Cession d’entreprise : l’encadrement des négociations.

Par Matthieu Hue et Thaïs de Fougerolle. Avocats.

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Exigence de loyauté. Devoir d’information. Confidentialité. Tous les coups ne sont pas permis...

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Nombreux sont les entrepreneurs qui, sous couvert du principe de liberté contractuelle, se croient légitimes à négocier comme ils l’entendent la cession de leur entreprise, quitte à enjoliver certains résultats, à dissimuler certaines informations, à négocier parallèlement avec plusieurs acquéreurs, ou encore à se rétracter à tout moment (après tout, tant que l’accord n’est pas conclu, on n’est pas engagé, n’est-ce pas… ?).

Bien mal leur en prend, ignorants qu’ils sont du code civil, dont les articles 1112 à 1112-2 (issus de la réforme du droit des obligations et applicables depuis le 1er octobre 2016) limitent leur témérité en leur imposant un comportement exemplaire durant les négociations.

L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations doivent ainsi « impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».

L’obligation n’est pas sans conséquences, puisqu’elle expose celui qui ne s’y soumet pas à indemniser la partie négociante qui serait victime de ce manquement.

En pratique, la problématique surgit lors de la rupture des pourparlers, que le tribunal pourra juger fautive s’il estime qu’elle est empreinte de mauvaise foi.

Pour fonder sa conviction (nécessairement subjective), le tribunal prendra en considération différents indices tels que l’avancement des pourparlers (Cass. com. 6 janv. 1998 n° 95-19199), la croyance légitime de l’autre partie dans la conclusion du contrat (Cass. com. 20 mars 1972 n° 70-14154 et Cass. com. 18 juin 2002 n° 99-16488), ou encore le caractère brutal de la rupture, qu’elle soit tardive (la veille de la conclusion du contrat : Cass. com. 18 janv. 2011 n° 09-14617) ou sans motifs (Cass. com. 20 mars 1972 n° 70-14154).

Le tribunal pourra également tenir compte de la pérennité du projet. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle reconnu, par exemple, qu’une société pouvait légitimement rompre les négociations engagées avec une autre société en vue de la cession des titres de cette dernière, la société cédante étant entrée en état de liquidation judiciaire, ce qui rendait illusoire toute perspective de redressement (Cass. com. 23 oct. 1990 89-10196).

Pour limiter les risques de contentieux, la prudence conduit à inviter les parties à s’entendre sur les conditions de leurs négociations, notamment en listant celles-ci dans une lettre intention. Les pourparlers pourront alors être rompus sans faute dès lors que telle ou telle condition mentionnée dans la lettre d’intention fera défaut. La lettre d’intention présente également l’avantage d’encadrer les négociations – et l’exclusivité qui est y souvent attachée – dans le temps. En d’autres termes, les parties consentent à l’avance à mettre fin à leurs négociations dans les conditions qu’elles déterminent elles-mêmes.

Une attention particulière doit dès lors être attachée à la lettre d’intention qui, si elle ne contraint pas les parties à conclure l’accord envisagé (pas d’obligation de résultat), les oblige néanmoins à se comporter loyalement.

Cette obligation de loyauté se manifeste également dans l’obligation faite à toute partie qui connaît une information pouvant être déterminante du consentement de l’autre, de lui en faire part durant les négociations, tendant ainsi à éviter toute manœuvre visant à tromper son cocontractant ou à vicier son consentement (cf. art. 1112-1 c. civ.).

On notera que la portée pratique de cette obligation est toutefois assez limitée, puisqu’elle ne vise que les informations dont il pourra être démontré non seulement qu’elles étaient « déterminantes du consentement de l’autre partie », mais également qu’elles étaient connues de la partie qui les a tues et qu’elles étaient inconnues de la partie prétendant devoir en être récipiendaire, ce qui n’est pas sans soulever certaines difficultés probatoires…

En tout état de cause, si les parties sont légalement tenues de s’informer, c’est logiquement que le législateur place ces informations sous couvert de la confidentialité, limitant les réticences des parties à divulguer certaines données (cf. art. 1112-2 c. civ.).

Cette exigence est capitale en ce qui concerne les négociations précédant une cession d’entreprise, le cessionnaire étant amené à effectuer un certain nombre d’audits en vue d’évaluer la valeur des parts ou actions qu’il projette d’acquérir et d’estimer les éventuels risques découlant de l’opération (évaluation dont dépendra l’étendue de la garantie d’actifs et de passif). Ces audits pouvant porter sur des aspects financiers, comptables, juridiques ou encore fiscaux, il est essentiel pour la partie cédante d’être assurée que ces informations ne pourront être utilisées à mauvais escient en cas d’échec des négociations.

Même si la confidentialité est prévue par la loi, la prudence conduit à inviter les parties à conclure un véritable accord de confidentialité (qui peut être inséré dans la lettre d’intention). A défaut d’accord précis, le caractère confidentiel ou non des données sera en effet laissé à l’appréciation du juge, laquelle est évidemment source de subjectivité et, donc, d’incertitude.

La complexité des opérations de cession de droits sociaux, combinée aux obligations légales encadrant la phase précontractuelle, implique ainsi pour le cédant comme pour le cessionnaire de porter une attention toute particulière au déroulement des pourparlers et à ne pas négliger la rédaction des actes encadrant les négociations.

Matthieu Hue / Thaïs de Fougerolle
LexStep Avocats

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