L’Intelligence Artificielle était "l’éléphant" du Congrès RDV des Transformations du droit d’octobre 2023 : il pesait lourd dans les sujets de conférences, les offres d’exposants, et aussi les demandes des participants.
C’est clairement aujourd’hui l’accélérateur du marché de la Legaltech, comme dans d’autres secteurs Tech bien entendu, mais l’importance de la donnée en Droit en fait un excellent terrain d’investigation... et bien des promesses ont déjà été faites par cette technologie.
Au-delà de la prouesse technique, le sujet vient frontalement percuter des sujets récurrents ces dernières années, sur l’efficacité, l’automatisation, les nouveaux modèles économiques et de services des acteurs du Droit, les attentes des clients, etc. (des articles de la communauté du droit explorent ce sujet d’ailleurs depuis longtemps, voir par exemple "L’Intelligence Artificielle et l’exercice du droit. ").
A titre d’exemple pour cette chronique, nous étudions "le cas " de Jimini AI [2], fondée en 2023 par Raphaël Arroche, entrepreneur, et Stéphane Béreux, polytechnicien spécialisé en IA. La startup veut proposer une solution d’intelligence artificielle générative (GenAI) spécifique au Droit.
"Jimini AI veut être un système d’Intelligence artificielle à destination des professionnels du droit - juristes d’entreprise, avocats - afin de les suppléer dans toutes les tâches à faible valeur ajoutée, comme la recherche juridique, l’examen des textes et la partie rédactionnelle" indique l’éditeur.
Justement, c’est le sujet du moment : l’IA peut-elle faire mieux que la recherche humaine en terme de fiabilité ? En terme de rapidité et d’accès à un important volume d’informations, le débat est clos, mais sur la fiabilité et sécurité des résultats, c’est encore en discussion...
Ce secteur est très convoité et de grandes annonces sont à venir ou déjà faîtes chez les principaux éditeurs juridiques et les Legaltech du secteur... Qu’est-ce que "tout ça" peut vraiment apporter aux professionnels du droit ? Ces levées de fonds et importants investissements vont-ils faire progresser la pratique du professionnel du Droit ?
Village de la justice : L’IA générative alimente toutes les discussions depuis quelques mois. Après un scepticisme nourri à la méconnaissance, désormais les professionnels du Droit dressent l’oreille et expérimentent (par exemple, récemment, Mme le Bâtonnier de Lyon estimait que son usage possible par tous était une condition pour l’avenir de l’accès équitable au Droit). Quelle est la promesse à long terme que vous-même avancez auprès des premiers testeurs de votre système et des futurs clients ?
Raphaël Arroche : "Nous croyons fermement que l’IA peut libérer les avocats et les juristes des tâches répétitives, leur permettant ainsi de se concentrer davantage sur des aspects stratégiques et à plus haute valeur ajoutée de leur métier.
Aujourd’hui, 50% du métier d’un juriste repose sur des tâches fastidieuses, chronophages, où l’IA générative prend tout son sens. L’IA générative appliquée au monde du droit permettra dans les mois à venir des gains prodigieux en temps et en efficacité, une meilleure précision de réponses et un partage amélioré de la connaissance au sein de cabinets."
Village de la justice : Votre première levée de fonds est importante. Pour les clients et futurs clients, quels peuvent être les apports de valeur qui pourraient en découler, apports de valeur pour leur propre entreprise et activité ?
Raphaël Arroche : "L’univers du droit étant textuel et structuré, il est un champ d’application privilégié des LLMs [3] Les gains en productivité, en matière de recherche, d’analyse de corpus documentaires et de rédaction, vont être phénoménaux.
Notre IA générative est spécifiquement juridique, elle vise à augmenter l’efficacité opérationnelle des cabinets et des entreprises en automatisant des tâches chronophages, telles que la rédaction de documents juridiques, la recherche de précédents et l’analyse de vastes volumes de données légales."
Village de la justice : On peut supposer que vos investisseurs croient en la valeur de l’IA pour le secteur du Droit. Quels potentiels de l’IA - sans doute venus d’autres secteurs d’activité - ont-ils détecté dans le Droit ?
Raphaël Arroche : "Nos investisseurs ont compris très vite que les outils d’IA généralistes (comme ChatGPT par exemple) n’étaient pas adaptés à l’usage qu’en faisaient les juristes : hallucinations, entraînement généraliste sans définition ni précision des sources juridiques, pas de citation des sources...
Pourtant, ce type d’outils est déjà très utilisé par beaucoup d’avocats ou de juristes, ceci montrant bien une réelle attente du marché.
À la différence d’une IA généraliste, nous développons une approche verticale, une approche métier d’IA générative, adaptée au monde du droit et à son usage, avec un outil clef en main dédié, ce qui a beaucoup plu à nos investisseurs ainsi qu’à nos premiers partenaires."