Le droit à l'oubli spécial des mineurs, droit contre-productif ? Par Lucas Sztandarowski, Juriste.

Le droit à l’oubli spécial des mineurs, droit contre-productif ?

Par Lucas Sztandarowski, Juriste.

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Explorer : # droit à l'oubli # protection des mineurs # réseaux sociaux # Éducation numérique

Le droit spécial de l’oubli des mineurs est un droit à la fois consacré par le RGPD et la loi pour une République numérique. Ce droit spécial est une protection accrue par rapport au droit à l’oubli standard (I) mais dont l’exercice a des contours flous (II).

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I. Une protection accrue des mineurs par rapport au droit standard.

Le but initial de ce droit est de mettre fin aux "erreurs de jeunesse" dont est surtout victime la nouvelle génération trop hâtivement présente sur les réseaux sociaux et exposée, postant n’importe quel contenu sans se rendre compte du caractère éternel de ces données. Il faut être franc et reconnaitre que ces nouveaux "jeunes" sont bien déconnectés des réalités juridiques expliquant cette nécessaire protection. Preuve en sont les nombreux cas de "Revenge Porn" consacrés par l’article 67 de la loi du 7 mars 2016 pour une République numérique (dite Loi Lemaire). Le législateur essaie donc de pallier à ces nouveaux dangers par ce droit à l’oubli des mineurs.

La première tentative de protection spécifique des mineurs est apparue dans la la loi californienne de 2015 dite "online ereaser law" [1] pour "loi gomme". Cette loi américaine a pour but le faciliter la réclamation pour obtenir l’effacement de contenu visant des mineurs auprès d’un site web.
Notons qu’elle ne permet tout de même pas le dé-référencement, ce que peut désormais à la fois le RGPD mais aussi le droit interne français dans la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. Où le législateur a pris soin d’anticiper l’application du RGPD en mettant en place une protection des mineurs avant la transposition du règlement européen par modification de l’article 40, II° de la loi du 6 janvier 1978 de la loi informatique et libertés.

Notons néanmoins que ce droit spécial ne concerne que les mineurs pour les données collectées dans le cadre de service en ligne, remplissant son objectif d’urgence de protection des mineurs. Le RGPD prendra le relais mais malheureusement complexifiera ce droit désormais à double source, à double base légale.

II. Le champ d’exercice flou de l’exercice du droit spécial de l’oubli des mineurs.

La mise en place de ce système protecteur est-il effectif ? Tout d’abord il faut relever que le dispositif californien n’est pas convainquant : en effet le contenu doit être publié par le mineur lui même pour permettre l’exercice du droit à l’oubli. Le droit californien est donc très limité et cela retire une part très importante de l’intérêt de la publication. De plus ce droit ne vaut que lors de la minorité, une fois majeur ce droit n’est plus applicable à la personne, cela va donc contre le but poursuivi initialement d’effacer les "erreur de jeunesse". Il s’agit d’une vision très stricte du droit à l’oubli des mineurs, qui est très à l’image de la vision américaine de la protection des données. Cependant cela restait une première tentative de 2015...
Dans notre droit interne et dans le RGPD ce droit à l’oubli des mineurs est valable même pour le contenu publié par les tiers et ne connait pas la limite de l’âge : il importe seulement que la collecte des données ait eu lieu à la minorité de la personne pour que ce droit puisse être invoqué.

De nombreux professionnels de l’éducation contestent ce droit à l’oubli des mineurs car pour eux il est nécessaire d’éduquer et de leur donner des leçons alors que le droit actuel va les surprotéger. Le droit actuel dit en quelque sorte "internet est dangereux mais vous ne risquez rien" ce qui est en pratique une politique assez anti-pédagogique menant à trop de dé-responsabilisation pour les mineurs et par extension la société en générale. Ce phénomène s’est illustré récemment pour des cas d’injures, de diffamation et d’harcèlement causés par des mineurs sur le net. On se soutient tous par exemple de la profanation de cadavres [2] filmée en direct par des mineurs ou encore plus récemment l’appel à commettre des violences pour Halloween lancé par un mineur au moment des faits [3].

Ces affaires démontrent la banalisation des actes répréhensibles pénalement commis par des mineurs sur le net remettant en question le bien fondé de ce droit spécial : comment apprendre aux mineurs ce qui est bien et mal sur internet si on leur permet de tout faire oublier ?

Lucas Sztandarowski, Juriste
Auteur du blog Cyberdefenseur
CEO Acinonyx Holding

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