Donations défiscalisées : 100 000 € d'abattement en plus pour booster l'économie. Par Olivier Pontnau, Notaire.

Donations défiscalisées : 100 000 € d’abattement en plus pour booster l’économie.

Olivier Pontnau, Notaire.

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Explorer : # donations # défiscalisation # Économie # projets

Bienvenue ! Le 15 juillet 2020, la famille des abattements s’est agrandie avec l’arrivée d’un nouveau membre : l’article 790 A BIS du Code général des impôts, qui apporte un nouvel avantage de 100 000 € pour les donations soutenant certains projets.
A l’image d’un enfant, on a envie de lui promettre une vie longue et pleine de succès.
Ses conditions d’application dessineront évidemment son avenir avec précision, beaucoup plus que pour un individu.

-

Open Bar ou Mirage ? La réponse se situe bien entendu entre ces deux extrêmes, l’examen des détails du texte doit nous permettre de répondre à des questions simples :
- Pour qui ?
- Pour quoi faire ?
- Comment faire ?

1. Qui est concerné ?

En un mot : Un large champ de bénéficiaires… limité par les dispositifs « one shot » + « heureux élu ».

Le législateur a entendu définir largement le champ des bénéficiaires de cet abattement :
- il pourra s’agir d’un descendant au sens large : enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant ;
- A défaut de descendance du donateur, il pourra même s’agir d’un neveu/nièce.

Deux dispostifs viennent compenser cette générosité :
« One Shot » [1] : l’avantage est restreint à une seule utilisation dans la relation donateur/donataire, ce qu’on peut lire de deux façons :
- Version Soft : l’avantage ne peut pas être dupliqué, mais il est utilisable en soutien de plusieurs projets dans la limite de 100 000 € ;
Exemple : Un donateur A ne pourrait pas donner plusieurs fois 100 000 € à un donataire B pour soutenir des projets avec cet avantage mais il pourrait soutenir les projets de B dans la limite de 100 000 €.
- Version Hard : l’avantage est une seringue à usage unique, qui peut servir pour un seul transfert d’argent soutenant un projet précis ;
Exemple : Le donateur A devra choisir lequel des projets de B il souhaite soutenir avec cet avantage et lui verser tout l’argent en une seule fois.

Pour l’instant, les praticiens se trouvent face à un texte ambigüe qui n’a pas fait l’objet de commentaire par l’administration fiscale.

« Heureux élu(s) » [2] : cet avantage est une enveloppe de 100 000 € à répartir s’il y a plusieurs donataires, il n’est pas possible de le dupliquer.
Exemple : Madame A n’a pas d’enfant et veut aider à la réalisation des projets de trois nièces X, Y et Z. Elle voudrait donner 300 000 € (3 X 100 000 €) en franchise de droits avec l’article 790 A BIS du CGI mais ça n’est pas possible.
Il faudra répartir l’avantage fiscal entre les 3 donations à réaliser : 40 000 € pour X, 30 000 € pour Y et 30 000 € pour Z. Au-delà, il faudra payer des droits de donation ou utiliser d’autres abattements.

2. Pour quels projets ?

En un mot : Business et résidence principale (construction ou rénovation « green »).

Le législateur a une idée bien précise des cibles qu’il souhaite soutenir : les PME et le secteur du bâtiment, en respectant notre planète.

C’est pourquoi son effort se concentre autour des trois types de projets :
- Renforcement du capital d’une PME,
- Renovation énergétique de la résidence principale,
- Construction de la résidence principale.

Renforcement du capital d’une entreprise.

Pour être éligible au dispositif, la donation devra être utilisée pour renforcer le capital en respectant les conditions suivantes :
- L’apport de fonds doit prendre la forme d’une souscription au capital initial ou d’une augmentation de capital, les apports en compte courant sont exclus ;
- L’entreprise doit :
- exercer son activité depuis moins de 5 ans,
- avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole,
- ne pas avoir encore distribué de bénéfices,
- avoir son siège dans l’UE ou dans l’EEE,
- employer moins de 50 salariés,
- réaliser un CA inférieur à 10 millions d’euros,
- ne pas être issue d’une concentration,
- ne pas être cotée sur un marché réglementé.

Suite à la souscription au capital, le bénéficiaire de la donation devra :
- Soit exercer pendant au minimum 3 ans son activité professionnelle principale si l’entreprise est soumise à l’impôt sur le revenu,
- Soit exercer pendant au minimum 3 ans une fonction de direction rémunérée normalement et représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels, si l’entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés.

Rénovation énergétique de la résidence principale.

Le législateur entend favoriser les propriétaires qui améliorent le bilan énergétique de leur résidence principale dans le respect des critères de la prime de transition énergétique.

Seront donc éligibles, les donations servant à financer :
- Des « travaux et dépenses » éligibles à la prime de transition énergétique,
- Portant sur la résidence principale du donataire,
- Dont ce dernier est propriétaire.

Les bâtisseurs de leur résidence principale.

Le législateur a traité cette hypothèse de façon elliptique, en se contentant de viser « la construction de sa résidence principale » par le donataire.
Or, ce type de projet peut recéler une multitude de réalités : auto-construction, contrat de construction de maison individuelle, vente en l’état futur d’achèvement…

Dès lors, faute de précision, on peut concevoir qu’un champ étendu de dépenses soient éligibles : honoraires d’architecte, factures d’entreprise, achat de matériaux et pourquoi pas….achat sur plan de sa résidence principale ?
Le sous-jacent des contrats de vente en l’état futur d’achèvement étant une opération de construction, pourquoi les exclure du champ d’application de ce dispositif ?

Il y a deux façons de voir cette imprécision : une source d’opportunités ou de risques, nos clients trancheront après avoir été dûment avertis.

3. Comment faire ?

En un mot : Faites vite, et faites vos comptes.

Outre ce qui a déjà été examiné, les donations concernées doivent respecter plusieurs conditions communes :
- Date limite au 30 juin 2021 : le versement des sommes doit intervenir entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, pas avant ni après.
- L’obligation de documenter les flux financiers et leur utilisation : la donation doit porter sur une somme d’argent versée par le donateur au donataire, somme qui doit ensuite être employée, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant ce versement, par le donataire dans le respect de toutes les conditions légales.
- Pas d’effet de levier fiscal : le cumul de cet avantage avec d’autres réductions d’impôt est clairement exclu.

Ainsi, l’utilisation de cet argent reçu en franchise de droits ne pourra pas procurer d’autres avantages fiscaux et ainsi démultiplier le gain fiscal de l’opération (notamment prime de transition énergétique, déduction de charges à l’impôt sur le revenu, investissements outre-mer, déduction d’intérêts d’emprunt pour la reprise d’une PME…). 
C’est pourquoi il faudra établir soigneusement un bilan prévisionnel des gains, risques et restrictions engendrés par ce dispositif.

Conclusion.

Le législateur a conçu un dispositif riche à tous les points de vue :
- Riche en valeur absolue, car 100 000 € représente un avantage attractif ;
- Riche en termes de bénéficiaires, dont la détermination est assez large ;
- Riche en conditions, pour cibler précisément certains projets et éviter les effets d’aubaine ;
- Riche en incertitudes, particulièrement en ce qui concerne les projets de construction.

On regrettera cependant sa courte durée de vie, qui en particulier s’accordera difficilement avec le temps relativement long des projets de construction.
Restons optimistes ! C’est un écueil facile à rectifier au regard de l’activisme législatif en ces temps de crise.

Olivier Pontnau, Notaire.

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Notes de l'article:

[1Le donataire ne peut bénéficier du dispositif qu’une seule fois par donateur.

[2Pour un même donateur, la somme des donations ayant bénéficié de l’exonération mentionnée au premier alinéa du présent I ne peut excéder un montant de 100 000 €.

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