La gratuité des loyers en échange de travaux est-elle valide ?

Par Grégory Rouland, Avocat.

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Explorer : # logement décent # clause abusive # travaux locatifs # loyers impayés

Dans un intéressant arrêt du 13 février 2014 (RG n°11/22094), la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la validité d’une clause précisant qu’un local d’habitation étant inhabitable, le locataire se chargera d’effectuer les travaux nécessaires en contrepartie de la gratuité du loyer pendant un an.

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Une SCI donne à bail un pavillon à usage d’habitation à un couple, moyennant le règlement de loyers mensuels révisables de 700 €.

Le contrat de location a pour particularité de stipuler « l’état inhabitable du pavillon » et d’offrir aux locataires la gratuité du loyer pendant un an en contrepartie de l’exécution de travaux de réfection logement

Trois ans après la conclusions du bail, le bailleur fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail aux locataires aux fins de paiement d’une somme de 13.776,10€ euros au titre des loyers impayés.

La SCI assigne le couple devant le tribunal d’instance demandant à cette juridiction de constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et d’ordonner l’expulsion des locataires.

Le Tribunal d’instance rejette ses demandes au motif que le pavillon donné à bail était inhabitable et qualifie d’abusive et de non écrite la clause particulière du bail mettant à la charge des locataires des travaux en contrepartie la gratuité du loyer pendant un an.

La SCI interjette appel.

La Cour d’appel de Paris rappelle que si en vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, les parties à un contrat de bail peuvent expressément convenir dans une clause de travaux, que le locataire exécutera des travaux, dont le coût s’imputera sur le loyer, une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques d’un logement décent et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

De fait, dans la présente affaire, les juges d’appel ont déclaré la clause de travaux nulle, car :

- elle était imprécise tant sur la nature, que sur les modalités des travaux à exécuter
- elle pouvait être unilatéralement interprétée par le bailleur
- elle contrevenait aux dispositions d’ordre public de l’article 6 de la loi de 1989 précitée, imposant au bailleur de remettre au locataire un logement en bon état d’usage et prohibant la mise en location d’un logement inhabitable.

La solution est parfaitement logique et respectueuse du droit en vigueur.

Pour autant, il ne faudrait pas croire que la Cour a exonéré les locataires de leur obligation de s’acquitter des loyers impayés.

En effet, il s’est avéré que le logement n’était pas inhabitable, car les preneurs y sont demeurés 3 ans de suite, si bien que la Cour a infirmé (sur ce point) le jugement et fait droit aux demandes en paiement et en expulsion formulées par le bailleur.

3 points à retenir de cet arrêt

- Le locataire ne peut prendre à sa charge les travaux si le logement est indécent et inhabitable.
- Une clause de travaux ne peut pas être formulée dans l’intérêt exclusif du bailleur et au préjudice du locataire.
- Une telle clause peut être envisagée si le logement est décent, s’il ne laisse apparaître aucun risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé du preneur et s’il est doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Grégory Rouland
Docteur en Droit et Avocat
gregory.rouland chez outlook.fr

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