Développer un projet immobilier résidentiel alternatif, collaboratif ou solidaire : quelles options ?

Par Vianney Pommier, Avocat.

614 lectures 1re Parution: Modifié: 4.97  /5

Explorer : # habitat participatif # habitat inclusif # location accession # bail réel solidaire

Un promoteur ou investisseur envisage généralement de construire, de rénover ou d’acquérir un immeuble résidentiel dans une perspective de rentabilité financière.

Mais il peut également souhaiter promouvoir un esprit de « vivre ensemble », de solidarité et/ou encourager l’accession à la propriété pour des ménages ne pouvant financer leur acquisition par le circuit classique.

Plusieurs options peuvent être envisagées :

  • la location classique avec mise en place d’une association des locataires,
  • la société d’habitat participatif,
  • l’habitat inclusif,
  • la location-accession,
  • le bail réel solidaire.

Le bail réel immobilier, impliquant la réalisation de travaux conséquents par l’occupant lui-même, n’est pas envisagé dans le présent article.

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I. Le schéma conventionnel : location et mise en place d’une association des locataires.

Dans ce schéma, le promoteur et/ou investisseur (le « propriétaire ») va faire construire, rénover ou acquérir l’immeuble pour y consentir des baux d’habitation portant sur les logements.

Tant que le propriétaire est seul détenteur de l’immeuble, il n’y a aucun statut de copropriété qui s’applique, la gestion de l’Immeuble et de ses parties communes est donc totalement libre.

Le propriétaire peut donc engager directement les dépenses relatives au fonctionnement de l’immeuble : engager un gardien, contracter avec des prestataires d’entretien et de maintenance, suivre des travaux courants ou plus ponctuels. Ces charges peuvent être en partie refacturées aux locataires dans le cadre des baux.

Une association des locataires peut être mise en place pour la gestion de la vie en communauté, répondant aux critères suivants :

  • Liberté dans la définition de son rôle. On peut envisager :
    • La gestion des parties communes sur délégation du propriétaire ;
    • Le choix et l’achat du mobilier ;
    • L’organisation d’évènements.
  • Liberté d’adhésion : s’agissant d’une association, tout locataire sera libre ou non d’y adhérer (et d’en partir). Un engagement « moral » d’adhésion à l’association et à ses valeurs peut toutefois être envisagé dans le contrat de bail.
  • Les statuts de l’association devront être rédigés et déposés au greffe du tribunal judiciaire local.
  • Un budget peut être envisagé : soit par cotisation des locataires, soit en tant que charge refacturée aux locataires.
  • Agrément des autres locataires : un avis consultatif de l’association des locataires peut être envisagé pour chaque nouveau locataire, la décision finale revenant au propriétaire qui consentira le bail.

Cette solution est la plus classique et probablement la plus simple à mettre en œuvre, se basant sur le régime commun de l’habitation.

II. La société d’habitat participatif.

Elle est régie par les articles 200-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

Ce schéma permet à plusieurs associés d’investir dans un projet vertueux d’habitation via une société spécialement créée.

Type de société et fonctionnement.

La société peut être commerciale ou civile. Au-delà de cette distinction, la société sera soit « coopérative d’habitation » (SCH) soit « civile d’attribution ou d’auto-promotion » (SCIA).

Les SCIA et SCH peuvent toutes deux donner droit à l’attribution en jouissance des lots (SCH).

À l’inverse, seules les SCIA peuvent donner droit à l’attribution en propriété. Cela signifie qu’une fois les éventuels travaux réalisés par la SCIA, la société est dissoute et les parts de chacun des associés se convertissent en droit de propriété d’un des lots rénovés.

En conséquence de l’existence de plusieurs propriétaires, le statut impératif de la copropriété s’applique.

Chaque investisseur devient associé de la société qui réalise les travaux.

Les associés ne sont responsables qu’à la hauteur de leur capital investi, quand bien même il s’agit d’une société civile.

En principe, les associés sont des personnes physiques. Les personnes morales ne peuvent représenter que 30% du capital de la société [1] sauf dérogations pour les HLM ou SEM ou organismes agréés [2].

Chaque associé bénéficie de la jouissance d’un ou plusieurs logements, à proportion des parts sociales souscrites.

Chaque associé verse une redevance à la société pour rembourser l’emprunt souscrit.

Chaque associé conclu un contrat coopératif avec la société, détaillant ses engagements.

Enfin, un associé peut entrer au capital en apportant son industrie, à savoir sa force de travail pour réaliser des travaux, plutôt qu’une participation au remboursement de l’emprunt souscrit.

Vie collective et éventuels locataires : les associés doivent occuper le logement à titre principal [3].

Les associés peuvent déroger à cette obligation par vote en assemblée générale ou dans des cas fixés par la loi (pour héritiers, descendants, en cas d’obligation professionnelles empêchant l’occupation, etc.).

Auquel cas les associés peuvent conclure un bail ou une convention d’occupation temporaire avec des locataires ou occupants.

Une charte fixant les règles de fonctionnement de l’immeuble, notamment les règles d’utilisation des lieux de vie collective, doit être établie et annexée au contrat de bail.

Les associés peuvent louer ou offrir des services à des tiers, sous réserve que ces services soient également proposés aux associés eux-mêmes.

Les recettes ne doivent pas dépasser les 20% du chiffre d’affaires de la société.

Enfin, la société assure la gestion et l’entretien de l’immeuble.

Retrait des associés.

En cas de revente des parts sociales, un dispositif anti-spéculatif est prévu : le prix de cession des parts est limité au montant nominal des parts (valeur de base indiquée dans les statuts), indexé à l’évolution de l’indice IRL depuis l’acquisition.

Financements : dispositif d’aide ANAH.

Les sociétés d’habitat participatif sont désormais éligibles aux dispositifs d’aide de l’ANAH.

Elles peuvent ainsi bénéficier d’un financement sous forme d’aides aux travaux, d’aides à la prestation d’accompagnement et d’aides à la maîtrise d’ouvrage.

Cette solution est intéressante si le propriétaire trouve d’autres personnes prêtes à adhérer au projet en investissant dans la société pour résider à terme dans le logement.

III. L’habitat inclusif.

L’habitat inclusif est régi par les Articles 281-1 et suivant du Code de la construction et de l’habitation.

Ce type d’habitat n’est proposé que pour les résidences destinées à des personnes handicapées ou âgées, qu’elles vivent ensemble ou avec d’autres personnes [4].

On entend par « âgée » une personne de plus de 65 ans ou de plus de 60 ans reconnue inapte au travail [5] et par « handicapée » une personne atteinte d’un handicap visé à l’article L114 du CASF.

Pour répondre à la qualification d’habitat inclusif, deux personnes âgées et/ou handicapées au moins doivent choisir ce mode d’habitation regroupé à titre de résidence principale.

Le public visé peut habiter la résidence en qualité de propriétaire ou de locataire, il n’y a pas d’obligations à ce titre. L’habitat peut être composé d’un seul ou de plusieurs logements, meublés ou non.

Un projet de vie sociale et partagé est obligatoire par les habitants mais aussi par le « porteur du projet » (le propriétaire). Il est formalisé par la signature d’une charte.

Ce projet porte sur des activités destinées à l’ensemble des habitants sans que ces derniers soient tenus d’y participer. Le projet doit intégrer la prévention de la perte d’autonomie d’une part, et d’autre part, l’anticipation des risques d’évolution de la situation des personnes.

Des locaux communs doivent être affectés à ce projet de vie.

Selon le type d’habitant, et après sélection par l’Agence Régionale de Santé (ARS), un « forfait habitat » peut être versé au propriétaire, entre 3 000 et 8 000 euros par habitant et par an.

Cette solution est intéressante pour le propriétaire désireux de faire cohabiter des personnes dépendantes et/ou âgées avec d’autres personnes. Il peut permettre un financement intéressant via le forfait habitat.

IV. La location-accession.

La location-accession est prévue par la Loi n° 84-595 du 12 juillet 1984.

Ce schéma permet de transférer la propriété d’un logement à un acquéreur moyennant un versement périodique d’une redevance décomposée en :

  • Une partie « loyer » : contrepartie de la jouissance du logement,
  • Une partie « prix de vente ».

Les caractéristiques de la location-accession :

  • Durée libre ;
  • Le locataire paie les charges pendant la durée de la location-accession ;
  • 3 mois avant la date d’expiration de la location-accession, le locataire indique s’il exerce ou non son droit d’option :
    • Soit il achète et devient automatiquement propriétaire ou sous condition suspensive, par exemple condition suspensive d’obtention d’un prêt ;
    • Soit il résilie le contrat, récupère la redevance versée et doit rendre le logement dans l’état où il l’a trouvé.
  • Si l’immeuble est placé en copropriété, le locataire vote à la place du propriétaire pendant les réunions d’assemblée générales, sauf concernant les grosses réparations ou les décisions majeures visées par l’article 26 ou 35 de la loi sur la copropriété (vente de parties communes, changement du règlement de copropriété, surélévation, etc.).
  • Financement possible de la location-accession pour le locataire par un prêt conventionné ou un prêt social de location accession (PSLA).

Cette solution est intéressante pour permettre à des ménages d’acquérir et de financer un logement sans passer par le circuit classique des banques (et éventuellement avec l’avantage du prêt PSLA).

V. Le bail réel solidaire.

Le bail réel solidaire est régi par les Articles L255-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

Ce schéma permet de louer pour une très longue durée (quasi perpétuelle) un logement à un public modeste moyennant le paiement d’un loyer.

Le propriétaire doit être un Organisme de Foncier Solidaire (OFS), un organisme HLM ou une SEM.

Un Organisme de Foncier Solidaire est un organisme sans but lucratif qui, pour tout ou partie de son activité, a pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non [6].

L’OFS doit être agréé par le représentant de l’état dans la région.

Il bénéficie d’avantages fiscaux : exonérations possibles en termes de TVA, d’impôts sur les sociétés ou encore de contribution économique territoriale.

  • Le locataire doit, au choix :
    • occuper le logement à titre de résidence principale, sous réserve de respecter un certain plafond de ressources ;
    • louer à des ménages eux-mêmes modestes ;
    • céder ses droits réels immobiliers à des ménages eux-mêmes modestes.
  • Fonctionnement : le propriétaire va conclure un bail réel solidaire avec le locataire portant sur un ou plusieurs logements.

Le bail a une durée de 18 à 99 ans, conférant un droit de jouissance au locataire et un droit de céder son bail.

Le locataire doit maintenir le logement en bon état et supporter les charges, taxes et impôts liées au logement.

Le locataire doit régler une redevance déterminée sur la base des (i) conditions d’acquisition de l’immeuble,(ii) des conditions financières et techniques des éventuels travaux et (iii) des conditions d’occupation des logements.

  • Sort du bail : le locataire peut céder son droit au bail à un ménage modeste.

Cette cession sera soumise à agrément du propriétaire. En cas de cession, la durée du bail est prorogée pour une nouvelle durée.

Si le propriétaire refuse de donner son agrément, il doit alors soit présenter un nouveau cessionnaire, soit lui-même acquérir le droit au bail [7]. En pratique, cela permet donc au propriétaire de récupérer le logement moyennant rachat.

En cas de décès du locataire, le droit au bail est transmis automatiquement aux ayants-droit pour une nouvelle durée de 99 ans [8].

Enfin, à l’expiration du bail, les droits réels immobiliers du preneur redeviennent la propriété de l’Organisme de Foncier Solidaire.

Cette solution est intéressante pour permettre la quasi-accession à la propriété à des ménages modestes, mais implique la création d’un Organisme de Foncier Solidaire et l’obtention d’un agrément donné par la préfecture.

Vianney Pommier
Avocat au Barreau de Paris
vianney chez vpommier-avocat.fr
Droit immobilier
www.favainpommieravocats.fr

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Notes de l'article:

[1Article 200-3 du Code de la construction et de l’habitation.

[2Article 200-4 du Code de la construction et de l’habitation.

[3Article 200-1 du Code de la construction et de l’habitation.

[4Art. L281-1 CASF, §1.

[5Art L113-1 CASF.

[6Articles L329-1 et suivants du Code de l’urbanisme.

[7Article 255-15 du Code de la construction et de l’habitation.

[8Article 255-13 du Code de la construction et de l’habitation.

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