L’inégalité de traitement persistante entre hommes et femmes dans le sport en France.

Par Angela Autier-Chanot, Avocate.

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Explorer : # inégalités de genre # sport féminin # Égalité des sexes # discrimination

Malgré les avancées significatives des dernières décennies, il reste des inégalités persistantes entre les sexes dans le monde du sport. Le droit peut aider à résoudre ces problèmes d’inégalité en offrant une base légale pour poursuivre les cas de discrimination de genre dans le sport, en mettant également en place des mécanismes pour surveiller et sanctionner les pratiques discriminatoires.

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Cependant, la mise en œuvre effective de ces mesures nécessite une prise de conscience collective et une volonté politique forte pour changer les mentalités et les comportements sexistes.

Etat des lieux en France.

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 seront le plus grand événement jamais organisé en France. Ils se tiendront du 26 juillet au 11 août 2024. Si cette problématique de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le sport n’est pas nouvelle [1], la tenue prochaine de cet évènement sportif très attendu sur le territoire français nous invite à nous interroger sur le caractère persistant de cette inégalité qui pèse sur les femmes et sur les moyens mis à la disposition des praticiens du droit pour y remédier. En effet, « comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles ».

Le sport est souvent considéré comme un terrain neutre, où les capacités physiques et la performance sont les seuls facteurs qui déterminent la victoire ou la défaite.

Cependant, dans de nombreux cas, le sport est marqué par des inégalités entre les hommes et les femmes, qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles. En France, le droit s’est efforcé de remédier à ces inégalités et de promouvoir l’égalité des sexes dans le sport.

Le droit français a mis en place différentes mesures pour promouvoir l’égalité des sexes dans le sport. L’une des mesures les plus significatives est la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes [2], qui vise à garantir l’égalité de traitement entre les sexes dans tous les domaines de la vie, y compris dans le sport.

Cette loi prévoit notamment des dispositions relatives à la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives, ainsi que des mesures pour lutter contre les stéréotypes de genre dans le sport.

En outre, la loi française [3] interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans le domaine du sport. Ainsi, les athlètes doivent être traités de manière égale, sans distinction de sexe, et ont le droit de participer à toutes les compétitions sportives dans les mêmes conditions que les athlètes de l’autre sexe. Les fédérations sportives sont tenues de respecter cette égalité et de promouvoir des pratiques sportives équitables et respectueuses des droits de tous les athlètes.

Parmi les évolutions positives et les efforts fournis en la matière, il est intéressant de citer le programme Dirigeantes [4], mené par Sarah Ouhramoune. Initié en janvier 2020 par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), ce programme a pour objectif de soutenir la féminisation des instances dirigeantes sportives et de valoriser l’engagement des femmes dans le sport par le biais de différentes actions.

Dirigeantes s’inscrit ainsi dans la continuité d’une politique menée depuis un quart de siècle par le CNOSF et le sport français [5].

Malgré ces mesures, des inégalités entre les sexes persistent dans le sport. À titre d’illustration, les femmes sont souvent sous-représentées dans les instances dirigeantes des fédérations sportives, et elles ont moins d’opportunités que les hommes pour accéder aux compétitions et aux postes d’entraîneurs et d’arbitres. Les femmes reçoivent également souvent moins de soutien financier que les hommes pour leur carrière sportive.

En effet, bien que la situation évolue progressivement [6], dans les médias et le sponsoring, l’écart entre le sport féminin et le sport masculin demeure à ce jour abyssal.

Pour remédier à ces inégalités persistantes, le droit français peut mettre en place des mesures supplémentaires pour promouvoir l’égalité des sexes dans le sport. Ces mesures pourraient inclure des quotas pour assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives, des actions visant à promouvoir l’accès des femmes aux compétitions sportives et des programmes de soutien financier spécifiques pour les athlètes féminines.

Droit comparé - droit américain.

Cette problématique de l’inégalité persistante entre hommes et femmes dans le sport n’est pas propre à la France.

A titre de comparaison, aux États-Unis, la question de l’égalité hommes-femmes dans le sport est également importante. Le pays a mis en place des politiques et des initiatives pour promouvoir l’égalité des sexes dans tous les domaines, y compris le sport. Dans cette dynamique, le titre IX de la loi sur l’éducation (Education Amendments Act of 1972) a été adopté en 1972 [7]. Cette loi interdit la discrimination sexuelle dans les programmes éducatifs fédéraux, y compris le sport, et garantit aux femmes les mêmes opportunités que les hommes pour participer aux programmes sportifs universitaires financés par le gouvernement fédéral. Cette loi a eu un impact significatif sur le développement du sport féminin aux États-Unis et a permis l’émergence de nombreuses athlètes de haut niveau.

Malgré ces avancées positives, des inégalités persistent également dans le sport aux États-Unis. Selon un rapport publié en 2019 par le Women’s Sports Foundation [8], les femmes sont toujours sous-représentées dans les médias sportifs, tant en termes de couverture que de commentaires. Les femmes sont également moins bien rémunérées que les hommes dans de nombreux sports professionnels. Par exemple, les joueuses de football de la ligue nationale de football féminin (NWSL) gagnent en moyenne environ 25 000 dollars par an, tandis que les joueurs de football de la Major League Soccer (MLS) gagnent en moyenne environ 330 000 dollars par an.

Cependant, de nombreuses organisations et initiatives ont été mises en place pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans le sport aux États-Unis. Par exemple, la Women’s Sports Foundation œuvre en vue de fournir des opportunités sportives équitables pour les femmes à tous les niveaux de compétition, du sport de loisir au sport de haut niveau. De plus, les athlètes féminines ont été de plus en plus actives dans la promotion de l’égalité des sexes dans le sport et ont utilisé leur plate-forme pour attirer l’attention sur les problèmes d’inégalité.

Le rôle fondamental des praticiens du droit.

Les praticiens du droit, au premier rang desquels les avocats, jouent un rôle fondamental dans l’évolution de la condition des femmes dans le sport et, plus largement, dans la société dans son ensemble. En France, un groupe de 14 footballeuses professionnelles - représentées par un confrère bien reconnu pour son expertise en droit du sport - ont intenté un procès en 2019 pour réclamer des salaires égaux à ceux de leurs homologues masculins. Les joueuses ont porté plainte contre la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP) pour discrimination sexiste.

Les joueuses, qui ont remporté la Coupe du Monde féminine de la FIFA en 2019, ont souligné les écarts de salaires significatifs entre les joueurs et les joueuses professionnelles de football en France. Selon les chiffres avancés, la moyenne des salaires annuels pour les joueurs de football masculins est d’environ 40 000 euros, tandis que la moyenne pour les joueuses professionnelles de football est d’environ 16 000 euros.

Les joueuses ont également déclaré que leur temps de jeu était limité, que les installations d’entraînement et les conditions de voyage étaient moins bonnes que celles des joueurs masculins et que les primes étaient moins élevées pour les joueuses.

En juin 2021, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande des joueuses, confirmant la décision prise en première instance en 2020 [9].

La cour a ainsi retenu que la FFF avait établi des critères objectifs pour la détermination des salaires et que les joueuses ne pouvaient par conséquent pas prouver que ces critères étaient discriminatoires.

Cependant, le procès a soulevé des questions importantes sur les écarts de salaires entre les joueurs et les joueuses professionnelles de football en France, et a contribué à mettre en lumière les problèmes d’inégalité dans le sport féminin.

Aux États-Unis, Il y a eu un procès similaire très médiatisé intenté par les joueuses de l’équipe de football féminin des États-Unis en mars 2019 afin d’obtenir l’égalité salariale avec les joueurs de l’équipe masculine. Bien que les joueuses aient été déboutées de leur demande par la justice fédérale américaine, les joueuses sont parvenues à trouver un accord avec la Fédération américaine de soccer en septembre 2021, pour mettre fin au litige. Selon les termes de l’accord, les joueuses recevront une compensation pour les différences de traitement salarial passées et la fédération s’est engagée à mettre en œuvre des mesures pour réduire les disparités de traitement à l’avenir [10].

En conclusion, à l’image d’autres pays, le droit français a mis en place différentes mesures pour promouvoir l’égalité des sexes dans le sport. Cependant, des inégalités persistent, et il est important de continuer à sensibiliser et attirer l’attention du public et des instances dirigeantes sur ces problématiques afin de garantir que tous les athlètes, hommes et femmes, aient les mêmes chances de réussir leur carrière sportive. En effet, le sport constitue le révélateur, le miroir grossissant des inégalités auxquelles sont confrontées les femmes en France et dans le monde.

Angela Autier-Chanot, Avocate au Barreau de Paris
IBLS Group
angela.autierchanot chez ibls-group.com
www.ibls-group.com

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Notes de l'article:

[1Rapport d’information du Sénat n° 650 (2010-2011), « Égalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles », déposé le 21 juin 2011, disponible en ligne : https://www.senat.fr/rap/r10-650/r10-65021.html

[2Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

[3Article L113-2 du Code du sport.

[5Insufflée par le Comité international olympique (CIO), cette dynamique puise ses racines au cœur du Congrès du Centenaire du Comité international olympique, réuni à Paris en 1994. Ses résolutions finales intègrent en effet des décisions destinées à favoriser l’admission des femmes dans les instances exécutives du sport. L’année suivante, le CIO crée son groupe de travail Femme et sport, un organe consultatif chargé de conseiller la commission exécutive sur la politique à mener afin d’accroître la participation féminine dans le sport à tous les niveaux, et invite les fédérations internationales et comités nationaux olympiques à faire élire 10% de femmes dans leurs organes.

[6Sponsoring, « Le sport féminin de haut niveau face à un tournant de son histoire », publié le 9 décembre 2021, article disponible en ligne : https://www.sponsoring.fr/economie/le-sport-feminin-de-haut-niveau-face-a-un-tournant-de-son-histoire-439803.shtm

[7Texte de la loi Education Amendments Act of 1972 (Titre IX) : https://www.govinfo.gov/content/pkg/STATUTE-86/pdf/STATUTE-86-Pg235.pdf

[8Rapport de l’état du sport féminin en 2019 du Women’s Sports Foundation disponible en ligne : https://www.womenssportsfoundation.org/wp-content/uploads/2019/04/coaching-through-a-gender-lens-report-web.pdf

[9Le Monde : "Football féminin : les joueuses françaises perdent leur procès en appel pour égalité salariale" (juin 2021) : https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/06/28/football-feminin-les-joueuses-francaises-perdent-leur-proces-en-appel-pour-egalite-salariale_6081845_3242.html

[10The New York Times : « U.S. Soccer and Women’s Players Agree to Settle Equal Pay Lawsuit » (février 2022) : https://www.nytimes.com/2022/02/22/sports/soccer/us-womens-soccer-equal-pay.html ; Radio France : Football : les joueuses de l’équipe nationale américaine obtiennent (enfin) l’égalité salariale (mai 2022) : https://www.radiofrance.fr/franceinter/football-les-joueuses-de-l-equipe-nationale-americaine-obtiennent-enfin-l-egalite-salariale-6808850

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