Comment être certain de rater l'aménagement de son espace de travail ?

Comment être certain de rater l’aménagement de son espace de travail ?

Stéphanie Roche
Intérieur 360°
Design d’espace
interieur360 chez interieur360.fr
www.interieur360.fr
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Ceci a commencé comme une plaisanterie !
J’ai lu l’article « Avocats, Juristes : pourquoi et comment rater votre projet de transformation ? » d’Aude Dorange, à la fois avec intérêt et amusement.
J’ai commenté, un brin bravache : « Je veux bien aider à bien "rater" le réaménagement de votre espace de travail. »
Et voilà que Christophe Albert me met au défi de proposer ma vision d’un aménagement raté, avec à l’appui des « photos moches » (sic), pour en tirer quelques enseignements.
J’ai relevé le défi !

-

Je ne reviendrai pas sur les vertus d’un échec réussi d’un projet de transformation, cette réflexion ayant été fort bien développée par Aude Dorange.

Je parlerai par ailleurs d’associer l’équipe voire les clients à la réflexion d’un nouvel aménagement.

Je ne pourrai pas toutefois développer toute la méthodologie encadrant l’accompagnement au changement, lequel mériterait un sujet à lui tout seul.

Pour entrer maintenant dans le vif de mon sujet, j’ai envie de commencer par une lapalissade : réfléchir à comment rater l’aménagement de son espace de travail signifie qu’on réfléchit déjà à son aménagement, et c’est là peut-être le premier commandement pour rater, avec succès, un tel projet.

1. Négliger son environnement de travail

Pour l’avocat « type » encore aujourd’hui, sa réussite repose sur sa compétence, sa spécialité, son relationnel.

Qu’est-ce que ses locaux ont donc à voir avec cette réussite ?

Pourtant, c’est oublier qu’une équipe participe à cette réussite, et travaille dans ces mêmes locaux…

C’est oublier qu’il faut au préalable attirer les collaborateurs, ce qui signifie leur présenter leur futur espace de travail…

C’est oublier aussi l’exigence accrue des clients quant à la plus-value attendue dans le service rendu par leurs conseils.

Comment alors ignorer l’espace dans lequel l’ensemble de ces personnes travaillent, réfléchissent, échangent, négocient parfois ?

Pour rater l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Partir du postulat que son équipe est « tout terrain », qu’elle est donc apte à travailler indépendamment de toute considération de confort !

- Partir du postulat que ses clients sont sourds et aveugles, ignorant tout des conditions de travail de cette même équipe et du sort réservé à leurs dossiers…

- Ou alors faire bonne figure en soigner les seules pièces « vitrine », à savoir la salle de réunion et le bureau de l’associé !

2. A rebours : faire trop beau ou trop décalé

Il y a l’avocat qui au contraire veut se démarquer en en mettant « plein la vue » : mobilier design et cher, œuvres d’art, matériels high-tech, etc, avec éventuellement une touche « start up » (ex. des poufs, pour caricaturer quelque peu).

Certes c’est « beau » ou original, mais ce n’est pas nécessairement réfléchi en termes de confort ou de fonctionnalité.

Cet avocat n’a pas non plus nécessairement intégré que l’aménagement est une des composantes de l’identité de son cabinet.

L’aménagement doit être en cohérence avec les autres composantes de cette identité, comme la charte graphique (logo), le site et même sa personne, j’oserai dire même son look, et bien sûr avec sa clientèle.

Pour reprendre mes exemples quelque peu caricaturaux, il est tout à fait possible d’opter pour une décoration luxueuse ou décalée à condition qu’elle corresponde aux standards de sa clientèle, mais aussi de la profession.

Autrement dit s’aligner oui, s’identifier non.

Pour rater l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Réaliser une décoration déconnectée de son identité,

- Réaliser une décoration déconnectée des standards de sa clientèle,

- Créer en conséquence un « mal être » ou un malentendu : décoration chère = avocat cher.

3. S’auto proclamer « maître ès aménagement d’espace »

L’avocat « type » est le sachant dans son métier.

Il y a aussi, et souvent, une question de budget.

Il peut donc être tenté de gérer, seul, le projet d’un nouvel aménagement.

Se dispenser de spécialistes de l’aménagement, c’est perdre une chance d’optimiser son aménagement en termes d’agencement et d’occupation de l’espace (et/ou des postes de travail).

C’est une perte de chance aussi d’optimiser son budget et son temps.

Un chantier mal préparé, c’est souvent du retard et un coût supplémentaire, outre la phase de suivi du chantier qui se révèle particulièrement chronophage dans un quotidien déjà chargé.

Pour rater l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Se priver de l’expertise, et des garanties aussi, de spécialistes de l’aménagement d’espaces professionnels,

- Prendre le risque de mal définir les besoins du cabinet (à ne pas confondre avec les besoins du seul associé) et d’aboutir un résultat insatisfaisant voire contraire aux attentes.

4. Ne pas associer son équipe

Dans la continuité du précédent commandement, l’avocat « type » ne consulte pas non plus (voire surtout pas) son équipe.

Mais pourquoi se priver de ce retour d’expérience et même de cette aide ?

Première réponse immédiate : l’avocat connaît bien le métier, fort de ses nombreuses années de barreau.

C’est faux !

Il ne connaît pas précisément le travail par exemple de sa secrétaire, ni même ses besoins (par ex. ergonomie, informatique, ce qui vaut aussi pour le reste de l’équipe).

Il va ainsi négliger des sujets hyper pratiques mais essentiels au confort et au travail de sa secrétaire : la localisation du photocopieur et la possibilité d’y travailler à proximité, l’implantation, le volume ou encore la configuration des rangements (les dossiers sont en effet rarement rangés dans le bureau de l’associé…).

Deuxième réponse peut-être plus inconsciente : consulter c’est prendre le risque de devoir se remettre en question.

Sans entrer dans le détail du mode de consultation inhérent à un accompagnement dans la mise en œuvre d’un projet de changement, il peut être intéressant d’essayer de comprendre pourquoi l’associé ne le fait pas, quels pourraient être ses blocages conscientisés ou non.

Consulter l’équipe c’est à la base devoir prendre le temps de l’écouter, soit ajouter une charge de travail.

C’est prendre le risque de faire remonter des sujets d’insatisfaction dans le fonctionnement du cabinet, et donc de devoir satisfaire des attentes désormais exprimées qui ne sont pas celles de l’associé.

C’est aussi prendre le risque de parler budget, ce que beaucoup d’associés sont réticents à faire.

Pourtant quelle occasion manquée de cibler juste, mais aussi d’investir et de responsabiliser son équipe !

Pour rater l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Ne pas consulter son équipe et donc ignorer le mode de travail au sein de son propre cabinet,

- Accepter en conséquence de générer frustration et déception au sein de son équipe.

5. Promouvoir une vision dépassée de son exercice

Le présent commandement peut être la conséquence des précédents.

L’avocat « type » peut être enfermé dans un certain nombre de stéréotypes issus le plus souvent du statut : un associé doit avoir un bureau fermé ET spacieux.

Et ce même si concrètement il n’y passe pas beaucoup de temps et que les dossiers (encore !) n’y sont pas rangés.

Mais il est vrai que ces stéréotypes ne sont pas l’apanage des seuls associés : un collaborateur senior revendiquera souvent un bureau fermé comme marqueur de son ancienneté ou d’une promotion.

Tout cela au détriment du reste de l’équipe qui peut se retrouver à travailler, à plusieurs, dans des bureaux étroits, voire à l’instar (encore !) de la secrétaire dans un couloir, croulant sous les dossiers….

Autre stéréotype : le cabinet est uniquement un espace de travail, autrement dit de productivité.

Pourtant, les locaux sont aussi un lieu d’échange, et même d’accueil des clients ou des candidats.

Le travail lui-même ne se limite pas à son propre bureau : on échange dans le bureaux de l’associé, celui d’autres collaborateurs (dossiers transversaux), ou dans la cuisine quand elle existe.

Outre rater sa cible d’une optimisation de l’espace évoquée plus haut, un aménagement qui rependrait ces marqueurs dépassés enverrait des messages extrêmement négatifs.

Pour rater l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Limiter la relation de travail à une question de productivité et de facturation,

- Négliger son image de marque, et croire que les candidats « tombent du ciel » et les collaborateurs fidèles à toute épreuve, à l’instar d’ailleurs des clients !

6. Ne pas valoriser son aménagement

Aménager est un investissement incontestable.

Le réflexe est donc de voir « petit ».

Autrement dit, l’avocat réfléchit en fonction de ses besoins immédiats, sans anticiper une éventuelle association ou d’éventuels recrutements par ex.

Or, l’aménagement doit être pensé en corrélation avec le développement du cabinet.

Une fois l’aménagement réalisé, l’avocat « type » ne va pas vouloir, ou même penser à, communiquer sur son nouvel espace.

Parce qu’il est avocat, cela n’aurait aucun intérêt ? Voire ce serait contreproductif ? Que penseraient ses clients, qu’il va augmenter ses honoraires ?

Cela pourrait au contraire constituer un retour sur investissement, en donnant une autre image du cabinet, et le rendant ce faisant plus attractif (sous réserve de cohérence comme développé plus haut).

Pour rater enfin l’aménagement de son espace de travail, il faut donc :

- Décorréler espace de travail et développement du cabinet,

- « Cacher » son nouvel espace : on garde par exemple la photo de l’équipe sur fond blanc plutôt que dans la salle de réunion ou les bureaux ou même la cuisine rénovés !

Conclusion...

Pour savoir si votre nouvel aménagement est raté, c’est simple :

Un client ou une équipe pas convaincu ne va rien dire ou marquer sa perplexité : par exemple un client qui déclare « Ces tableaux sont étonnants dans un cabinet ? » ou « J’ai eu du mal à me relever de vos nouveaux fauteuils ? » ou encore « Cette nouvelle décoration a dû coûter cher ? (sous-entendu vos honoraires vont sûrement augmenter) »

Il ne faut pas alors hésiter à aborder le sujet.

Avec les clients pour recueillir leurs impressions s’ils n’ont rien dit, et expliquer sa démarche, insister sur l’amélioration de la qualité de travail pour vous, et glisser que les honoraires n’en pâtiront pas…

Avec l’équipe, acceptez leurs éventuelles critiques car rien n’est irrémédiable ou complétement raté.

Il y a toujours des solutions pour améliorer un premier changement : exemple, modifier l’implantation des bureaux ou la répartition des équipes dans les espaces ou changer quelques accessoires éventuellement à choisir par les collaborateurs.

En fait, un aménagement est par nature fluctuant, c’est un lieu de vie qui évolue avec l’activité du cabinet, les technologies ou les modes de travail.

D’où pour le prochain aménagement, tirez les enseignements d’une précédente expérience, faites en un projet collaboratif et non seulement une surface à répartir, un budget à gérer ou un faire-valoir artificiel.

Stéphanie Roche
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