Ce crédit d’impôt est égal à 20% du prix de revient hors taxe des investissements réalisés porté à 30% pour les très petites entreprises.
Sont exclus du bénéfice du Crédit d’Impôt pour Investissement en Corse (CIIC) les investissements réalisés pour les besoins, d’une part, des activités ne revêtant pas un caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral ou, d’autre part, des activités qui, bien que revêtant ce caractère, sont expressément exclues par l’article 244 quater E, I-1° -a, a bis et b du CGI.
Depuis le 1er janvier 2019, sont ainsi expressément exclus du CIIC la « gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse » [1].
Cette exclusion a été introduite par la loi de finances pour 2019 et vise les « meublés de tourisme » sans toutefois en donner de définition.
La loi de finances pour 2023 est venue préciser en partie la nature de cette exclusion.
Toutefois, la loi de finances pour 2023 n’étant applicable qu’à partir du 1er janvier 2023, se pose la question du champ de cette exclusion pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022.
L’exclusion du I-1° a bis du CGI de l’article 244 quater E du CGI soit la « gestion et location des meublés de tourisme » s’étend-elle aux activités de para-hôtellerie ?
La doctrine administrative - expression de la position officielle de l’administration fiscale - indique que l’activité de gestion et location de meublés de tourisme est exclue « avec ou sans prestations de services associées » ce qui tendrait donc à exclure l’activité de para-hôtellerie du bénéfice du CIIC :
« Les activités de gestion et de location de biens immobiliers situés en Corse, répondant à la définition des meublés de tourisme prévue à l’article L324-1-1 du Code du tourisme sont exclues du champ du CIIC.
Les investissements exclus sont ainsi afférents aux villas, appartements ou studios meublés, offerts à la location (avec ou sans prestations de services associées) à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois à l’usage exclusif du locataire.
Conformément à l’article 22 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ces dispositions s’appliquent aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.
Remarque : Comme rappelé au II-A-2-b-1° § 260, l’activité de location de locaux d’habitation meublés n’est pas éligible au CIIC en raison de son caractère civil » [2].
Doit-on considérer que peu importe le volume des prestations rendues et les conditions d’exploitation, l’activité de para-hôtellerie est assimilée en toute hypothèse à une activité de location de meublé de tourisme exclue du bénéfice du CIIC ?
Cela semble être la position de principe de l’administration fiscale. Mais cette position est-elle justifiée ?
Nous ne le pensons pas pour plusieurs raisons.
D’une part, selon les principes posés par la jurisprudence, dès lors que le volume et la nature des services associés à la location de meublés conduisent à qualifier l’activité de para hôtelière, l’activité est alors une activité de louage de services (activité commerciale) et non de louage de choses (activité civile).
Le juge de l’impôt a précisé - en dehors de l’applicabilité du CIIC - dans quel cas l’exploitation d’appartements meublés devait être considéré comme relevant du régime fiscal de la location meublée soit un contrat de louage d’immeuble (activité civile) ou d’une activité hôtelière soit une activité de louage de services (activité commerciale) [3].
Il en ressort que pour distinguer une location meublée d’une activité assimilée à une activité d’hôtellerie, le juge se détermine au regard de l’existence de prestations fournies de nature hôtelière « suffisamment substantielles pour que le contrat ne puisse être qualifié de louage de choses » [4] (telles que ménage régulier, petits-déjeuners fournis, mise à disposition linge de maison, réception client).
Il apparaît dès lors que la doctrine administrative précitée justifiant de l’exclusion « avec ou sans prestations de services associés » au regard du caractère civil de l’activité - sans s’interroger sur le volume et la nature des prestations rendues - est infondée. En effet, lorsque les prestations rendues sont comparables aux prestations hôtelières l’activité est commerciale.
D’autre part, pour apprécier la portée de l’exclusion codifiée par la loi de finances pour 2019, il est pertinent de prendre connaissance des débats parlementaires et du but poursuivi par le législateur en décidant d’exclure la location et gestion des meublés de tourisme du champ du CIIC.
Il résulte des travaux parlementaires que le législateur souhaitait par cette exclusion mettre un terme à la pratique de constitution de patrimoine privé - soit des résidences secondaires - en utilisant des fonds étatiques. Par le dispositif du CIIC, le législateur souhaitait encourager les entreprises corses. Or, le dispositif a été partiellement dévoyé par des particuliers bénéficiant du CIIC pour réaliser un investissement patrimonial.
La loi de finances pour 2019 a voulu mettre un terme à ces pratiques en excluant du champ du CIIC les investissements par des non professionnels.
A savoir que cette exclusion résulte de la présentation d’un amendement n° 1574 à l’initiative du député Acquaviva qu’il a exposé en séance de l’assemblée nationale du 18 octobre 2018 sur le projet de loi de finances 2019 en 1ère lecture comme suit :
« l’amendement que nous avons examiné en commission visait à éteindre une niche fiscale que nous considérons comme nocive en ce qu’elle favorise la spéculation immobilière, l’augmentation du nombre de résidences secondaires. L’amendement n° 1574 vise à exclure du bénéfice de ce crédit d’impôt la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse. Par l’amendement n° 2220, nous proposons de ne pas exclure les entreprises touristiques professionnelles telles que les chambres d’hôtes, les maisons d’hôtes et les hôtelleries de petite capacité ».
Les débats parlementaires intervenus lors de la loi de finances 2023 délimitant plus précisément cette exclusion sont également éclairant sur le but poursuivi par le législateur à savoir exclure du bénéfice du crédit d’impôt les locations qui ne sont pas exercées dans le cadre d’une activité professionnelle [5].
En conclusion, il nous paraît dès lors que l’activité de para hôtellerie est exercée par des professionnels poursuivant une activité économique, les investissements réalisés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022 ne sauraient être exclus par principe du bénéfice du Crédit d’Impôt Investissement Corse.
Un professionnel qui exerce une activité commerciale para hôtelière est à notre sens éligible au CIIC. L’activité pour être considérée comme exercée par un professionnel nous semble devoir présenter un certain volume d’investissement et une charge de gestion par opposition à de simples investissements patrimoniaux dont la gestion est déléguée à un tiers.
Il paraît conforme à l’équité fiscale que des opérations d’hébergement analogues à celles fournies dans le secteur hôtelier, avec lesquelles elles sont en concurrence, bénéficient du même régime fiscal.
Nous espérons que le juge de l’impôt interprétera les dispositions de l’article 244 quater E du CGI à la lumière du but poursuivi par le législateur concernant les dossiers qui sont pendants devant lui en admettant que les investissements réalisés par un professionnel dans le cadre d’une activité économique de parahôtellerie sont éligibles au CIIC.
A notre connaissance, une seule jurisprudence est intervenue concernant l’exclusion afférente à l’activité de parahôtellerie au visa de l’article 244 quater E I- 1° a.bis du CGI. Le Tribunal Administratif de Bordeaux a jugé le 17 mai 2023 que l’appartement acquis même assorti de prestations para hôtelières par le requérant était exclu du bénéfice du CIIC. Cette solution - outre le fait qu’elle devra être confirmée -s’explique à notre sens par les faits de l’espèce : à savoir l’acquisition d’un seul bien qui laisse supposer un simple investissement patrimonial et non une réelle activité économique professionnelle.
En conclusion, à notre sens, les investissements réalisés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022 dès lors qu’il ne s’agit pas d’un investissement isolé mais d’un investissement par une entreprise touristique professionnelle sont éligibles à l’article 244 quater E du CGI.
Nous attendons avec intérêt la solution qui sera rendue sur ce point par le Tribunal Administratif de Bastia lequel est saisi par notre cabinet d’une requête sur un dossier répondant à notre sens aux critères d’éligibilité de l’article 244 quater E du CGI.
La loi de finances pour 2023 a précisé la nature de l’exclusion mais ce texte ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2023.
La loi de finances pour 2023 précise en effet que :
« Toutefois, ne sont pas concernés par cette exclusion les établissements de tourisme gérés par un exploitant unique, comportant des bâtiments d’habitation individuels ou collectifs dotés d’un minimum d’équipements et de services communs et regroupant, en un ensemble homogène, des locaux à usage collectif et des locaux d’habitation meublés loués à une clientèle touristique qui n’y élit pas domicile. Pour les établissements de tourisme répondant à ces conditions, aucun critère relatif au nombre minimal de lits n’est requis ».
Le texte reprend ainsi la définition du Code de Tourisme d’une résidence de tourisme et valide la position administrative qui dans sa doctrine indiquait que les résidences de tourisme n’étaient pas exclues (sous réserve de disposer de plus de 50 lits, seuil non repris par le législateur).
Il nous semble néanmoins que la nouvelle rédaction de l’article 244 quater E du CGI du I- 1° a. bis ne répond pas totalement à la volonté des parlementaires en ajoutant des critères - qui s’ils permettent d’exclure a priori les simples investissements patrimoniaux - exclut des opérations d’investissements réalisés par des professionnels lesquels ne répondraient pas à l’ensemble des critères tels que : « de services communs » et « un ensemble homogène » et ne pourraient dès lors bénéficier du CIIC.
Nous demeurons donc attentifs aux décisions à venir concernant les investissements réalisés entre 2019 et 2022 en espérant des jugements rendus à la lumière du but poursuivi par le législateur.