Le droit des personnes vulnérables, une matière encore peu connue des avocats.

Le droit des personnes vulnérables, une matière encore peu connue des avocats.

Interview de Yossi Elkabas réalisé par Alain Baudin, Rédaction de la revue Actus des Barreaux.

Alors que le nombre des majeurs protégés devrait doubler en France d’ici 2040, la pratique de leur droit est encore peu répandue auprès des avocats, tandis que l’Université en ignore presque l’enseignement. Étonnant paradoxe au moment même où la protection des plus fragiles s’empare de l’actualité.
Sous forme d’entretien, nous vous proposons le retour d’expérience de Yossi Elkabas, avocat au Barreau du Val-de-Marne et qui pratique le droit des personnes vulnérables, matière qui est devenue son activité dominante.

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Interview extraite de la revue Actus des Barreaux n°15.
Au sommaire de ce numéro : "Majeurs vulnérables, les avocats portent la voix des plus fragiles"

Actus des Barreaux : Pourquoi avoir choisi d’exercer le droit des personnes vulnérables ?

Yossi Elkabas : Ma formation et mon expérience professionnelles dans le métier d’avocat n’étaient pas, au départ, dirigées vers ce droit.
La clientèle et les dossiers se sont présentés progressivement et j’ai notamment travaillé avec des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Des familles m’ont aussi sollicité pour contester la décision d’une mesure ou la désignation d’un organe de protection. Je me suis peu à peu intéressé à la matière jusqu’à ce qu’elle devienne mon activité dominante.

Peu d’avocats exercent le droit des personnes vulnérables alors que leur nombre est en progression constante. Pourquoi un tel paradoxe selon vous ?

Entre 800 000 et un million de personnes seraient protégées et l’on sait que leur nombre est en hausse constante chaque année. En parallèle, très peu d’avocats sont spécialisés dans cette matière et très peu l’exercent en tant qu’activité principale. Cela s’explique, à mon sens, par la nette insuffisance de cours dédiés dans les cursus universitaires et les parcours de formation initiale.

Le droit des majeurs protégés mérite une formation à part entière.

Nous abordons le droit des personnes, mais les sauvegardes de justice, les curatelles et les tutelles sont, elles, rapidement évoquées. Rares sont également en France les universités où le droit des personnes vulnérables fait l’objet d’une étude approfondie. Récemment, des formations spécialisées ont été mises en place à Créteil [1].

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le droit des majeurs protégés est une matière technique qui mérite une formation à part entière parce qu’elle nécessite un haut niveau de connaissances des mesures de protection.

Qu’est-ce que le principe de subsidiarité d’une mesure de protection ?

La protection juridique des majeurs repose sur différents grands principes. Il y a d’abord celui de la nécessité que caractérise une altération des capacités mentales ou physiques rendant nécessaire une mesure de protection. Il existe aussi le principe de la subsidiarité selon lequel le juge ne peut prononcer une mesure contraignante de curatelle ou de tutelle, si au préalable la représentation (par exemple un mandat), les règles relatives aux époux et aux régimes matrimoniaux et le mandat de protection future (MPF) s’avèrent suffisant pour protéger la personne.

Une activité d’avocat mandataire vous paraît-elle concevable ?

"Mon champ d’intervention se situe bien plus dans la défense des personnes placées sous protection que dans l’organisation de leur vie quotidienne".

À titre personnel, je ne le souhaite pas, préférant confier ce volet "protection" à des tiers, qu’ils soient membres de la famille ou mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ces professionnels sont expérimentés.
Je préfère en revanche intervenir en tant qu’avocat lorsque la désignation de l’organe de protection entraine des difficultés ou lorsqu’il y a lieu de contester une mesure de tutelle ou de curatelle.
Mon champ d’intervention se situe bien plus dans la défense des personnes placées sous protection que dans l’organisation de leur vie quotidienne.

Est-il, selon vous, nécessaire d’améliorer la protection juridique des majeurs vulnérables ?

Il est toujours possible d’améliorer leur protection. En général, les réformes qui se mettent en place vont toujours dans le sens d’un renforcement, quand il est possible, de leur autonomie. La dernière réforme, adoptée dans le cadre de la loi du 23 mars 2019, replace les majeurs protégés au centre des décisions qui les concernent et elle leur donne davantage de droits, dont celui de voter, de se pacser ou de se marier sans autorisation préalable du juge.

Le rôle de l’avocat doit-il lui aussi évoluer ?

Il est important de renforcer la place de l’avocat aux côtés de la personne vulnérable en la rendant obligatoire.

S’il est important de renforcer l’autonomie du majeur protégé, il est tout aussi important de renforcer la place de l’avocat à ses côtés en la rendant obligatoire. Je me dis qu’un jour, peut-être, on y viendra. Il est crucial qu’un avocat puisse assister un majeur vulnérable lors de son audition devant un juge amené à décider d’une mesure de protection.
Un regard extérieur me paraît en effet nécessaire pour s’assurer que les droits de la personne sont parfaitement respectés.
L’arrêt Vaudelle c/ France de la Cour européenne des Droits de l’Homme, en date du 5 septembre 2001, insiste d’ailleurs sur la nécessité d’une assistance d’un avocat dans toute procédure, notamment de nature pénale, qui met en cause une personne dont l’altération des capacités est constatée.

Interview à retrouver dans son intégralité dans la revue Actus des Barreaux n°15 (pages 28 et 29).

Interview de Yossi Elkabas réalisé par Alain Baudin, Rédaction de la revue Actus des Barreaux.

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Notes de l'article:

[1Professeure à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC), Mme Nathalie Peterka dirige notamment un Master droit privé parcours Protection de la personne vulnérable.

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