Il convient de s’intéresser à un Arrêt de la Cour d’appel d’Orléans, qui a été rendu en décembre et vient aborder la problématique de la contestation, par des consommateurs qui ont investi dans un panneau photovoltaïque, de la créance bancaire liée au financement de cette pose de panneau photovoltaïque dument contestée.
Cette même jurisprudence vient également mettre en exergue trois autres points plus précis et notamment :
1. Le fait que les consommateurs contestaient l’opposabilité de la cession de créance qui avait été faite par l’établissement financier à un autre établissement ;
2. Ces derniers venaient contester le fait qu’ils avaient, véritablement, signés les actes de prêt accompagnant le devis et le contrat de pose de panneau photovoltaïque ;
3. Cette jurisprudence met également en exergue la capacité de quelques créanciers de tenter de récupérer sa créance, par les voies contractuelles à tout le moins au travers d’une notion d’enrichissement sans cause ou encore dans la répétition de l’indu.
Quels sont les faits ?
Suivant bon de commande conclu en novembre 2012, il …. A confié à une Société C, qui a été placée par la suite en liquidation judiciaire par jugement du 10 Octobre 2014, la fourniture et la pose d’un panneau photovoltaïque pour un prix de 25.800€.
Cette installation avait été financée par le Banque S, au moyen d’un prêt de 25.800€ remboursable en 180 mensualités outre un taux contractuel de 5,79%.
Cependant, les consorts F, insatisfaits de l’installation litigieuse, ont alors saisi le Juge des Référés aux fins d’ordonner une expertise de l’installation.
Pour autant, la Banque a alors assigné les Consorts F aux fins de les voir condamner solidairement, sous bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de la somme de 30.000€, avec intérêt au taux contractuel de 5,79% outre 1.500€ d’article 700 du Code de procédure civile.
En défense, les consorts F@ ont sollicité la mainlevée sous astreinte de l’inscription hypothécaire et ils sollicitaient la condamnation sous astreinte de la Banque afin de procéder aux travaux, permettant la mise en service de l’installation sur la base des préconisations de l’Expert Judiciaire.
Or, par jugement du 3 mars 2017, le Tribunal a débouté la Banque de toutes ses demandes, leur a ordonné, en tant que de besoin, de faire procéder à la mainlevée de l’inscription au fichier des incidents de crédit des particuliers et des Consorts F.
Cette décision est alors frappée d’appel.
Les Consorts F sont naturellement opposés aux demandes de la Banque.
A hauteur de Cour les consorts F ont soutenus trois types d’arguments qui seront abordés tour à tour.
En premier lieu, ils contestaient le fait qu’ils avaient véritablement, signés les actes de prêt accompagnant le devis et le contrat de pose de panneau photovoltaïque.
En deuxième lieu, ils remettaient en cause l’opposabilité de la cession de créance qui avait été faite par l’établissement financier à un autre établissement.
Enfin, en troisième lieu, ils luttaient la demande subsidiaire de la banque qui tentait de récupérer sa créance, sinon par les voies contractuelles, à tout le moins au travers d’une notion d’enrichissement sans cause ou encore de répétition de l’indu.
Sur la fausse signature du contrat.
Les consorts F contestaient avoir signé le contrat de prêt, et n’avoir signé que le contrat d’installation des panneaux photovoltaïques et non pas le contrat.
Il convient de rappeler qu’au terme de l’article 1373 du Code civil dispose que :
« La partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ce cas, il y a alors lieu à vérification d’écriture ».
Dans ce cas, la preuve de l’authenticité de signature pèse sur la personne qui se prévaut de l’acte et qu’il appartient d’en démontrer la sincérité comme le rappelle la jurisprudence (Cour de Cassation, Chambre civile du 17 mai 1972).
Par ailleurs, en vertu de l’article 288 du Code de procédure civile lequel dispose :
« Aux lieu, jour et heure fixés pour l’ouverture de la session, la cour prend séance.
Le greffier procède à l’appel des jurés inscrits sur la liste établie conformément à l’article 266.
La cour statue sur le cas des jurés absents.
Tout juré qui, sans motif légitime, n’a pas déféré à la convocation qu’il a reçu peut être condamné par la cour à une amende de 3.750 euros.
Le juré peut, dans les dix jours de la signification de cette condamnation faite à sa personne ou à son domicile, former opposition devant le tribunal correctionnel du siège de la cour d’assises.
Les peines portées au présent article sont applicables à tout juré qui, même ayant déféré à la convocation, se retire avant l’expiration de ses fonctions, sans une excuse jugée valable par la cour ».
La vérification d’une signature par le juge.
Le Juge peut procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose, après avoir, s’il y a lieu, enjoindre les parties de produire tous les documents à lui comparer et fait composer, sous cette dictée, des échantillons d’écritures.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le Juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’il ait été émis ou non, à l’occasion de l’acte litigieux.
Ainsi, et surtout, la jurisprudence rappelle que la vérification de signature doit se faire au vu de l’original de l’écrit contesté comme le rappelle très clairement la jurisprudence [1].
Dès lors, c’est dans ces circonstances que l’établissement bancaire avait été sommé par les intimés de produire l’original de l’offre de prêt.
Pour autant, la banque a été défaillante, puisqu’elle n’a fait que communiquer la copie de l’offre de prêt.
Il s’en suit alors que la Cour, faute pour l’appelant de produite l’original de l’acte de prêt, n’est pas en mesure de procéder à la vérification de l’écriture et que la banque ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la sincérité de cet acte.
Il ne peut par conséquent pas être opposé aux Consorts F un prêt dont la signature a été contesté dans leur écriture.
Ainsi, l’existence du contrat de prêt, n’étant pas rapporté, la Banque ne peut se prévaloir d’une obligation contractuelle de remboursement des consorts F.
L’action de la banque ne pouvait ainsi prospérer sur ce fondement.
Ainsi, la demande de la banque étant alors rejetée.
Pour autant, la banque n’est pas dépourvue de moyens contre les consorts F.
La répétition de l’indu ou l’enrichissement sans cause.
En effet, la banque n’en reste pas là et imagine poursuivre les Consorts F sur la base de la répétition de l’indu.
En effet, à titre subsidiaire, la Banque soutient, qu’en cas de falsification de signature, le préteur est fondé à solliciter la restitution de la somme versée sur le fondement de la répétition de l’indu et ce au visa de l’article 1235 du Code civil relatif à la répétition de l’indu :
« Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.
La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ».
L’article 1371 du même code relatif à l’enrichissement sans cause, précise quant à lui :
« L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.
En cas d’inscription de faux, le juge peut suspendre l’exécution de l’acte ».
Cependant, au visa de l’article 954 du Code de procédure civile, a Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et examine les moyens au soutien de cette prétention, que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Or, la banque ne formulant aucune demande, au titre de l’enrichissement sans cause, au dispositif de ses écritures et n’exposant aucun moyen dans ses écritures, concernant éventuellement l’enrichissement sans cause, il conviendra de rester concentrer que sur la problématique de la répétition de l’indu.
Au sujet de la répétition de l’indu, l’article 1235 du Code civil dispose que : « Tout paiement suppose une dette : ce qui est a été payé sans être dû, est sujet à répétition. La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittés ».
Selon l’article 1316 du Code civil, celui qui reçoit sciemment ce qui ne lui est pas dû, s’oblige à le restituer à celui de qu’il a reçu.
Dès lors, l’action en répétition de l’indu ne peut être engagée soit contre celui qui a reçu le paiement, soit contre celui pour le compte duquel il a été reçu, mais ne peut pas être dirigée contre celui pour le compte duquel le paiement a été effectué.
Or, toute la particularité de ce raisonnement est que les sommes dont la banque suscite a la répétition de l’indu n’ont pas été versée aux Consorts F, mais bel et bien au prestataire de service à savoir la Société C qui avait procédé à l’installation, qui a été payée pour l’installation des panneaux photovoltaïques litigieux et qui a été contestée par la suite, par les Consorts F.
Ainsi,, l’action en répétition de l’indu ne peut prospérer à leur encontre, et la banque se voit également déboutée de ses prétentions à cette fin.
Mais cette jurisprudence vient aussi poser la question de la notification de la cession de créance.
La notification de la cession de créance.
En effet, la particularité de cette affaire est que la procédure était en cours, quelques jours avant que le jugement de première instance soit rendu, en mars 2017.
En pleine procédure, la banque initiale cède sa créance a un autre établissement bancaire suivant un acte de cession qui a été conclu le 28 février 2017 et ce suivant les dispositions de droit commun des contrats.
La question alors de savoir si les consorts F pouvaient contester l’intervention volontaire du cessionnaire de la cession de créance aux motifs que celle-ci n’avait pas procédé à la notification comme il se devait au débiteur saisi.
Les modalités d’opposabilité au débiteur de la cession de créance.
Il convient de rappeler, qu’initialement, l’opposabilité aux tiers de la cession de créance, est subordonné à sa signification du débiteur cédé ou à l’acceptation de ce dernier dans un acte authentique.
Ces formalités, particulièrement lourdes, avaient amené à une dérive des établissements bancaires qui finalement avaient préféré procéder par voies de cession de créance, lesquelles sont réglementées par le Code monétaire et financier ou encore par la subrogation plutôt que de pratiquer la cession de cette créance de droit commun.
C’est dans ces circonstances que, par ordonnance du 10 février 2016, les conditions d’opposabilités au débiteur ont évolué, puisque ladite ordonnance prévoit que les cessions conclus à compter du 1er Octobre 2016 sont alors opposables aux tiers à la date mentionnée sur écrit constatant la cession et requis à peine de nullité, comme le rappelle très justement les articles 1322 et 1323 du Code civil.
L’article 1322 du Code civil dispose :
« L’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique ».
L’article 1323 du Code civil dispose :
« Celui auquel on oppose un acte sous seing privé est obligé d’avouer ou de désavouer formellement son écriture ou sa signature.
Ses héritiers ou ayants cause peuvent se contenter de déclarer qu’ils ne connaissent point l’écriture ou la signature de leur auteur »
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L’article 1324 du Code civil prévoyant par ailleurs que le débiteur, tiers à la cession, ne peut voir cette cession de créance lui être opposable que dans la mesure ou cette cession de créance lui a été notifiée ou s’il en prend acte.
La prise d’acte de la cession de créance.
C’est l’apport de cette jurisprudence, puisque dans le cadre de cette procédure les Consorts F avaient contesté l’opposabilité de la cession de créance aux motifs que celle-ci n’aurait pas été notifiée.
Or, dans cette affaire, la banque cessionnaire de cette cession de créance a procédé par voie d’intervention volontaire au sein de la procédure.
Sur cette intervention volontaire de la banque cessionnaire de la cession de créance, la Cour d’Appel rappelle qu’au terme de l’article 1324 du Code civil lequel dispose :
« Dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature, et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne les point connaître, la vérification en est ordonnée en justice ».
La cession n’est opposable au débiteur que s’il n’y a déjà consentie et s’il lui a été notifiée.
En l’espèce, la banque cessionnaire justifie la cession de créance, qui lui a été consentie par la Banque initiale, la Banque S, par la production de l’acte de cession du 28 février 2017 qui a été régulièrement notifiée aux intimés par voie de conclusions.
Dès lors, il s’en suit que le moyen tiré, de l’irrecevabilité de l’intervention du créancier cessionnaire pourra au sein des notifications de la cession de créance, n’est pas fondé.
Ainsi, le premier apport de cette jurisprudence puisqu’il y a donc eu clairement à comprendre que les conclusions d’appel et la simple intervention volontaire suffit à emporter notification de la cession de créance dans le cadre de l’instance en cours.
Pour le cessionnaire de la cession de créance, il est toujours temps, au stade de l’intervention volontaire d’une procédure en cours, d’informer le cédé de sa cession, étant rappelé que le vocabulaire juridique rappelle que la notification n’est que le fait de porter à la connaissance d’une personne un acte ou un projet d’acte qui le concerne individuellement.
Cependant, cette prise d’acte se faisant par voie de conclusions, amène également à une autre réflexion.
En effet, si la prise d’acte est faite par voie de conclusions d’intervention volontaire dans le cadre d’une procédure où l’établissement bancaire est demandeur d’une condamnation en paiement à l’encontre du débiteur, qui n’a pas payé la créance, ce dernier est alors défendeur.
Une prise d’acte pour un retrait litigieux.
S’il est alors défendeur a une cession de créance, dont il a été avisé, celui-ci pourrait, à ce moment-là, solliciter son droit au retrait litigieux, qui prendrait du coup tout son sens et qui, curieusement d’ailleurs, dans cette jurisprudence n’a pas été réclamé par la partie adverse à titre subsidiaire, puisque ces derniers ont surtout contesté la validité de l’engagement financier initial en considèrent que ces derniers n’avaient pas signé l’acte de prêt mais n’avaient signé que le devis financier.
En conclusion.
Dès lors, cette jurisprudence est intéressante, elle vient quand même rappeler que dans le cadre des montages fait par les entreprises de panneaux photovoltaïques, beaucoup de réalisations sont litigieuses et lesdites Sociétés ont la fâcheuse tendance à forcer certaines signatures qui sont bien souvent litigieuses quant à la libération des fonds, alors même que l’installation de panneaux photovoltaïques est inachevée, incomplète ou non mise en service.
La société d’installation s’empressant surtout de récupérer les fonds lui revenant plutôt que de finaliser les travaux qui étaient les siens.
Mais, cette jurisprudence offre également une réflexion sur la problématique de la notification de la cession créance puisque qu’elle rappelle, quand même, que dans ce genre de montage, si la rectification de la cession de créance de droit commun peut se faire par simple voie de notification et par simple prise d’acte, il n’en demeure pas moins dans le cadre d’une prise d’acte au niveau de la procédure.
La prise d’acte est donc possible, au niveau procédurale, par une simple intervention volontaire du créancier de la cession de créance faisant état de cette cession, et étant alors précisé, que le débiteur saisi, ne peut valablement contester la notification de la cession de créance, mais il peut, si procédure y a, revendiquer la qualité de défendeur, et à ce moment-là, solliciter son droit au retrait litigieux, lequel consiste à racheter la créance au prix de cession qui a été fixé sans son accord entre le cédé et le cessionnaire, ce qui peut rester intéressant.
Enfin, cette jurisprudence montre que le débiteur peut également contester la validité de l’engagement financier dont il n’aurait pas signé tous les documents.
Rappelant ainsi, que la charge de la preuve pèse pour les établissements bancaires, qui ne peut d’ailleurs, dans certains cas, revendiquer, à titre subsidiaire, la notion de répétition de l’indu, pour tenter de récupérer les fonds qui ont été libérés à tort.