Dans cette déclaration, qui est une très ancienne règle du régime parlementaire, le Premier ministre expose devant les députés son programme de gouvernement. C’est une sorte de feuille de route. Bien que l’engagement de responsabilité ne soit pas obligatoire, la plupart des gouvernements nouvellement nommés y ont recours. C’est une sorte de tradition républicaine.
En principe tout Premier Ministre nouvellement nommé fait une telle déclaration. C’est prévu à l’art. 49-1 de la Constitution : Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. On notera que c’est avant tout sur un programme qu’il peut discourir et que la déclaration n’est qu’une éventualité. Il faut préciser qu’avant 1958 cette déclaration était obligatoire et qu’elle pouvait entrainer une censure.
Même si certains analystes l’estiment, cette déclaration n’est en aucun cas obligatoire. En effet le présent de l’indicatif « engage » n’entraine absolument pas d’obligation. C’est une faculté que détient le Premier ministre. On s’aperçoit que depuis 1958, la majorité des nouveaux locataires de Matignon se sont pliés à l’exercice. Mais certains gouvernements n’y ont jamais eu recours, soit qu’ils aient été soucieux de marquer qu’ils tenaient leur légitimité de leur seule nomination par le président de la République (rappelant ainsi qu’il n’y avait plus d’investiture du Gouvernement par l’Assemblée), soit que, comme sous la IXe législature, de 1988 à 1993, ils n’aient pas disposé d’une majorité absolue à l’Assemblée. Par ailleurs, plusieurs gouvernements ont, dans le cours de leur existence, notamment à l’occasion d’un événement particulier, sollicité la confiance de l’Assemblée nationale (ex : Jean Castex en 2020 en période Covid). Au total, depuis 1958, l’article 49-1 a été utilisé 41 fois.
Si l’Assemblée désapprouve la déclaration, le Premier ministre doit remettre sa démission. Mais ceux n’ayant pas de majorité absolue ont prononcé la déclaration sans engager la responsabilité du Gouvernement. Ce qui fut le cas, bien entendu, de M. Barnier.
Cette déclaration a donc lieu à l’initiative du gouvernement pour obtenir la confiance de l’Assemblée, mais aussi pour ressouder sa majorité. La question de confiance n’est posée que si le gouvernement est certain d’obtenir une majorité favorable. En cas d’incertitude le gouvernement sait qu’une motion de censure peut être votée sur la base de l’art. 49-2 C : l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l’alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire.
Au cas où une censure soit effectivement votée ou une déclaration de politique générale rejetée, le gouvernement n’a pas d’autre choix, selon l’art 50 C que de se démettre : lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du Gouvernement.
À noter qu’au Sénat le Premier ministre peut demander l’approbation d’une déclaration de politique générale (article 49 alinéa 4) ; la désapprobation de la déclaration n’a pas de conséquence. Sauf erreur M. Debré a utilisé cette procédure au début de la Vᵉ et surtout R. Barre a « titillé » les gaullistes de sa majorité en recourant une fois à cet exercice. Selon la coutume, un membre du gouvernement peut lire simultanément la déclaration faite à l’Assemblée nationale.
À noter que la déclaration faite par M. Barnier constitue une novation notable en ce qu’elle a été prononcée en l’absence totale de majorité à l’Assemblée. Une première depuis 1958.