Du côté des juristes d’entreprise.
Oxygen+, en association avec l’AFJE et le Cercle Montesquieu, a publié en juin 2024 son baromètre national (préfacé pour l’occasion par André Comte-Sponville) sur la satisfaction des acteurs du droit dans l’entreprise, fondé sur un panel de 464 répondants (similaire aux panels précédents) : juriste, responsable juridique, directeur(trice) juridique, autre fonction juridique (compliance, contract manager, etc.) [2].
Un chiffre à retenir : presque 79% d’entre eux se disent "globalement satisfaits de leur travail" (soit "une légère inflexion par rapport à 2023 de -3%").
Mais cette mélodie du bonheur connaît tout de même des couacs. Voyons ce que recouvre ce "globalement" ?
Des constats enthousiasmants :
68% des répondants ont répondu positivement à la question "J’ai le sentiment d’être reconnu(e)/valorisé(e) pour mon travail"s soit près de 7 juristes sur 10 ont le sentiment d’être valorisés. C’est là aussi une petite "chute" de 3% par rapport aux chiffres de 2023.
85% considèrent que l’ambiance au sein de la DJ est bonne (comme en 2023) ;
et plus de 84% sont satisfaits du rapport présentiel/télétravail, soit 14 points en 3 ans. Le déclin du télétravail n’est pas pour tout de suite !
Tout ceci est très positif... Néanmoins, on se souvient qu’en 2021, plus de 25 % des répondants se considéraient en situation de surmenage (burn-out) et supportaient une charge de travail (83%), une charge mentale (83%) et un stress (80%) importants.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les choses ne se sont guère améliorées, presque 85% répondant de façon affirmative à la question "Je ressens une charge mentale importante" mais c’est tout de même moins qu’en 2023 (88%).
Et côté burn out : on atteint presque les 30% de répondants se considérant en situtation de surmenage...
Côté carrière des juristes d’entreprise, le bilan est assez mitigé :
à peine 38% des répondants considèrent avoir des perspectives d’évolution (soit une baisse de 3 points depuis 2023) ;
et pour la rémunération, 53% l’estiment en adéquation avec leur travail...
Focus IA de l’édition 2024.
Chaque année le baromètre se termine par un focus spécial, et évidemment pour 2024... il s’agit de l’IA !
On retiendra à ce titre :
- qu’1 juriste sur 2 a déjà utilisé une IA générative pour des raisons professionnelles...
- ... et que 9 juristes sur 10 ont trouvé cette expérience positive ou très positive ;
- que 87% pensent que l’IA va modifier leur façon de travailler ;
- que 8 juristes sur 10 ne considèrent pas que l’IA est une menace pour leur emploi.
Du côté des avocats.
En mai 2024, le CNB a publié la 3ᵉ édition de son enquête emploi, dont une partie est dédié à la QVCT (Page 49).
Premier chiffre général à retenir : 66% se disent satisfaits de leur travail (avec une nuance "tout à fait satisfait" pour 50% et "plutôt satisfait" pour 16%). Encore assez loin du niveau des juristes, donc (79%).
- Extrait de l’enquête emploi CNB Via Voice de mai 2024
Concernant la rémunération, 53% disent en être satisfaits (chiffre identique chez les juristes).
Enfin, troisième point de ce chapitre QVCT : les dimensions qui influencent leur bien-être au travail. C’est la dimension "ambiance et relations de travail" qui se hisse à la première place (69%), devant l’autonomie et la charge de travail (ex aequo à 59%) et la reconnaissance témoignée aux collaborateurs (49%)
Citons à titre de comparaison des données anciennes mais intéressantes. Le CNB avait en effet publié le 7 mai 2021 les résultats de son enquête relative à "l’état de la profession 2021- Les avocats face à la crise" [3], à laquelle 3 330 avocats ont répondu (par téléphone ou en ligne), dans le cadre de la crise sanitaire du Covid 19.
On y apprenait notamment avec joie que près de 80% des avocats se disent satisfaits de leur "situation professionnelle". Nuançons un peu : cela représente 60% de "plutôt satisfaits" auxquels s’ajoutent 20% (seulement) de "très satisfaits".
Tempérons encore plus avec la réponse suivante où l’on apprend que "près d’un avocat sur trois reste déçu par rapport à ses attentes vis-à-vis de la profession".
Pour expliquer cette "déception" notamment, l’étude met en avant les "points noirs" de la profession d’avocat avec en tête :
la rémunération (dont 34% se disent pas du tout satisfaits) contre 33% dans l’étude de 2024.
la conciliation vie privée / vie perso (24% de pas du tout satisfaits contre 29% en 2024, une légère mais significative augmentation...
les possibilités d’évolution de carrière dans la profession d’avocat (22% pas du tout satisfaits).
L’étude se poursuit par le niveau d’optimisme des avocats "qui se maintient au niveau micro, mais qui chute fortement."
En 2024, ils sont encore 23% à envisager de quitter la profession...
Bref, au fur et à mesure de la lecture du rapport, la joie du chiffre précité de 80% s’estompe, d’autant que les chiffres de 2024, pour rappel, ne donnent que 66% de satisfaction...
Vous avez déjà lu ça, non ? Oui quelques lignes plus haut, au paragraphe juriste...