1. Délit ou delito ? divergences franco-espagnoles et conséquences pour les juristes.
L’infraction pénale (en espagnol, la infracción penal) est une transgression de la loi, qui consiste à accomplir un fait interdit par la loi sous la menace d’une peine [1]. Une autre définition de l’infraction pénale est l’action ou l’omission violant une norme de conduite strictement définie par un texte d’incrimination entraînant la responsabilité pénale de son auteur [2].
Le droit pénal repose sur la classification d’infractions pénales comme comportements que la société considère suffisamment graves. Cette classification varie significativement d’un pays à un autre. Le droit français et le droit espagnol ne sont pas une exception.
Le terme délit (en espagnol, el delito) occupe une place centrale dans le droit pénal. Dans le cadre du droit pénal comparé France-Espagne, la distinction du terme délit dans chaque pays revêt une importance cruciale. La coopération judiciaire entre la France et l’Espagne comme deux États membres de l’Union européenne et deux pays frères est en constante augmentation. Le passage du français à l’espagnol et inversement peut exposer à des malentendus et à des conclusions graves. Tel est le cas entre les concepts délit en langue française et delito en langue espagnole. La forte ressemblance phonétique entre les deux peut provoquer la confusion.
Si les mots délit et delito semblent similaires sur un plan linguistique, il s’agit de deux notions différentes sur le plan juridique de chaque pays. En Espagne, le mot delito désigne toute infraction pénale et en France, le délit est une infraction pénale. Ces différences juridiques compliquent l’étude comparée du droit pénal français et espagnol.
L’article 10 du Code pénal espagnol définit le délit comme les actions et omissions volontaires ou imprudentes punies par la loi (en espagnol, son delitos las acciones u omisiones dolosas o imprudentes penadas por la ley).
Si l’article 13 du Code pénal espagnol distingue entre les délits graves, les délits moins graves et les délits mineurs, l’article 111-1 du Code pénal français établit que les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions. En France, le délit est une infraction de gravité intermédiaire entre les contraventions et les crimes. Le mot délit désigne l’infraction pénale que la loi punit d’emprisonnement ou d’amende égale ou supérieure à 3 750 euros ; l’emprisonnement allant de 2 mois au moins à 10 ans au plus, selon l’article 381 CPP français [3].
Il faut donc utiliser l’expression infraction pénale au lieu de délit (la traduction exacte du mot espagnol delito) pour ne pas générer de la confusion avec le délit français. L’utilisation du terme délit pour désigner toute infraction pénale pourrait prêter à confusion chez les juristes francophones. Ces différences pourraient avoir des implications pratiques en coopération juridique bilatérale entre la France et l’Espagne, surtout s’il faut traduire ou interpréter la loi pénale. Une bonne traduction de la loi pénale est fondamentale pour bien interpréter la loi pénale. Une réduction des différences entre les termes délit et delito pourrait permettre l’exécution des défis posés par la coopération judiciaire franco-espagnole.
2. La classification tripartite des infractions pénales et des peines.
2.1. Classification des infractions pénales.
Une des différences les plus importantes entre le droit pénal espagnol et français est qu’il n’y a pas de coïncidence parmi les infractions pénales. Si les deux partagent une classification tripartite des infractions pénales, il n’y a pas d’équivalence entre les catégories d’infractions pénales des deux pays. Chaque pays a sa propre terminologie et ses propres critères de gravité. En droit pénal espagnol, la suppression des faltas a redéfini quelques infractions pénales mineures. Par exemple, un delito leve espagnol pourrait correspondre à une contravention ou un délit en France.
Dans les deux pays, la division tripartite des infractions pénales correspond à la nomenclature des peines encourues. Les articles 13 du Code pénal espagnol et 131-1 et suivants du Code pénal français corroborent cette affirmation.
Les infractions pénales en France.
En France, l’article 111-1 du Code pénal français dit que les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions. La contravention est l’infraction pénale la moins grave, le crime l’infraction pénale la plus grave et le délit est une infraction de gravité intermédiaire :
- Les contraventions sont les infractions pénales que la loi punit d’une amende n’excédant pas 3 000 euros, selon l’article 131-13 du Code pénal français.
- Le mot délit désigne l’infraction pénale que la loi punit d’emprisonnement ou d’amende égale ou supérieure à 3 750 euros ; l’emprisonnement allant de 2 mois au moins à 10 ans au plus, selon l’article 381 du Code de procédure pénale français [4].
- Une infraction est un crime si la réclusion criminelle ou la détention criminelle est supérieure à dix ans, selon l’article 131-1 du Code pénal français.
Les infractions pénales en Espagne.
En Espagne, l’article 13 du Code pénal espagnol établit la distinction tripartite :
- Les infractions graves (en espagnol, los delitos graves) sont des infractions que la loi punit d’une peine grave.
- Les infractions moins graves (en espagnol, los delitos menos graves) sont des infractions que la loi punit d’une peine moins grave.
- Les infractions mineures (en espagnol, los delitos leves) sont des infractions que la loi punit d’une peine légère.
2.2. Classification des peines.
La classification tripartite des peines est un élément central en droit pénal français et espagnol. Les seuils de distinction des peines varient dans chaque pays. La comparaison des classifications des peines entre le droit français et espagnol est essentielle pour harmoniser les pratiques juridiques dans le cadre de l’Union européenne, notamment en matière d’extradition et de reconnaissance des jugements. Les terminologies utilisées dans les deux pays peuvent entraîner des malentendus. De la même manière que pour les infractions pénales, pour les peines il faut porter une attention toute particulière aux concepts juridiques.
Une caractéristique commune du Code pénal espagnol et du Code pénal français a été la suppression des peines privatives de liberté pour les infractions pénales les moins graves. En France, le Code pénal français de 1994 a supprimé les peines privatives de liberté en matière contraventionnelle. Cette suppression a permis une atténuation du déclin du principe de légalité [5].
Le droit pénal français et espagnol mettent l’accent sur la rééducation et la réinsertion sociale des condamnés comme un objectif central. En France, cette finalité est ancrée dans l’article 130-1 du Code pénal français. Selon cet article, « afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonction : de sanctionner l’auteur de l’infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». Le système espagnol a inclus cet objectif dans la Constitution espagnole de 1978. Son article 25 dit que les peines privatives de liberté doivent viser la rééducation et la réinsertion sociale. La rééducation et la réinsertion sociale offrent une deuxième chance aux délinquants.
Le problème de la traduction du terme prisión par ceux de réclusion ou détention criminelle et emprisonnement.
L’étude comparée entre les peines françaises et espagnoles pourrait être compliquée en raison des termes utilisés pour désigner l’emprisonnement et la détention et réclusion criminelle :
- En France, le terme emprisonnement est utilisé pour les délits et les termes détention criminelle et réclusion criminelle sont utilisés pour les crimes.
- En espagnol, le terme prisión est un terme générique qui couvre tous les types de privation de liberté.
Pour bien traduire le terme espagnol prisión à la langue française, il faut comprendre le contexte de l’infraction pénale : - Si le terme prisión s’applique à une infraction pénale équivalente à une infraction criminelle française, le terme à utiliser est réclusion criminelle ou détention criminelle en langue française.
- Si le terme prisión s’applique à une infraction de gravité moyenne (en Espagne, delito menos grave), la traduction est emprisonnement.
Les peines en droit pénal français.
Le Code pénal français distingue les peines en fonction du type de l’infraction. La nature des peines est réglée dans les articles 131-1 à 131-49 du Code pénal français. Les peines sont criminelles, délictuelles et contraventionnelles. Le droit français distingue les peines principales, complémentaires et alternatives.
Les peines criminelles sont prévues dans les articles 131-1 et 131-2 du Code pénal. L’article 131-1 du Code pénal français prévoit comme peines criminelles quatre durées de réclusion criminelle ou de détention criminelle, desquelles il fixe le maximum : la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, la réclusion criminelle ou la détention criminelle de trente ans au plus, la réclusion criminelle ou la détention criminelle de vingt ans au plus, la réclusion criminelle ou la détention criminelle de quinze ans au plus.
L’article 131-3 du Code pénal français prévoit les peines correctionnelles : l’emprisonnement, la détention à domicile sous surveillance électronique, le travail d’intérêt général, l’amende, le jour-amende, les peines de stage, les peines privatives ou restrictives de droits prévues dans l’article 131-6 et la sanction-séparation.
Les peines contraventionnelles, selon l’article 131-12 du Code pénal français, sont l’amende, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-14 et la peine de sanction-réparation de l’article 131-15-1.
Les peines en droit pénal espagnol.
L’article 13 du Code pénal espagnol donne une classification des infractions pénales selon la peine encourue. Pour mieux comprendre la classification tripartite, il faut connaître les peines graves, moins graves et mineures. L’article 33 du Code pénal espagnol délimite ces infractions.
Les peines graves (en espagnol, las penas graves) son :
- La prison permanente révisable. La prison permanente révisable espagnole présente des similitudes avec la réclusion et la détention criminelle : les deux peines sanctionnent les infractions pénales les plus graves et prévoient une privation de liberté qui peut être de longue durée et incluent la possibilité de révision en fonction du comportement du condamné.
- L’emprisonnement supérieur à 5 ans.
- La disqualification absolue.
- La disqualification spéciale pour une période supérieure à cinq ans.
- La suspension d’emploi et de la fonction publique pendant plus de cinq ans.
- La privation du droit de conduire des véhicules à moteur et des cyclomoteurs pour une durée supérieure à huit ans.
- La privation du droit de posséder et de porter des armes pour une durée supérieure à huit ans.
- La privation du droit de résider dans certains lieux ou de s’y rendre pour une durée supérieure à cinq ans.
- L’interdiction de s’approcher de la victime ou de sa famille ou d’autres personnes déterminées par le juge ou le tribunal pour une durée de cinq ans.
- L’interdiction de communiquer avec la victime ou avec sa famille ou d’autres personnes déterminées par le juge ou le tribunal pour une durée supérieure à cinq ans.
- La privation de l’autorité parentale.
Les peines moins graves (en espagnol, las penas menos graves) sont :
- L’emprisonnement de trois mois à cinq ans.
- Les disqualifications spéciales pouvant aller jusqu’à cinq ans.
- La suspension d’emploi et de la fonction publique pour une durée maximale de cinq ans.
- La privation du droit de conduire des véhicules à moteur et des cyclomoteurs pour une durée entre un an et un jour à huit ans.
- La privation du droit de posséder et de porter des armes d’un an et un jour à huit ans.
- L’interdiction spéciale pour l’exercice d’une profession, d’un métier ou d’un commerce lié aux animaux et pour la possession d’animaux d’un an et un jour à cinq ans.
- La privation du droit de résider dans certains lieux ou de s’y rendre, pour une durée de six mois à cinq ans.
- L’interdiction d’approcher la victime ou de sa famille ou d’autres personnes déterminées par le juge ou le tribunal pour une durée de six mois à cinq ans.
- L’amende de plus de trois mois.
- L’amende proportionnelle dans les termes de l’article 33.
- Les travaux au profit de la communauté de trente et un jours à un an.
Les peines mineures (en espagnol, las penas leves) sont :
- La privation du droit de conduire des véhicules à moteur et des cyclomoteurs de trois mois à un an.
- La privation du droit de posséder et de porter des armes pendant trois mois à un an.
- L’interdiction spéciale pour l’exercice d’une profession, d’un métier ou d’un commerce lié aux animaux, et pour la possession d’animaux de trois mois à un an.
- La privation du droit de résider dans certains lieux ou de s’y rendre pour une durée inférieure à six mois.
- L’interdiction d’approcher la victime ou sa famille ou d’autres personnes déterminées par le juge ou le tribunal, pour une durée allant d’un mois à moins de six mois.
- L’interdiction de communiquer avec la victime ou sa famille ou d’autres personnes déterminées par le juge ou le tribunal, pour une durée allant d’un mois à moins de six mois.
- L’amende pouvant aller jusqu’à trois mois.
- La localisation permanente d’un jour à trois mois.
- Travailler au profit de la communauté d’un à trente jours.