Le délit de mise en danger d’autrui ou de mort, en droit pénal routier.

Par Michel Benezra, avocat.

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En cas d’accident corporel ou mortel de la circulation, le conducteur peut se voir condamné pénalement jusqu’à 10 ans d’emprisonnement en cas de mort ou de blessures.
Néanmoins, une infraction, beaucoup moins connue des automobilistes, permet également d’engager la responsabilité du conducteur qui, par son comportement, aurait pu causer à autrui des blessures ou la mort.

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I- Le délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, en amont de toute conséquence dommageable.

En effet, l’article L. 223-1 du Code pénal agit en amont de tout préjudice causé à autrui et vient sanctionner le seul comportement de l’automobiliste.

Cet article est rédigé comme suit :
« Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

De la même façon que l’homicide involontaire] ou les blessures involontaires, commises par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’automobiliste doit avoir commis une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

Le risque causé à autrui doit également être suffisamment caractérisé : le texte précise qu’il ne s’agit pas de simple blessures : le comportement du conducteur doit être susceptible d’avoir eu des conséquences gravissimes pour les autres : soit la mort, soit une mutilation ou une infirmité permanente.

Quelques précisions sur la caractérisation de l’infraction :

L’auteur du délit est il nécessairement le conducteur du véhicule ?

Le délit peut être caractérisé pour quiconque mettrait en danger la vie d’autrui : même si l’hypothèse est rare en pratique, ce n’est donc pas obligatoirement le conducteur du véhicule qui est en cause.
Ainsi, le passager qui tire soudainement le frein à main du véhicule lors du dépassement d’un camion et provoque une collision peut être condamné pour mise en danger délibérée [1].
Dans ce cas précis, la chambre criminelle avait considéré que le passager, en tirant sur le frein à main, avait pris la direction et le contrôle du véhicule : il était donc devenu le conducteur de fait.

Par ailleurs, le comportement du prévenu n’est pas nécessairement sans conséquences : il peut y avoir un accident de la circulation, mais celui-ci n’a pas causé de préjudices corporels à autrui : le conducteur est par exemple rentré en collision avec un véhicule tiers ou contre des bâtiments publics.
Ainsi, dans l’arrêt du 22 juin 2005 cité précédemment [2], le véhicule était entré en collision avec un camion, mais n’avait pas causé aucun dommage corporel à autrui.

Enfin, la difficulté réside dans le caractère purement préventif de l’infraction :la lettre du texte précise que l’accident doit avoir fait peser un risque de mort ou d’infirmité permanente.
En pratique, comment évaluer la gravité des hypothétiques préjudices corporels alors même qu’aucun accident n’a été effectivement réalise ? Dans un accident corporel de la circulation, de nombreux facteurs rentrent en compte et déterminent les conséquences préjudiciables subies par la victime : le comportement de la victime, celui du conducteur, mais aussi les antécédents médicaux de la victime etc…
Il appartiendra à l’avocat pénaliste de démontre que les risques corporels causés à autrui étaient minimes.

S’agissant de l’élément intentionnel, le Ministère Public va s’attacher à démontrer, de la même façon que pour l’homicide ou les blessures involontaires, la volonté de l’auteur d’enfreindre la règle de conduite édictée : l’auteur ne se souhaite pas causer la mort ou des blessures d’autrui, mais il choisi délibérément de violer une règle de conduite qu’il connait.

Que se passe t-il en cas de d’homicide involontaire ou de blessures involontaires ? Les deux infractions se superposent –elles ?
Si le risque s’est effectivement réalisé, seule l’infraction d’homicide involontaire ou de blessures involontaires commises par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur sera caractérise. Néanmoins, l’infraction de mise en danger délibérée d’autrui ne disparait pas complètement, puisqu’elle devient une circonstance aggravante de l’infraction principale.

II- La différence avec la qualification d’une simple contravention.

Néanmoins, est ce à dire que la seule commission d’une infraction routière suffit à qualifier le délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui ?

L’esprit de la loi n’est pas de correctionnaliser systématiquement chaque contravention en délit, c’est pour cela qu’en plus de la violation, il convient de caractériser au préalable un comportement ou contexte particulier, venant s’ajouter à la seule transgression de la règle.

C’est ce comportement ou contexte préalable qui viendra caractériser la réalité de l’imminence du risque de mort ou de blessures causé à autrui et fera la différence avec une simple contravention.
Par exemple, un automobiliste qui commet un excès de vitesse de plus de 50 km/h alors que les circonstances météorologiques rendent dangereuse la circulation.

Ainsi, alors que l’auteur de l’excès de vitesse encourrait une peine d’amende de 1 500 euros et un retrait de 06 points sur son permis de conduire, le contexte des faits convertir une contravention de 5ème classe en un délit puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
En la matière, le juge aura une interprétation casuistique des faits : il appréciera les arguments de la défense et ceux du Ministère public.
Dans ce cas, le conducteur a alors tout intérêt à prendre attache avec un avocat pénaliste afin de discuter cette circonstance pour que ne soit retenu que la contravention d’excès de vitesse (par exemple, voir en ce sens [3], pour un automobiliste qui roulait à une vitesse de 200 km/h).

Ainsi, la chambre criminelle a pu condamné du chef de mise en danger délibérée de la vie d’autrui le conducteur qui avait traversé à une vitesse estimée entre 80 et 100 km/h une agglomération limitée à 30 km/h au moment de la sortie des élèves de leur collège [4].

Il convient de préciser que la disqualification d’une contravention en délit donne nécessairement lieu à une inscription de la condamnation sur le casier judiciaire du conducteur.

Michel Benezra, avocat associé
BENEZRA AVOCATS
Droit Routier & Dommages corporels
https://www.benezra.fr

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Notes de l'article:

[1Crim., 22 juin 2005, pourvoi n° 04-85.340, Bull. crim. 2005, n° 192

[2pourvoi n° 04-85.340, Bull. crim. 2005, n° 192

[3Crim, 19 Avril 2000 pourvoi n° 99-87.234, Bull. crim. 2000, n° 161

[4Crim., 18 septembre 2007, pourvoi n° 06-89.496, Bull. crim. 2007, n° 210

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