Fonction : Juge aux affaires familiales, témoignage de France Rouzier.

Fonction : Juge aux affaires familiales, témoignage de France Rouzier.

Témoignage proposé par l’Association Juristes d’avenir.

L’association Juristes d’avenir [1], créée en 2020, a pour objectif de rendre les études de droit et ses débouchés plus accessibles. A ce titre, elle collabore avec différents professionnels (magistrats, avocats, délégués européens, professeurs des Universités, huissiers, OPJ, collaborateur parlementaire etc.) et propose des "fiches de poste" sous la forme de témoignages.
Son objectif est de délivrer des messages positifs aux étudiants en démontrant qu’aucun parcours n’est rectiligne.
Cette initiative rejoignant la philosophie du Village de la Justice, nous nous proposons de partager le témoignage de France Rouzier, Juge aux affaires familiales (JAF) et magistrat détaché à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM).

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1) Parcours et matières privilégiées.

« Après un Bac scientifique, j’ai effectué une année de classe préparatoire pour préparer les concours d’entrée dans les différents instituts d’études politiques. Admise à Sciences Po. Bordeaux, j’ai choisi de suivre en parallèle les enseignements de la faculté de Droit, afin de bénéficier à la fois de connaissances en culture générale et d’une solide méthodologie grâce à Sciences Po., tout en bénéficiant de cours et TD en droit privé grâce à la faculté. J’ai ainsi passé trois années dans ce double cursus Droit et Sciences po. Un stage dans une maison de la Justice et du Droit m’a permis de rencontrer de nombreux professionnels du Droit : greffier, avocat, huissier, notaire, officier du ministère public, éducateur PJJ… et cela a conforté mon orientation professionnelle dans la Fonction publique et le Droit, direction la magistrature. 

Les trois années de Sciences Po. étant à l’époque validées comme une maîtrise (Bac + 4), j’ai immédiatement tenté le concours de l’Ecole nationale de la magistrature, sans succès… Cet échec m’a conduit à consacrer une année à la préparation du concours, en m’inscrivant au CPAG de Sciences Po. Bordeaux et à des cours à la faculté de Droit. J’ai également passé et réussi le concours de greffier en chef (désormais directeur de greffe des services judiciaires) et j’ai débuté ma scolarité à l’Ecole nationale des greffes de Dijon en octobre 2002. J’ai rapidement intégré l’Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux en janvier 2003. 

Je n’ai donc pas de master mais un diplôme de Sciences Po. Bordeaux avec l’option « Service public », un DEUG de droit et un DU de criminologie. Les matières étudiées sont en lien avec mon double parcours, car j’ai fait de l’histoire, de l’économie, des langues, du droit public, du droit privé… une formation très large qui m’a bien préparé aux concours ». 

2) Les difficultés rencontrées durant le parcours.

« Le rythme de travail acquis lors de l’année en classe préparatoire m’a permis de suivre un double cursus, ce qui nécessite une organisation sans faille pour récupérer les cours, les travailler seule, préparer les TD et examens de la faculté et de Sciences Po. 
Les difficultés étaient souvent liées à ce cumul de deux parcours, d’autant que toutes les possibilités offertes par la faculté de Droit et par Sciences Po. m’intéressaient : un diplôme en droit anglais (je l’ai commencé mais je n’ai pu le finir…), une année à l’étranger (j’ai dû renoncer…), les DU (j’ai « craqué » pour la criminologie l’année de la préparation du concours). 

La vie étudiante est riche et il a fallu faire des choix, ce qui n’est pas évident quand on ne sait pas précisément ce que l’on veut faire ou que l’on n’a pas la certitude d’y parvenir. Mon conseil : être à la fois pragmatique pour choisir des matières utiles, mais aussi à l’écoute de ce qu’on aime pour choisir des matières qui vous plaisent ».

3) La profession actuelle (missions et préférences).

 

« Suite à ma formation à l’ENM, j’exerce comme magistrat depuis 2005 : juge d’instruction, juge d’instance, juge aux affaires familiales, vice-procureur, et maintenant magistrat détaché à l’école nationale de la magistrature, j’ai une carrière très diversifiée. 

J’ai exercé tant en matière civile qu’en matière pénale, au siège qu’au parquet, principalement dans de petites juridictions. 
J’aime le contact avec les justiciables lors des audiences, la vie du palais avec les greffiers, les avocats, les enquêteurs, le travail intellectuel pour construire un raisonnement juridique et rédiger un jugement, les échanges avec les magistrats pour délibérer sur les dossiers les plus complexes. 
J’apprécie beaucoup de siéger aux Assises et de pouvoir échanger avec les jurés qui découvrent le monde judiciaire. Ils ont plein de questions à poser et manifestent un grand intérêt pour la justice. 
Je me suis intéressée à la formation des futurs magistrats et j’étais responsable des auditeurs de justice (c’est ainsi que l’on nomme les élèves magistrats de l’ENM) dans plusieurs juridictions : organisation de leur planning, suivi de leur progression, formation, évaluation… J’ai également enseigné la fonction de juge aux affaires familiales aux élèves magistrats pendant leur scolarité à Bordeaux. 

Après 15 années passées en juridiction, j’ai eu l’opportunité de rejoindre l’Ecole nationale de la magistrature et je m’occupe actuellement de l’évaluation des élèves magistrats, par exemple en allant les observer tenir des audiences. J’organise aussi des actions de formation pour les magistrats en fonction et j’assure la promotion du métier de magistrat auprès des étudiants. 
L’ENM a ainsi ouvert une classe prépa talent à Lyon afin de permettre à des étudiants boursiers et méritants de préparer le concours d’entrée dans d’excellentes conditions ». 

4. Quelle est la journée type d’un juge aux affaires familiales ?

« La journée type d’un juge aux affaires familiales commence par une audience : au cours de la matinée, le juge va recevoir entre quinze et vingt familles, avec ou sans avocat, qui vont exprimer devant lui leurs demandes concernant les enfants communs. Le juge doit comprendre les demandes de chaque parent et déterminer quel est l’intérêt de l’enfant. A l’issue de l’audience, pendant une à deux journées, le juge va rédiger les jugements, c’est-à-dire qu’il va analyser les demandes en droit et en fait, en regardant les pièces du dossier (qui seront par exemple des attestations des proches, des bulletins scolaires, des photographies, des bulletins de paye pour fixer la pension alimentaire…). Parfois, il entend l’enfant mineur sur sa situation. Lorsqu’il a pris sa décision, le juge doit écrire les motifs qui l’ont conduit à décider ainsi et sa décision doit être claire et compréhensible ».

5. Quelles sont les qualités humaines et professionnelles à posséder pour mener à bien ses missions en tant que juge aux affaires familiales ?

« Les qualités d’un juge aux affaires familiales sont liées à sa capacité d’écoute des parents et de leurs avocats, afin de bien comprendre quelle est la situation familiale de chaque enfant. Il faut aussi savoir expliquer clairement et simplement la loi, car beaucoup de parents et d’enfants ont de fausses croyances. Par exemple, beaucoup d’enfants pensent qu’à 16 ans, ils peuvent décider librement d’aller vivre chez leur père ou chez leur mère...ce qui est faux puisque les parents exercent l’autorité parentale jusqu’à la majorité de l’enfant. 

Le juge aux affaires familiales doit être un professionnel efficace et organisé, car la charge de travail est importante, avec une moyenne de deux audiences par semaine, outre des jugements de divorce, des liquidations de régimes matrimoniaux, des auditions de mineurs, etc. 
Le JAF doit se former non seulement au droit de la famille, mais également avoir des notions en sociologie de la famille, connaître la gestion d’un budget familial, comprendre les mécanismes du conflit parental, le développement psychologique d’un enfant. 
Le juge aux affaires familiales anime par ailleurs des partenariats avec les médiateurs familiaux, la CAF, les lieux de rencontres médiatisées. 

C’est une fonction riche dans laquelle il faut avoir beaucoup d’humilité car les décisions ne sont pas simples à prendre, et elles impactent durablement les enfants et les familles concernés ». 

6. Conseils à donner aux étudiants pour réussir le concours d’accès à l’ENM.

« Le concours d’accès à l’ENM est sélectif et il faut prendre le temps de se préparer de manière efficace, une année de préparation dédiée me semble nécessaire. Préparer le concours à plusieurs est assurément un atout pour se mobiliser sur la durée, s’entraider et se soutenir. Il faut être réaliste sur son niveau, sans se mettre de barrières : un bon étudiant, motivé et sérieux dans son travail, qui prend le temps de se préparer, peut réussir le concours. Il n’y a pas que des majors à promo à l’ENM !

Pour les étudiants boursiers, le dispositif des classes prépa talent de l’ENM est une réelle opportunité : préparation en petit groupe, programme entièrement calé sur les épreuves du concours, tutorat par un magistrat, stage en juridiction… 

Pour les autres étudiants, il faut bien identifier ses points faibles et les travailler dès que possible. Par exemple, les étudiants en droit pourront utilement commencer à travailler la culture générale dès la première année de Master.

Dans tous les cas, la réalisation d’un stage est toujours une opportunité pour confirmer son projet professionnel : ne pas hésiter à solliciter de petites juridictions, ou bien les maisons de la Justice et du Droit. 

Et pour se détendre, aller lire le blog suivant : From ENM with love, Chroniques de la préparation au concours de l’ENM ».

Témoignage proposé par l’Association Juristes d’avenir.

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