Le Village de la Justice : Depuis les années 1970 et les premières actions protectrices de l’environnement, comment l’évolution législative a-t-elle impactée votre façon d’aborder les dossiers confiés à votre cabinet ?
Corinne Lepage : "L’évolution législative, en particulier sous l’effet du droit communautaire, a profondément transformé le droit de l’environnement en 40 ans. Du reste, la multiplication par 2 ou 3 du volume du Code de l’environnement, que notre cabinet commente, et qui a été publié pour la première fois en 2000 l’atteste.
Ceci étant, les procès ont très souvent précédé le législateur. Ainsi, dans l’affaire Erika, la Cour de cassation a-t-elle reconnu le préjudice écologique en 2012, avant le législateur."
L’actuelle prise de conscience de la société relativement à l’écologie a-t-elle une influence sur vos clients ? Cela entraîne-t-il une recrudescence des dossiers à traiter ? La spécialité est-elle devenue « bankable » ?
"La spécialité de droit de l’environnement existe depuis très longtemps et Christian Huglo et moi-même avons été parmi les premiers avocats à en devenir spécialistes. Aujourd’hui, le droit de l’environnement est extrêmement large puisqu’il couvre au-delà du droit des protections et de la lutte contre les préventions, les droits de l’énergie, des transports, de la santé environnementale, pour une part l’agriculture et de la consommation etc. les dossiers sont donc multiples et extrêmement variés. Cette spécialité attire de nombreux jeunes, si j’en juge par les candidatures que nous recevons presque quotidiennement."
L’application des règles écologiques n’étant pas exclusivement nationale, quelle est la part des dossiers européens et internationaux pris en charge par votre cabinet ?
"Le droit européen est à la base de près de 80 % du droit français en matière environnementale. Ceci explique que nombre de dossiers ont un volet communautaire ; plusieurs dossiers assez médiatiques du cabinet comportent une procédure communautaire. Quant à la question internationale, elle a changé de nature. En effet, le développement de ce que l’on appelle la justice climatique comme du reste de la justice sanitaire conduit à ce que les procès qui se déroulent dans le monde inspirent largement les juges nationaux."
Comment susciter des "vocations" en ce domaine auprès des étudiants en droit, des élèves-avocats ? Quels sont les débouchés carrière ?
"La question écologique a pris une telle dimension chez les jeunes que nombre d’entre eux souhaitent y faire carrière. C’est évidemment le cas chez les étudiants en droit dont certains ont compris l’intérêt qu’il y avait à mener un double cursus notamment avec la biologie, les sciences de la nature ou les sciences climatiques. Mais il en va de même de ceux qui, intéressés par la finance ou l’assurance, souhaitent utiliser leurs connaissances en faveur de l’environnement."
Faut-il être soi-même sensible à la protection de l’environnement et militant pour être un « bon » avocat en ce domaine ?
"Le domaine du droit de l’environnement subit la même évolution que celle du droit du travail ; il existe des avocats qui sont du côté de l’environnement et d’autre du côté des pollueurs. Cela ne signifie pas que ceux qui sont sensibles à la question environnementale ne défendent pas des entreprises mais ils le font à certaines conditions. Ce sont des choix qui reposent avant tout sur la sensibilité à la question environnementale. Il est en effet plus difficile de choisir de défendre les associations que les grandes entreprises."
La philosophie de la protection du droit de l’environnement se ressent-elle dans votre cabinet d’avocats ? Quelles sont les actions du cabinet en faveur de la protection de l’environnement ?
"Nous essayons d’être cohérents tout en mesurant les limites de l’exercice : tri particulier du papier, livreurs à bicyclette, bannissement du plastique, réduction de l’usage du papier etc."