Si ce nouvel assujettissement complexifie bel et bien l’arbitrage rémunération/dividendes en ajoutant une composante sociale à l’équation, il ne doit pas nécessairement être vu d’un mauvais œil. Dans certaines situations, les cotisations sur dividendes offrent en effet de réelles opportunités d’optimisation fiscale et sociale (tranches élevées du barème de l’impôt sur le revenu).
L’imposition différenciée des dividendes en fonction du capital social.
La partie des dividendes inférieure à 10% du capital social, des primes d’émissions et du compte courant de l’associé bénéficiaire est taxée à la Flat Tax, dans les conditions de droit commun.
La partie des dividendes qui dépasse ce même montant est soumise aux cotisations sociales.
Plus précisément, cette fraction de dividende intègre directement l’assiette des cotisations sociales, qui sera souvent constituée de la rémunération du gérant (nette de cotisations sociales).
L’intérêt des dividendes sur les tranches élevées du barème de l’impôt sur le revenu.
Sur les tranches élevées du barème de l’impôt sur le revenu, l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales peut représenter une opportunité de diminution de l’impôt sur le revenu et d’augmentation des droits à la retraite.
Ceci est lié à deux mécanismes :
- Comme toute cotisation à un régime de sécurité sociale, les cotisations sur dividendes sont déductibles de l’impôt sur le revenu du contribuable. La conséquence directe est l’atténuation de l’impôt sur les tranches élevées du barème de l’impôt sur le revenu.
- Les dividendes sont plus fortement taxés aux cotisations que la rémunération elle-même, car ils intègrent directement l’assiette des cotisations, tandis que la rémunération n’est taxée que pour son montant net. Les dividendes offrent par conséquent la possibilité de cotiser davantage. En effet, si les cotisations sociales sont prélevées au taux de 40%, le coût total de la rémunération pour cotiser 40 euros sera de 140 euros (100 x 40% + 100), alors que 100 euros de dividendes auront le même effet.
Pour s’en convaincre, nous étudierons le cas d’une EURL avec une capacité de rémunération de 150 000 euros. L’étude comparera 3 situations :
- Le cas de l’EURL qui échappe totalement à l’imposition des dividendes aux cotisations sociales
- Le cas de l’EURL dans laquelle le gérant privilégie la rémunération aux dividendes
- Le cas de l’EURL dans laquelle le gérant se verse 50% en rémunération et le reste en dividendes.
Exemple 1 (théorique) : l’imposition des dividendes à la Flat Tax (droit commun).
Afin de dégager des tendances générales et de répondre à la question posée par le présent article, intéressons-nous tout d’abord à l’EURL dont le capital social serait suffisamment important (1 000 000 euros) pour permettre au gérant d’éviter tout assujettissement des dividendes aux cotisations sociales. Dans ce cas de figure, le niveau de rémunération le plus intéressant semble se situer aux alentours de 75 000 €.
Rémunération nette avant impôts | 75 000 € |
---|---|
Revenu imposable (TMI : 30%) | 70 120 € |
Impôt sur le revenu (barème) | 14 630 € |
Rémunération nette | 60 370 € |
Dividende brut | 36 276 € |
Flat Tax (30%) | 10 883 € |
Dividende net | 25 393 € |
Revenu net (Rém + Divs) | 85 763 € |
Cotisations sociales | 32 300 € |
Capacité de rémunération | 150 000 € |
---|---|
Rémunération | 75 000 € |
Cotisations sociales sur rémunération (env. 43%) | 32 300 € |
Résultat fiscal | 42 701 € |
Impôt sur les Sociétés (IS) | 6 425 € |
Distribution de dividendes | 36 276 € |
Observations : Le gérant dispose d’un revenu net d’environ 86 000 € et cotise environ 32 000 € à la sécurité sociale des indépendants.
Exemple 2 : Le choix de privilégier la rémunération et de ne pas verser de dividendes.
Prenons maintenant le cas du gérant qui privilégiera la rémunération par rapport aux dividendes et allouera 100% de la capacité de rémunération de l’EURL à sa propre rémunération, échappant ainsi à l’impôt sur les sociétés.
Rémunération nette avant impôts | 107 467 € |
Revenu imposable (TMI : 30%) | 100 383 € |
Impôt sur le revenu (barème) | 26 108 € |
Rémunération nette | 81 359 € |
Dividende brut | 0 |
Flat Tax (30%) | 0 |
Dividende net | 0 |
Revenu net (Rém) | 81 359 € |
Cotisations sociales | 42 533 € |
Capacité de rémunération | 150 000 € |
Rémunération | 107 467 € |
Cotisations sociales sur rémunération (env. 40%) | 42 533 € |
Résultat fiscal | 0 |
Impôt sur les Sociétés (IS) | 0 |
Distribution de dividendes | 0 |
Observations : Le gérant dispose d’un revenu net d’environ 81 000 euros et cotise environ 43 000 euros à la sécurité sociale des indépendants. Sa tranche marginale d’imposition est élevée (41%).
Exemple 3 : L’attribution d’une rémunération de 75 000 euros avec versement du bénéfice restant en dividendes.
Intéressons-nous enfin à l’objet de l’article, le versement de dividendes soumis à cotisations sociales. Afin de dégager une tendance générale et de répondre à la question posée, il sera considéré que la société a un capital social de 1 euro, dont résulte un assujettissement total des dividendes aux cotisations sociales.
Rémunération nette avant impôts | 75 000 € |
Revenu imposable (TMI : 30%) | 59 982 € |
Impôt sur le revenu (barème) | 11 588 € |
Rémunération nette | 63 412 € |
Dividende brut | 36 276 € |
PFU sur dividende (12.8%) | 4 643 € |
Cotisations sur dividende (env. 32%) | 11 433 € |
Dividende net | 20 200 € |
Revenu net (Rém+Divs) | 83 612 € |
Cotisations sociales | 43 732 € |
Capacité de rémunération | 150 000 € |
Rémunération | 75 000 € |
Cotisations sociales sur rémunération (env. 43%) | 32 299 € |
Résultat fiscal | 42 701 € |
Impôt sur les Sociétés (IS) | 6 425 € |
Distribution de dividendes | 36 276 € |
Observations : Le gérant majoritaire dispose d’un revenu net d’environ 84 000 euros et cotise environ 44 000 euros à la sécurité sociale des indépendants.
Pourquoi cela est possible ? En décidant d’allouer 75 000 euros de rémunération nette à son gérant, la SARL enregistre un résultat fiscal d’environ 43 000 euros, ce qui lui permet d’éviter largement la tranche de l’IS à 25%. Par ailleurs, le revenu net imposable du gérant à l’IR n’est que d’environ 60 000 euros, grâce à la déduction de cotisations sociales sur dividendes (environ 10 000 euros), ce qui a pour effet de limiter son impôt sur les tranches élevées du barème de l’IR. Enfin, le gérant cotise davantage à la sécurité sociale avec une assiette de cotisations d’environ 115 000 euros, constituée de sa rémunération imposable (75 000 euros), des dividendes soumis à cotisations (environ 36 000 euros), et de la CSG non déductible (environ 4 000 euros).
Conclusion.
À partir d’une certaine capacité de rémunération, les cotisations sur dividendes deviennent intéressantes en EURL/SARL. Cela permet de minimiser les prélèvements obligatoires non-générateurs de droits (IR, IS, Flat Tax) et de maximiser les prélèvements obligatoires générateurs de droits (cotisations sociales).
L’intérêt des cotisations sociales sur dividendes s’accentue lorsque la SARL dispose d’encore plus de capacité de rémunération, mais devrait logiquement commencer à s’estomper à partir d’une assiette de cotisation supérieure 4 Plafonds Annuels de la Sécurité Sociale (PASS), soit 175 968 euros en 2023, ce qui correspond au plafonnement des cotisations de retraite complémentaire.