établie [7].
L’appréciation de l’intention homicide est donc un élément crucial dans toute affaire pénale de meurtre. A cet égard, on constate que le juge répressif peut la déduire de divers éléments, tels que la nature et la localisation des coups, les déclarations du mis en examen, et les circonstances entourant l’acte.
1.2 Sanctions.
Le meurtre est puni de trente ans de réclusion criminelle selon l’article 221-1 du Code pénal. Cependant, en présence de circonstances aggravantes, la peine peut être portée à la réclusion criminelle à perpétuité, comme le dispose l’article 221-4 du Code pénal.
Au titre des circonstances aggravantes, on retrouve notamment le meurtre commis :
- Sur un mineur de 15 ans ;
- Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
- Sur une personne vulnérable (âge, maladie, handicap) ;
- Par conjoint ou ex-conjoint, partenaire ou ancien partenaire de PACS ou concubin ;
- En bande organisée ;
- Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants.
Il faut également noter que le meurtre est aggravé lorsqu’il précède, accompagne ou suit un autre crime, ou lorsqu’il a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice. La réclusion criminelle à perpétuité est alors également encourue.
Enfin, l’article 132-23 du Code pénal relatif à la période de sûreté s’applique en cas de condamnation pour meurtre (moitié de la peine ou 18 ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité, avec la possibilité d’augmenter aux deux tiers ou à 22 ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité sur décision spéciale de la juridiction).
Toutefois, cette période de sûreté peut être augmentée à 30 ans ou devenir "totale" en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque :
- La victime est un mineur de quinze ans et que le meurtre est précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ;
- Lorsque le meurtre a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions.
Si le meurtre et l’assassinat font encourir des peines sensiblement identiques, le second diffère en revanche du premier en ses éléments constitutifs.
2. Le crime d’assassinat.
2.1 Définition et éléments constitutifs.
Tout comme le meurtre, l’assassinat implique la volonté de tuer ou intention homicide.
En revanche, il s’en distingue en ce qu’il est une forme aggravée de meurtre. Selon l’article 221-3 du Code pénal, l’assassinat est en effet un meurtre commis avec préméditation ou guet-apens. La préméditation implique que l’auteur a formé le dessein de tuer avant de passer à l’acte, ce qui constitue un élément distinctif par rapport au meurtre.
On pourrait définir la préméditation comme le fait d’avoir réfléchi à l’avance à l’acte criminel, de l’avoir préparé, planifié. Elle suppose une volonté arrêtée de tuer, antérieure à l’exécution.
Le guet-apens, quant à lui, pourrait être défini comme le fait d’attirer volontairement la victime dans un piège, pour lui ôter la vie.
Dans le cas de l’assassinat, l’acte est donc en théorie mûrement réfléchi, délibéré, voire calculé. La jurisprudence a ainsi rappelé que la préméditation est un élément essentiel de l’assassinat, amenant à une analyse factuelle de la préparation du crime [8].
A titre d’exemple, il a déjà été jugé que :
- La préméditation était caractérisée par une série d’actes préparatoires, notamment la filature de la victime avant l’assassinat, l’utilisation d’armes de guerre approvisionnées, et l’organisation de la fuite sans laisser de traces, le requérant ayant marqué sa volonté délibérée de tuer, et non de menacer, en tirant à plusieurs reprises sur la victime, ce qui traduisait une intention homicide claire et une préméditation par la préparation minutieuse de l’acte criminel [9] ;
- La préméditation pouvait être établie même si le mobile de l’infraction demeurait indéterminé, en se basant sur le fait que l’inculpé avait formé, avant l’action, le dessein d’attenter à la personne de la victime [10] ;
- L’absence de mobile déterminé ou prémédité faisait obstacle à la caractérisation de la préméditation [11].
On peut également relever un lien avec la notion de bande organisée, la répartition des rôles pouvant être considérée comme une preuve de préméditation [12].
Ces exemples montrent que la préméditation en matière d’assassinat est souvent caractérisée par des actes préparatoires et une intention claire de commettre le crime, mais que l’absence de mobile déterminé peut parfois remettre en question cette qualification pénale.
2.2 Sanctions.
L’assassinat est directement puni de la réclusion criminelle à perpétuité, conformément à l’article 221-3 du Code pénal.
Pour le surplus, les mêmes règles classiques et dérogatoires que celles exposées supra pour le crime de meurtre s’appliquent en matière d’assassinat.
En résumé, la différence principale entre le meurtre et l’assassinat réside dans la préméditation, qui est un élément constitutif de l’assassinat. Les circonstances aggravantes peuvent augmenter la gravité des peines pour les deux crimes, mais l’assassinat est toujours puni plus sévèrement, avec une peine de réclusion criminelle à perpétuité.