Certificats d’Economies d’Energie (CEE) : la jurisprudence du Conseil d’Etat en 2024.

Par Benoît Denis, Avocat.

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Ce que vous allez lire ici :

Le dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) est critiqué pour sa complexité et des fraudes potentielles. Cependant, il joue un rôle crucial dans la réduction des consommations énergétiques. Récemment, des rapports ont souligné sa nécessité, appelant à une amélioration pour lutter contre la fraude, tout en respectant la réglementation.
Description rédigée par l'IA du Village

Le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) suscite régulièrement des controverses, notamment en raison des affaires de fraudes réelles ou supposées. Malgré les critiques parfois excessives des responsables politiques, ce mécanisme complexe joue un rôle crucial dans la réduction des consommations énergétiques et ce, sans recours à l’argent public.

Malgré ses rigidités et insuffisances, le dispositif des CEE repose sur la pratique et les professionnels pour atteindre les objectifs fixés par l’État. Le Conseil d’État et les juridictions administratives jouent également un rôle important en interprétant les textes juridiques et en tranchant les litiges. En 2024, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions significatives concernant les CEE, soulignant l’importance de l’intervention du juge administratif dans ce domaine.

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Le dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) défraie régulièrement la chronique.

Que ce soit à l’occasion d’affaires de fraudes réelles ou supposées, les CEE suscitent parfois des déclarations inutilement martiales de la part de responsables politiques plus prompts à dénoncer les inévitables dérives d’un dispositif complexe, qu’à mettre en lumière sa contribution majeure à la réduction de nos consommations énergétiques et, accessoirement, de nos émissions de gaz à effet de serre.

Le tout sans une once d’argent public, ce qui devrait susciter un certain intérêt en ces temps de contrainte budgétaire.

Récemment, des rapports publiés par la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances ont procédé à l’évaluation du dispositif et formulé des critiques constructives. Ces rapports ont d’ailleurs été reçus assez favorablement par les professionnels qui, s’ils font valoir un droit d’inventaire, entendent participer à l’évaluation aux fins d’amélioration du dispositif des CEE ainsi qu’au renforcement de la lutte contre la fraude qui est de nature à nuire à son écosystème.

C’est que le dispositif des CEE, s’il est avant tout un mécanisme légal et réglementaire - avec ses rigidités et ses insuffisances, notamment en termes de moyens humains alloués au PNCEE, service de l’administration en charge de la délivrance et du contrôle des CEE - doit nécessairement s’appuyer sur la pratique et les professionnels du secteur pour garantir que les objectifs globaux assignés par l’Etat aux énergéticiens - les « obligés » - seront effectivement atteints en fin de période.

A distance, mais de manière tout aussi substantielle, il est également permis de compter sur le Juge pour construire patiemment, loin des affres de l’instantanéité communicationnelle, son œuvre interprétative du corpus juridique régissant les CEE et plus particulièrement celui propre aux sanctions administratives pouvant être prononcées en la matière.

Le Conseil d’Etat exerce ici une compétence propre puisqu’il doit être saisi directement en premier et dernier ressort.

De même, la juridiction administrative est conduite à se pencher sur les décisions ministérielles refusant la délivrance de CEE. Ce contentieux est dévolu quant à lui aux tribunaux administratifs et cours administratives d’appel avant que le Conseil d’Etat n’en soit saisi le cas échéant.

Relève également du juge administratif de droit commun le contentieux des décisions prises par le ministre chargé de l’énergie en cas de défaillance des obligés dans leurs obligations déclaratives ou d’insuffisance du volume de CEE acquis en fin de période. Là aussi, le Conseil d’Etat se prononce sur les pourvois qui lui sont déférés.

Au cours de l’année 2024, le Conseil d’Etat, dans sa formation des 9ᵉ et 10ᵉ chambres réunies compétente en matière de CEE, a ainsi rendu douze décisions, dont les deux importantes décisions des 11 juin et 13 novembre qui seront évoquées ici et sont relatives respectivement :

  • au contrôle de la qualité du signataire au nom du bénéficiaire des travaux et à la preuve du rôle actif et incitatif (2)
  • au point de savoir si toute annulation de volumes sur le compte EMMY constitue une sanction administrative (3).

Au préalable on fera un bref rappel des principes applicables aux sanctions en matière de CEE (1).

1. Rappel sur les sanctions administratives en matière de CEE.

Le dispositif des CEE est tout entier régi par des dispositions légales et réglementaires du Code de l’énergie qui comportent comme il se doit son lot de sanctions administratives et pénales.

1.1.- En ce qui concerne les sanctions pénales, qui ne nous retiendront pas davantage, il convient de se référer à l’article L222-8 qui renvoie en son alinéa 1 aux dispositions des articles 441-6 et 441-10 du Code pénal réprimant ce faux particulier qu’est l’obtention indue de documents administratifs. En outre, le fait de se montrer imprudent dans l’acquisition de CEE sur le marché secondaire est, de manière plus originale, puni des mêmes peines :
« Le fait de se faire délivrer indûment, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un certificat d’économies d’énergie est puni des peines prévues aux articles 441-6 et 441-10 du Code pénal. Le fait d’acquérir des certificats d’économie d’énergie lorsque les dispositifs mentionnés à l’article L221-8 du présent code ont permis de détecter une obtention frauduleuse de la personne cédant les certificats est puni des mêmes peines ».

1.2.- En ce qui concerne les sanctions administratives, elles sont de cinq types et peuvent être adoptées par arrêté du ministre chargé de l’énergie conformément aux dispositions de l’article L222-2 du Code de l’énergie :
« En cas de manquement à des obligations déclaratives, le ministre met l’intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure.
Lorsque l’intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure ou lorsque des certificats d’économies d’énergie lui ont été indûment délivrés, le ministre chargé de l’énergie peut :
1° Prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l’intéressé, sans pouvoir excéder le double de la pénalité prévue au premier alinéa de l’article L221-4 par kilowattheure d’énergie finale concerné par le manquement et sans pouvoir excéder 4% du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 6% en cas de nouveau manquement à la même obligation
2° Le priver de la possibilité d’obtenir des certificats d’économies d’énergie selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article L221-7 et à l’article L221-12
3° Annuler des certificats d’économies d’énergie de l’intéressé, d’un volume égal à celui concerné par le manquement
4° Suspendre ou rejeter les demandes de certificats d’économies d’énergie faites par l’intéressé
5° Annuler les certificats d’économies d’énergie acquis par les personnes qui n’ont pas mis en place ou qui ont mis en place de façon incomplète les dispositifs mentionnés à l’article L221-8.
Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article
 ».

Selon ces dispositions légales, le ministre chargé de l’énergie peut ainsi sanctionner les irrégularités constatées par le PNCEE après délivrance de CEE : d’une pénalité financière (1°), d’une annulation d’un volume de CEE équivalent entre les mains du premier détenteur (3°) ou de celles d’un détenteur ultérieur négligent (5°), ou encore d’une suspension ou d’un rejet des demandes en cours d’instruction (4°), voire d’une privation de la possibilité d’obtenir de nouveaux CEE (2°).

On rappellera ici que toute sanction prononcée sur un autre fondement légal que celui de l’article L222-2 du Code de l’énergie, tel qu’un retrait au visa des dispositions générales de l’article L241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, serait illégale, ainsi que le Conseil d’Etat l’a déclaré dans un avis bien connu rendu le 24 février 2021.

Les dispositions réglementaires visées à l’article L222-2 du Code de l’énergie sont celles des articles R222-1 à R222-12 qui prévoient notamment les modalités de la procédure contradictoire devant être suivie avant le prononcé d’une sanction, le montant de la pénalité financière maximale encourue, les obligations du premier demandeur en cas de contrôle du PNCEE et définissent la notion de « manquement » pouvant entrainer une éventuelle sanction ministérielle après mise en demeure.

1.3.- On observera que les décisions de sanction font normalement l’objet d’une publication au Journal Officiel.

Depuis l’année 2018 à peine plus de cent décisions de sanction (109) ont été publiées et seulement 13 pour l’année 2024, à ce jour.

Ces quelques décisions n’en concernent pas moins la plupart des entreprises du secteur, elles-mêmes peu nombreuses, qui sont par nature exposées aux risques de leur métier. Leur publication systématique ne les couvre dès lors pas d’opprobre, n’en déplaise aux tenants du name and shame.

L’articles R222-12 prévoit enfin que les décisions de sanction peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction directement devant le Conseil d’Etat, qui construit ainsi depuis plusieurs années sa jurisprudence en la matière.

Ce rappel étant fait, il conviendra de revenir plus avant sur deux décisions parmi la douzaine de celles rendues par le Conseil d’Etat au cours de l’année 2024 en matière de CEE relativement :

  • au contrôle de la qualité du signataire au nom du bénéficiaire des travaux et à la preuve du rôle actif et incitatif (2) et
  • au point de savoir si toute annulation de volumes sur le compte EMMY constitue une sanction administrative (3).

2. Le défaut de pouvoir du signataire empêche-t-il la délivrance de CEE ?

2.1.- Dans son arrêt du 11 juin 2024 rendu par ses 9ᵉ et 10ᵉ chambres réunies, le Conseil d’Etat s’est penché sur l’étendue des pouvoirs de contrôle du PNCEE lors de la délivrance de CEE ainsi que sur le « rôle actif et incitatif » qui conditionne l’éligibilité aux CEE des travaux de performance énergétique.

La notion de « rôle actif et incitatif » est définie à l’article R221-22 du Code de l’énergie qui dispose notamment que :
« Le demandeur de certificats d’économies d’énergie doit, à l’appui de sa demande, justifier de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’opération. Est considérée comme un rôle actif et incitatif toute contribution directe, quelle qu’en soit la nature, apportée, par le demandeur ou par l’intermédiaire d’une personne qui lui est liée contractuellement, à la personne bénéficiant de l’opération d’économies d’énergie et permettant la réalisation de cette dernière. Cette contribution intervient au plus tard à la date d’engagement de l’opération ».

Derrière cette notion bien connue des acteurs, réside l’objectif d’additionnalité des opérations financées au moyen du dispositif des CEE, c’est-à-dire la volonté d’empêcher tout effet d’aubaine, mais aussi celui de lutter contre la fraude par antidatage des pièces constitutives du dossier de demande de CEE.

En pratique, l’arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur prévoit les conditions juridiques et matérielles d’établissement des différentes pièces du dossier et pose un principe de cohérence générale entre lesdites pièces.

2.2.- Au cas d’espèce, un délégataire (qui agissait donc pour son propre compte en lieu et place d’un obligé) s’était vu refusé plusieurs demandes de CEE par le ministre chargé de l’énergie, non parce que les travaux n’auraient pas été réalisés - ils l’avaient été, ce qui n’était pas contesté - mais au motif que la personne physique signataire des pièces des dossiers de demande n’avait pas qualité pour engager le bénéficiaire, s’agissant d’un bailleur social.

Le requérant avait obtenu l’annulation des décisions de refus de délivrance auprès du Tribunal administratif de Paris, compétent en premier ressort, mais s’était ensuite heurté à la Cour administrative d’appel de Paris qui avait retenu à l’inverse le défaut de qualité du signataire.

Devant le Conseil d’Etat, le requérant soutenait schématiquement que l’administration ne pouvait vérifier les pouvoirs des signataires des pièces d’une demande de CEE mais devait opérer un contrôle réduit à la complétude du dossier et à sa régularité formelle.

2.3.- Le Rapporteur public devait, dans ses conclusions, inviter les Juges à ne pas retenir cette argumentation en faisant notamment valoir que le contrôle exercé par l’administration doit pouvoir porter sur l’accord donné par le bénéficiaire aux opérations réalisées et ce d’autant plus s’agissant d’un opérateur HLM disposant d’un important parc immobilier.

A cet égard, et toujours selon le Rapporteur public, la bonne foi devrait cependant mettre à l’abri d’un refus de délivrance de CEE le demandeur ayant ignoré le défaut de pouvoir du signataire avec lequel il avait contracté.

La bonne foi devait cependant ne pas être retenue au cas d’espèce, le demandeur n’ayant pu, selon le Rapporteur public, ignorer en sa qualité de professionnel le défaut de pouvoir d’un responsable de secteur pour engager un bailleur social dans une opération d’économies d’énergie d’ampleur.

2.4.- Dans l’arrêt commenté du 11 juin 2024 le Conseil d’Etat a suivi les conclusions de son Rapporteur et refusé de faire droit aux pourvois du demandeur :
« 7. Les dispositions citées aux points 3 à 5 ne font pas obstacle à ce qu’avant de procéder à la délivrance des certificats d’économies d’énergie ou au retrait des certificats délivrés, le ministre chargé de l’énergie s’assure, dans les délais fixés respectivement à l’article R221-22 du Code de l’énergie et à l’article L242-1 du Code des relations entre le public et l’administration, de l’exactitude des éléments joints au dossier du demandeur ou de ceux qu’il tient à sa disposition, notamment aux fins de vérifier auprès du bénéficiaire déclaré, que l’opération d’économies d’énergie a bien été réalisée avec son accord, et de s’assurer du rôle actif et incitatif du demandeur dans sa réalisation.
8. En premier lieu, il ressort des énonciations des arrêts attaqués que le responsable de secteur de l’agence nord de la société HLM, bénéficiaire des opérations d’économies d’énergie au titre desquelles les certificats ont été demandés par le délégataire, a signé, en sa qualité de responsable de secteur, d’une part, une " convention d’incitation" sur laquelle il a apposé le seul cachet de l’agence nord et, d’autre part, des attestations sur l’honneur. Ces documents ont été fournis par le délégataire aux services compétents du ministre chargé de l’énergie, dans le cadre de l’examen de ses demandes de certificats d’économies d’énergie. Contrairement à ce qui est soutenu, la cour n’a pas jugé que le demandeur était tenu de justifier de la qualité de la personne ayant signé, au nom du bénéficiaire, les pièces produites à l’appui de sa demande mais a seulement recherché, pour déterminer si le délégataire justifiait de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’opération, et en motivant suffisamment son arrêt sur ce point, si le délégataire avait pu légitimement croire que le signataire de ces documents était habilité à engager la société HLM. Ayant ensuite relevé qu’interrogée, le délégataire avait précisé que le responsable de secteur n’était pas compétent pour engager la société, sans validation de son supérieur, et que sa direction n’avait pas été informée des travaux, la cour a pu, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les pièces des dossiers qui lui étaient soumis, déduire de ces circonstances que la société HLM n’avait pas été valablement engagée dans les opérations d’économies d’énergies en cause, que le délégataire ne pouvait l’ignorer et que, par suite, cette dernière ne pouvait prétendre à la délivrance des certificats d’économies d’énergie relatifs à ces opérations ».

2.5.- Cette décision est intéressante tout d’abord en ce qu’elle rappelle que le demandeur doit pouvoir faire la démonstration de son rôle actif et incitatif, qui constitue une condition préalable à la valorisation d’une opération d’économies d’énergie au titre des CEE.

Elle invite en outre les demandeurs à la plus grande prudence dans la formalisation des pièces de la demande de CEE, qui leur permettent de se préconstituer la preuve des éléments dont le PNCEE demandera la justification en cas de contrôle, aussi bien a priori qu’a posteriori.

A cet égard, la qualité des personnes physiques signataires au nom des bénéficiaires personnes morales devrait être vérifiée par les demandeurs qui, étant des professionnels, ne sauraient se prévaloir de la théorie de l’apparence.

La sanction des vices de la demande de CEE est ici intervenue au plan économique, les travaux préfinancés n’ayant pu être valorisés au titre des CEE.

Mais si les CEE avaient été délivrés par le PNCEE, ils auraient pu tout autant donner lieu à l’imposition de sanctions administratives à l’occasion d’un contrôle a posteriori, telle qu’une annulation de volume équivalent.

Pour autant, toute annulation de volume de CEE ne constitue pas nécessairement une sanction, ainsi que le Conseil d’Etat l’a jugé dans le second arrêt que nous commenterons.

3. Toute annulation de volumes de CEE constitue-t-elle une sanction ?

3.1.- Dans son arrêt du 13 novembre 2024, le Conseil d’Etat s’est penché sur la question, qui conditionne la compétence à l’intérieur de la juridiction administrative, de savoir si tous les types de décisions d’annulation de CEE sur le compte des détenteurs constituent des sanctions au sens de l’article L222-2 du Code de l’énergie.

Le 18 juin 2024, plusieurs autres décisions ont été rendues sur cette question.

Dans ces espèces, des obligés ayant failli à détenir sur leur compte EMMY en fin de période triennale un volume suffisant de CEE pour satisfaire leur obligation, s’étaient vu logiquement imposer par le ministre chargé de l’énergie une pénalité financière conformément aux dispositions des articles L221-3 et L221-4 du Code de l’énergie :
« Les personnes qui n’ont pas produit les certificats d’économies d’énergie nécessaires sont mises en demeure d’en acquérir ».
« Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d’une pénalité maximale de 0,02 euro par kilowattheure ».

Les obligés contestant ces pénalités avaient saisi le Conseil d’Etat de demandes d’annulation, sans néanmoins saisir au préalable le tribunal administratif.

Par ses arrêts du 18 juin 2024 le Conseil d’Etat devait ainsi rappeler qu’en la matière, le contentieux est dévolu en premier ressort aux tribunaux administratifs et non au Conseil d’Etat comme il l’est en matière de sanction :
« La décision par laquelle le ministre chargé de l’énergie met à la charge d’une personne n’ayant pas produit un volume suffisant de certificats d’économies d’énergie pour satisfaire à ses obligations de réalisation d’économies d’énergie, après avoir été mise en demeure d’en acquérir, le versement de la somme prévue à l’article L221-4 du Code de l’énergie, n’est pas au nombre de celles mentionnées à l’article R222-12 du même code pouvant faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat. Le jugement du litige relève du tribunal administratif compétent pour en connaître en vertu de l’article R312-10 du Code de justice administrative (CJA) ».

La solution paraissait assez évidente.

3.2.- Pour autant le Conseil d’Etat a eu à la confirmer, et à la préciser, par son arrêt du 13 novembre 2024 dans une espèce où la question de la compétence était posée dans des termes légèrement différents.

Dans cette affaire le PNCEE avait contesté la déclaration de volume de fioul domestique mis à la consommation par un obligé au titre de la 4ᵉ période du dispositif. L’obligé avait en effet déclaré un volume nul alors que le PNCEE avait estimé, sur la foi de données douanières, qu’il ne pouvait pas l’être. Selon l’administration, l’obligé était ainsi tenu de disposer à ce titre d’un certain volume de CEE pour les voir annuler en fin de période, sauf à encourir la pénalité financière de l’article L221-4 précité.

Il convient en effet ici de rappeler que les CEE produits et acquis par les obligés pour satisfaire leur obligation ont vocation à être annulés en fin de période par le teneur de compte (EEX) sur instruction du ministre chargé de l’énergie, ainsi que le prévoit l’article R221-13 du Code de l’énergie.

Or, l’obligé voyait dans cette annulation une sanction au sens de l’article L222-2 du Code de l’énergie et en tirait pour conséquence que le Conseil d’Etat était compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa contestation, conformément à l’article R222-12.

La première question posée était donc relative à la nature de la décision d’annulation de CEE en fin de période (s’agit-il d’une sanction ?) et la seconde, à la compétence juridictionnelle en premier ressort (Conseil d’Etat ou tribunaux administratifs ?).

3.3.- Dans ses conclusions, le Rapporteur public a tenu à rappeler que si une certaine lecture des textes paraissait donner raison au requérant, une autre lecture, et l’esprit du dispositif, invitaient en réalité à refuser d’assimiler l’annulation en fin de période à l’annulation à titre de sanction.

De manière pédagogique, il a rappelé, au visa de l’article L221-1, que « le bon fonctionnement du dispositif repose sur deux opérations-clé : en amont, la correcte détermination du volume d’obligations incombant à chaque fournisseur ; en aval, la production, par eux, d’un nombre de certificats suffisant, qui sont alors annulés » et que « l’hypothèse d’un manquement à l’obligation « aval » a été clairement prévue par les textes : l’article L221-3 du Code de l’énergie dispose en effet que les personnes qui n’ont pas produit les certificats nécessaires sont mises en demeure d’en acquérir. Si elles ne respectent pas cette mise en demeure, l’article L221-4 les oblige à acquitter un versement au Trésor, dénommé « pénalité » ».

C’est ce qui avait déjà été jugé par les décisions précitées du 18 juin dernier.

Cela étant, le cas d’espèce était légèrement différent s’agissant d’un litige portant sur l’absence de déclaration de volume, permettant de calculer l’obligation et par ricochet l’annulation de volumes de CEE, et non sur la pénalité libératoire pour insuffisance de volumes.

Le requérant assimilait astucieusement l’annulation ainsi subie à une sanction ministérielle au sens de l’article L222-2 qui vise expressément les hypothèses de « manquement à des obligations déclaratives ».

Le Rapporteur public a néanmoins considéré à l’inverse qu’il existe une procédure spécifique au défaut de déclaration de volume mis à la consommation par les obligés, prévue à l’article R222-1 du Code de l’énergie, consistant en un établissement d’office de la déclaration par le ministre :
« Si l’intéressé ne se conforme pas à cette mise en demeure de satisfaire à ses obligations déclaratives dans le délai fixé, le ministre chargé de l’énergie établit lui-même les déclarations prévues à partir des données à sa disposition et les notifie à l’intéressé ».

Il en résultait que l’annulation à laquelle il avait été procédé au cas d’espèce ne constituait pas une sanction, d’ailleurs toujours soumise à l’appréciation et guidée par le principe d’individualisation, mais la conséquence mécanique de l’établissement d’office par le ministre de la déclaration de volumes de l’obligé.

3.4.- Dans l’arrêt commenté du 23 novembre 2024 le Conseil d’Etat a, là aussi, suivi les conclusions de son Rapporteur :
« 7. L’obligé soutient que les décisions qu’elle attaque constituent des sanctions prises sur le fondement des dispositions du 3° de l’article L222-2 du Code de l’énergie citées au point 3 et qu’en conséquence, le Conseil d’Etat est compétent pour statuer en premier et dernier ressort sur ses requêtes en application des dispositions de l’article R222-12 du même code citées au point 4. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de l’énergie fait procéder, comme il l’a fait en l’espèce, à l’issue d’une période d’obligation d’économies d’énergie, à l’annulation, en application de l’article R221-13 du Code de l’énergie, des certificats d’économies d’énergie figurant sur le compte d’une personne, à concurrence des obligations d’économies d’énergie qui lui ont été notifiées en application de l’article R221-12, après établissement d’office de ses déclarations en application de l’article R222-1, ne se confond pas avec la décision d’annulation de certificats d’économies d’énergie qu’il peut prendre, à titre de sanction, sur le fondement du 3° de l’article L222-2 du Code de l’énergie et, par suite, n’est pas au nombre des sanctions pouvant faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat en application de l’article R222-12 de ce code.
8. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’attribuer le jugement des requêtes de l’obligé au Tribunal administratif de Toulon, compétent pour en connaître en vertu des articles L211-1 et R312-10 du Code de justice administrative
 ».

3.5.- Par cette décision, confirmative de celles du 18 juin 2024, le Conseil d’Etat, peut ainsi espérer limiter à l’avenir le flux des saisines mal dirigées vers lui en premier ressort.

Au-delà, la Haute Juridiction apporte une nouvelle fois des précisions fort utiles à la parfaite compréhension du dispositif des CEE qui, s’il peut légitimement susciter une certaine méfiance compte tenu de sa relative complexité, devrait assurément être mieux compris de tous.

A commencer par les consommateurs qui sont supposés en bénéficier globalement in fine mais en supportent individuellement le coût lorsqu’ils passent à la pompe ou règlent leurs factures de gaz ou d’électricité.

Benoît Denis
Avocat au barreau de Paris

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