Crise politique. Institutionnelle. Parlementaire. Crise d’identité. Tout cela à la fois avec ce nouveau texte sur l’immigration.
Une performance parce que le cumul désagrège encore un peu plus la cohésion nationale.
C’est le flux incontrôlable et incessant. L’invasion. Trop d’étrangers arrivent sur le territoire national. On n’arrive pas à les absorber alors, pensez-vous, les intégrer. Le gouvernement publie des statistiques difficiles à déchiffrer sur le terrain. Mais tout le monde s’accorde pour reconnaître non pas seulement des métiers en tension mais des secteurs entiers à la recherche de bras.
Bref, notre croissance est menacée. Question démographie, on reste un peu plus pudique.
On ne veut pas de tous les étrangers, c’est compris, mais on en accepterait bien certains. Fort est celui qui connaît les critères face à une administration au pouvoir discrétionnaire.
Si on sait construire une tour Eiffel, on ne sait pas comment accueillir une force vive, économique, riche, souvent francophone, provenant la plupart de nos anciennes colonies. On a beau scruté ce que font Canada et Australie, on n’y arrive pas.
On a juste saisi qu’il faut se montrer impitoyable pour détourner les votes aimantés par une droite extrême et une extrême droite. Les élections européennes en juin 2024 se pointent à l’horizon sans parler de celles de 2027. La maison brûle.
Le pays voudrait probablement juste de la droiture et des hommes et femmes politiques matures mais on n’en est pas ou plus là.
On légifère parce qu’on règle tout avec les lois. C’est un moyen magique. Du moins, on le pense. On cogne parce que cela fait du bruit.
D’abord, le coup de force. La motion de rejet. La satisfaction d’avoir tendu une embuscade au gouvernement qui a enfin marché. La phénoménale illusion qu’il y a un réel contre-pouvoir. Puis le boomerang. La commission mixte parlementaire. La victoire du Sénat. Le vote final.
Et là, le blast. Le déchirement. Les luttes fratricides. Le "fragging". Les troupes qui menacent leur chef.
Pourquoi ne pas avoir fait un référendum. Le peuple sait ce qu’il veut. Ne lui confisquez pas ses droits ! Il n’y a qu’à l’écouter. Mais comment faire un référendum sur un texte de loi aussi long. Il n’y a qu’à refuser les voix du Rassemblement National. Comme Mendès-France a fait en 1954 lors de son investiture, avec son refus des voix communistes. N’est pas PMF qui veut. Mieux, rassurez-vous, on ne promulguera pas le texte, malgré la compétence liée du président de la république. Mais non, on ne peut pas ne pas le promulguer, alors on le promulguera et on ne l’appliquera pas. Ne parions pas sur l’intelligibilité d’une telle option.
Le nouveau texte se veut une hémostase. Il se veut un frein à l’immigration et une machine à expulsion. Il est déjà nécrotique.
Il se perd dans les points cardinaux du droit. On est dans l’acceptabilité, l’autorisation, l’interdiction, la dérogation, la restriction. Sans critères précis. Le risque est connu. Le droit dérogatoire empiète toujours sur le droit discriminatoire.
Considérer les étrangers comme des intrus n’empêche pas la vulnérabilité de beaucoup. Les incessants revirements politiques sur l’aide médicale d’État, ne préjugent rien de bon sur le respect de nos valeurs fondamentales.
Le terrain constitutionnel ressemble à une landing zone. Comment faire atterrir un texte où la préférence nationale prime et où les contradictions règnent. Il n’y a pas seulement certains métiers en tension, il y a le droit constitutionnel dans nombre de ses dispositions.
Le jour d’après la décision du Conseil constitutionnel, le déferlement des textes réglementaires, arrêtés, décrets, circulaires, embolisera un peu plus les préfectures et les tribunaux administratifs.
Pour finir, voici le sujet à traiter : "La politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes." (Gérard Darmanin, 19 décembre 2023 à la tribune du Sénat).
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