Pourquoi les magistrats de l'ordre judiciaire ont-ils besoin d'un collège de déontologie ?

Pourquoi les magistrats de l’ordre judiciaire ont-ils besoin d’un collège de déontologie ?

Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

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Explorer : # déontologie judiciaire # conflit d'intérêts # indépendance des magistrats # transparence

Ce que vous allez lire ici :

L'objet de cet article est de présenter le Collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire créé en 2017. Depuis sa création, il a été saisi à 61 reprises. Son rôle est de répondre aux questionnements individuels des magistrats et de fixer une doctrine déontologique consultable par tous. Les magistrats doivent également faire une déclaration d'intérêts dans les deux mois suivant leur prise de fonction.
Description rédigée par l'IA du Village

Un besoin de transparence et de déontologie souffle depuis quelques années dans notre société et les magistrats de l’ordre judiciaire n’y échappent pas puisque depuis 2017 un collège de déontologie leur est dédié.
Ce collège indépendant a été créé par la loi organique n° 206-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.
Mais quelles ont été les raisons de la mise en place d’une telle entité ? Quel est son rôle ? À quels besoins répond-elle ? Quel est son "pouvoir" ? Qu’est-ce que la "déclaration d’intérêts" que doivent réaliser les magistrats ? Autant de questions posées par la Rédaction du Village de la Justice à Vincent Lesclous, Sophie Darbois, Jeanne-Marie Vermeulin, Odile Piérart et Soraya Amrani-Mekki, membres constitutifs de ce collège.

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Présentation du Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire.

Depuis 2017, le Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire rend des avis écrits et documentés sur toute question déontologique concernant personnellement un magistrat et examine les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises.
La confidentialité dirige les travaux de ce collège et ses avis sont rendus en toute indépendance à titre indicatif sur la bonne conduite à avoir.
Le collège n’a pas de pouvoir de décision ou d’arbitrage et ses attributions sont distinctes de celles des instances disciplinaires.

Ses actions sont ainsi définies par l’article 10-2 de l’Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

« Le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire est chargé :
1° De rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un magistrat, sur saisine de celui-ci ou de l’un de ses chefs hiérarchiques ;
2° D’examiner les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises en application de l’article 7-2.
Il présente chaque année au Conseil supérieur de la magistrature un rapport public rendant compte de l’exécution de ses missions. Ce rapport ne contient aucune information nominative
 ».

Le collège est composé de cinq membres, trois magistrats et deux membres « extérieurs ». La durée de leur mandat est de 3 ans renouvelable une fois.

Du côté des magistrats on a :

  • Un membre du Conseil supérieur de la magistrature (en fonction ou honoraire), nommé, sur proposition de l’assemblée générale de cette instance, par le Président de la République. Il s’agit actuellement de Monsieur Vincent Lesclous, avocat général honoraire près la Cour de cassation, élu par les membres du collège pour le présider,
  • Un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation (en fonction ou honoraire), alternativement membre du parquet général ou du siège, élu par l’assemblée générale du siège ou du parquet général de cette juridiction. Il s’agit actuellement de Madame Sophie Darbois conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation.
  • Un chef de cour d’appel élu par l’assemblée de ses pairs, là encore alternativement premier président ou procureur général. Si le magistrat élu par la Cour de cassation est un magistrat du siège, le chef de cour d’appel devra être un procureur général et inversement ; actuellement Madame Jeanne-Marie Vermeulin, procureure générale honoraire.

Les membres extérieurs quant à eux sont au nombre de deux :

  • Un membre du Conseil d’État ou, alternativement, de la Cour des comptes, désigné par le vice-président du Conseil d’État ou le premier président de la Cour des comptes ; actuellement Madame Odile Piérart, conseiller d’État honoraire ;
  • Un universitaire désigné par le président de la République sur proposition, alternativement, du premier président ou du procureur général de la Cour de cassation ; actuellement Madame Soraya Amrani-Mekki, professeure des universités.

Depuis sa mise en place en 2017, le collège a été saisi à 61 reprises.

Donnons la parole aux membres du Collège de déontologie pour qu’ils nous expliquent en détail leur rôle et celui de cette instance indépendante.

Quelles ont été les raisons de la mise en place du Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire ? À quels besoins cela répond-il ?

« Cette création, qui fait écho à celle des collèges de déontologie des juridictions administratives et financières, est en réalité une déclinaison de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Elle s’inscrit dans une continuité. En effet, un recueil de déontologie avait déjà été rédigé en 2010 sur la base de l’article 20-2 de la loi organique n° 94-100 du 20 février 1994, qui confiait à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature le soin d’élaborer et de rendre public un tel texte, et sur celle de l’article 18 de la loi organique n° 2007 -287 du 5 mars 2007. Ce recueil a été profondément enrichi dans une nouvelle version publiée en 2019.

Les dispositions qui concernent le Collège de déontologie judiciaire sont actuellement insérées dans l’article 10-2 de l’ordonnance n° 58 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Elles ont récemment été complétées par la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 qui prévoit, en substance, qu’une charte de déontologie sera élaborée par le Conseil supérieur de la magistrature après avis du collège de déontologie, que ce dernier « peut recevoir et traiter les alertes lancées par les magistrats de l’ordre judiciaire » et qui donne compétence au collège de déontologie pour traiter la déclaration d’intérêts de l’Inspecteur général de la justice ».

Qu’apporte le Collège de déontologie aux magistrats ? Quel est son rôle ?

« Le Collège de déontologie est une instance totalement indépendante.

Elle a pour mission de répondre aux questionnements déontologiques individuels des magistrats ou de leurs chefs de cour et de juridiction, notamment au regard des obligations déontologiques qui figurent au recueil.

Ces questionnements doivent être formulés par écrit mais, aucun formalisme n’est exigé et la question peut être posée par simple message électronique.

Le collège rend, sur le rapport de deux de ses membres, un avis écrit, adressé exclusivement au requérant à qui il revient de décider de le rendre public ou non. Cet avis est, une fois anonymisé, publié sur le site du collège. L’ensemble des avis rendus par le collège figure dans son rapport d’activité annuel, sauf exception.

Le collège fixe une doctrine déontologique que chaque magistrat peut consulter.

Ces avis permettent aux magistrats requérants de disposer d’un écrit approfondi d’autant plus utile que la question est délicate ou conditionne un aspect important de l’activité professionnelle du requérant. En outre, au-delà de la casuistique des saisines, le collège fixe ainsi une doctrine déontologique que chaque magistrat peut consulter.

La mission du Collège de déontologie est complémentaire de celle du service d’aide et de veille déontologique, qui dépend pour sa part du Conseil supérieur de la magistrature et rend des conseils oraux sur saisine téléphonique des magistrats, sans pouvoir toutefois être saisi par les chefs de cours ou de juridictions. Ces conseils ne font l’objet d’aucune publication bien que le SAVD adresse un rapport annuel au Conseil supérieur de la magistrature ».

Concrètement, quelles sont les questions déontologiques traitées ?

« Les questions soumises au collège sont très variées.

Elles s’articulent pour la plupart autour des thèmes de l’impartialité, de la réserve et de la loyauté.

Les réponses peuvent amener le magistrat à envisager son déport d’un ou plusieurs dossiers, voire sa mutation ou son changement de service.

Les questions peuvent concerner les obligations de magistrats souhaitant évoluer professionnellement, par exemple pour devenir avocats, confrontés à des situations de difficulté avec des avocats ou des justiciables, souhaitant exercer des activités accessoires, ponctuelles ou permanentes qu’il s’agisse d’activités au sein de structures, par exemple associatives, de travaux artistiques ou scientifiques. Certaines questions naissent encore de la vie familiale ou sociale du magistrat.

Les rapports annuels du collège et son site répertorient l’ensemble des questions et des avis ».

Quel bilan peut-il être fait de l’action du Collège de déontologie depuis sa création ?

« Le rythme des saisines a cru progressivement, de 4 en 2017 à 19 en 2023.

Ces 6 années ont permis de balayer de nombreux sujets et, pour certains cas répétitifs, d’élaborer une jurisprudence.

Le collège s’estime insuffisamment saisi eu égard à l’importance prise par la question déontologique dans l’exercice professionnel des magistrats ;

À l’heure actuelle, le collège s’estime cependant encore insuffisamment saisi eu égard à l’importance prise par la question déontologique dans l’exercice professionnel des magistrats dont les conditions ont profondément et rapidement évolué. Il cherche donc à renforcer sa visibilité, multipliant les interventions dans les sessions de formation de l’École nationale de la magistrature et les rencontres avec les conférences des chefs de cours et de juridictions, les organisations syndicales…

Le collège a également souhaité se rapprocher des organes comparables des juridictions administratives et financières dont il a rencontré les présidents et certains membres et auxquels il adresse copie de ses avis anonymisés ».

En quoi consiste la déclaration d’intérêt que doit faire tout magistrat dans les deux mois suivant sa prise de fonction ?

« Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016, les magistrats en activité sont soumis à l’obligation de renseigner une déclaration d’intérêts.

L’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, tel que modifié par la loi de 2016, définit comme constitutive d’un conflit d’intérêts pour les magistrats « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Dans le but de prévenir une telle situation, les dispositions de l’article 7-2 prévoient que les magistrats remettent au chef de la juridiction dont ils dépendent « une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts », ces derniers pouvant être matériels ou moraux.

Cette déclaration recense ainsi l’ensemble des activités, des fonctions, des mandats et des participations du magistrat et porte sur les éléments précisés dans le tableau suivant :

En cas de doute sur l’existence d’une situation susceptible de faire naître un conflit d’intérêts, il appartient au chef de juridiction de saisir le Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire ».

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Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

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