Des mises en demeure adressées par l’URSSAF Île-de-France et l’URSSAF Rhône Alpes jugées nulles.

Par Eric Rocheblave, Avocat

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Explorer : # nullité des mises en demeure # urssaf # code de la sécurité sociale # recouvrement des cotisations

La notification d’une mise en demeure régulière constitue un préalable obligatoire aux poursuites de l’URSSAF : vérifiez les mentions de celle-ci !

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Des mises en demeure adressées en 2013, 2014 et 2015 par l’URSSAF Île-de-France sont jugées nulles.

Il résulte des dispositions de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la mise en demeure litigieuse du 4 décembre 2015, que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article L.244-1 ou des articles L.244-6 et L.244-11 est obligatoirement précédée, d’une mise en demeure adressée à l’employeur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois, comme l’a rappelé la Cour de cassation pour une mise en demeure de l’URSSAF Île-de-France du 7 mai 2014 [1].

Dans une autre affaire, une mise en demeure du 04 décembre 2015 ne mentionnait expressément aucun délai pour procéder au paiement

En conséquence, pour la Cour d’appel de Paris, la mise en demeure du 04 décembre 2015, irrégulière de ce fait, doit être annulée, peu important que :
- elle fasse référence quant à son « objet » à une « Mise en demeure suite à contrôle- article L244-2 du code de la sécurité sociale »,
- elle mentionne la possibilité de contester la décision devant la commission de recours amiable dans le délai d’un mois à compter de sa réception sous peine de forclusion.
- le cotisant ait, à titre uniquement conservatoire, réglé le principal du redressement.

La nullité de la mise en demeure du 04 décembre 2015 entraîne en conséquence la nullité tant de la mise en demeure subséquente du 15 janvier 2016 relatives aux majorations de retard complémentaires, que de l’entier redressement.

Cour d’appel, Paris, Pôle 6, chambre 13, 28 Février 2020 – n° 18/00405

Il résulte de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article L. 244-1, ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 du code de la sécurité sociale est obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée à l’employeur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.

Pour valider une contrainte, un arrêt de la Cour d’appel de Paris a retenu que si une mise en demeure du 28 novembre 2013 délivrée par l’URSSAF d’Ile-de-France ne mentionne aucun délai de paiement des cotisations litigieuses, le visa de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un délai de un mois, est suffisant pour l’information du débiteur.

Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que la notification d’une mise en demeure régulière constitue un préalable obligatoire aux poursuites, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, 2e chambre civile, 12 Mars 2020 – n° 18-20.008

Des mises en demeure adressées en 2017 par l’URSSAF Rhône Alpes sont jugées nulles.

Il résulte de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2015-1702 en date du 21 décembre 2015, applicable au présent litige, que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article L.244-1 ou des articles L.244-6 et L.244-11 est obligatoirement précédée, d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’employeur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.

La mise en demeure notifiée en application de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale par l’organisme de recouvrement à l’issue des opérations de contrôle et de redressement constitue la décision de recouvrement.

Elle est seule susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, dans les conditions dictées par l’article R.142-1 du code de la sécurité sociale, et doit mentionner le délai d’un mois dans lequel le débiteur doit régulariser sa situation.

La notification de la mise en demeure ayant ainsi pour effet de faire courir le délai de forclusion, la voie de recours ouverte, en l’occurrence le recours préalable devant la commission de recours amiable, doit être porté à la connaissance du débiteur, comme son délai et les modalités de son exercice.

Il résulte en effet de l’article R.142-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2012-1032 en date du 7 septembre 2012, applicable au présent litige, que les contestations formées à l’encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d’un mois à compter de la notification de la mise en demeure.

En l’espèce, la mise en demeure en date du 15 juin 2017, qui énonce porter sur un « rappel de 283 527 euros de contributions dues sur le fondement de l’article L.245-5-1 du code de la sécurité sociale » et majorations de retard qu’elle détaille par période, indique uniquement « vous voudrez bien considérer la présente comme valant mise en demeure obligatoire, telle que prévue à l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale. À défaut de règlement de cette somme, l’union de recouvrement sera fondée à engager des poursuites sans nouvel avis » et précise ensuite les modalités de recours suivantes : délai de deux mois pour saisir la commission de recours amiable à compter de la réception de la mise en demeure à peine de forclusion, avec l’adresse de cette commission.

Ces mentions qui ne portaient donc pas à la connaissance du cotisant le délai d’un mois qui lui était imparti pour le paiement, font nécessairement grief dès lors qu’il ne dispose que de ce même délai d’un mois à compter de la notification de la mise en demeure pour contester la décision de l’organisme de recouvrement.

L’absence d’information de ce droit caractérise une atteinte au droit de la défense, soit à un droit essentiel, justifiant l’annulation de la mise en demeure, c’est à dire de la décision de recouvrement, ce qui ne signifie pas, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges dans leur motivation, que la procédure de recouvrement est irrégulière.

L’annulation de la mise en demeure valant décision de redressement fait par contre obstacle à la poursuite de l’action en recouvrement de l’URSSAF Rhône Alpes sans qu’il y ait lieu de procéder à l’examen des autres moyens développés par les parties.

Pour la Cour d’appel de Toulouse, le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale Haute Garonne doit en conséquence être confirmé uniquement en ce qu’il a déclaré le recours de la société recevable, annulé la mise en demeure du 15 juin 2017 et débouté l’URSSAF Rhône Alpes de sa demande en paiement du redressement litigieux, et réformé sur les conséquences qu’il en a tirées sur la procédure de redressement.

Par suite de l’annulation de la mise en demeure, l’URSSAF Rhône Alpes doit être déboutée de sa demande en paiement.

Cour d’appel de Toulouse, 4e chambre sociale, 3e section, 13 Mars 2020 – n° 18/04300

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

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Notes de l'article:

[1Civ.2, 19 décembre2019 n°18-23623

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